


LES THERMOPYLES, LE LONG SAULT ET L’ALAMO:
ESSAI D'UNE TYPOLOGIE HISTORIOGRAPHIQUE
sans cela tout estoit perdu.
M. DE BELMONT
HISTOIRE DU CANADA (1700)


Mais pour importants que furent Colbert et Cromwell, ils n’eurent jamais autant de rayonnement et de puissance autonome dans leur civilisation qu’en eut Mustapha Khaznadar auprès de ses beys déclinants, tandis que la Kahena, par sa personnalité, étant reine berbère et non seulement fille de province promue chef d’armées, par sa mort marque le triomphe des conquérants arabes sur les autochtones. Celle de Jeanne consacrait plutôt la défaite prochaine de ses vainqueurs anglais. Donc, aussi pratiques soient ces comparaisons, elles n’en demeurent pas moins fausses et trompeuses quant au fond. Une typologie historiographique, c’est-à-dire un classement des faits ou personnages ou situations historiques selon des ressemblances ou des équivalences, ne peut donc se construire sur de simples associations ou vagues rapprochements.

Une telle typologie n’est cependant pas inutile. Elle peut permettre de comprendre l’historiographie comme phénomène social et psychologique. Pour parvenir à fonder une telle typologie, il faut que les ensembles comparés aient une base solide qui s’enracine dans chacun des trois niveaux de la conscience historique:
1° Les ensembles doivent posséder des similitudes au niveau de l’historicité, c’est-à-dire de la logique qui les articule. Dans les cas utilisés plus haut, pour avoir quelque chose de correspondant à la Kahena, il aurait fallu une fusion des personnages de Charles VII et de Jeanne d’Arc. Le Khaznadar, pour sa part, est un titre et Colbert, comme Cromwell, a rarement eu une marge d’action comparable à celle de Mustapha. Au niveau historique même, les ressemblances demeurent donc superficielles.

2° Au niveau de la signification, c’est-à-dire du sens de l’histoire, les ensembles doivent évoquer des symboles tels qu’ils parviennent à former une sorte d’archétype universel. C’est à ce niveau surtout que Memmi a voulu établir une correspondance entre Jeanne et la Kahena: sorcières et résistantes martyres. Colbert et Cromwell, comme le Khaznadar, ont été de puissants ministres. Pour qu’il y ait un véritable archétype entre les différents ensembles comparés, il faut trouver un réseau de liens affectifs ou répulsifs unissant les ensembles à une sensibilité commune que nous pouvons partager.
3° Les ensembles doivent servir à des objectifs analogues dans la moralisation de l’histoire, c’est-à-dire de la morale de l’histoire à tirer en vue d’une mobilisation quelconque (politique ou autre). Ainsi, la Kahena devient inspiratrice de la décolonisation nord-africaine comme Jeanne fut l’inspiratrice de la libération nationale de 1940; tandis que Khaznadar évoque les aptitudes potentielles des peuples de l’Afrique du Nord à gérer leur propre société comme le firent, en leurs temps, Colbert et Cromwell. Si l’un ou l’autre de ces trois niveaux ne présente pas de similitudes, la comparaison, si utile soit-elle, reste boiteuse et ne peut servir de fondement à une véritable typologie historiographique. Symboliquement et idéologiquement, les comparaisons de Memmi ne sont pas sans ressemblances pratiques et vraies; épistémologiquement, elles demeurent douteuses et insatisfaisantes.
Faire la genèse d’une problématique aide souvent à mieux la saisir. Il nous a été donné de lire fréquemment des rapprochements historiographiques du genre de ceux qu’emploie Memmi, et il y en a qui répondent aux trois critères de la conscience historique énoncés ci-dessus. La chaîne que nous allons essayer d’assembler ici commence dans un pamphlet du chanoine Lionel Groulx concernant celui qui est, à ses yeux, le héros type des Canadiens français, Adam Dollard des Ormeaux. Il rapporte, non sans complaisance, un «hommage» de l’historien anglophone Costain pour qui l’exploit de Dollard fut de tenir «the gap long enough, even as Leonidas did at Thermopylæ».7 Pour un historien français, le Long-Sault, où s’illustra Dollard, devient un «Alamo en Nouvelle-France»; par contre, lorsque Georges Sadoul veut décrire le canevas du film de John Wayne The Alamo, il compare ce fait avec un épisode survenu lors de la conquête française de l’Algérie: «Ce combat a joué le même rôle que, dans l’histoire colonialiste française, le Sidi-Brahim ou la mort héroïque du sergent Blandan.»8 Si on s’en tient à cette chaîne de faits: les Thermopyles, le Long-Sault, l’Alamo et Beni-Mered, nous obtenons une série comparative où Léonidas et ses 300 Spartiates, Dollard et ses 16 Montréalistes, Travis et ses 182 défenseurs de l’Alamo et Blandan et ses 22 compagnons représenteraient une même typologie historiographique : un même profil poétique, un même archétype significatif, un même exemplum moralisateur. Bref, ces récits raconteraient une même histoire pour la conscience grecque, québécoise, américaine et française. Nous pourrions enfin disposer d’une typologie solide pour établir ses caractères fondamentaux.
Mais en historiographie, l’histoire n’est rien sans les historiens qui la racontent – sinon qui la fantasment! Ceux-ci, apologistes ou contradicteurs, participent tous de la même représentation. Lionel Groulx a plus fait à lui seul que tout autre historien pour perpétuer le souvenir du Long-Sault; Hérodote nous a transmis le récit détaillé de l’exploit de Léonidas tandis que l’Alamo a inspiré non seulement beaucoup d’historiens, mais des romanciers et des cinéastes comme D. W. Griffith et John Wayne. Retenons ici l’ouvrage du journaliste Walter Lord, historien sérieux et fort populaire. Ces historiens entretiennent la représentation, qui a peu varié au cours des siècles, entre la contemporanéité des événements et les images que nous en conservons.
L’historicité
L’historicité, c’est d’abord la logique de l’histoire, ce qui fait qu’une série d’informations devient histoire, récit, analyse, narration. Celle-ci ne part pas de l’événement lui-même – bien des événements, à défaut de sources, sont aujourd’hui oubliés pour toujours –, mais de son enregistrement, de sa première mention, de ses sources et témoignages.
Les Thermopyles sont un épisode de la deuxième guerre



Le Long-Sault est un épisode des guerres indiennes au début de la colonisation française de l’Amérique du Nord. Les Français, établis à Ville-Marie (Montréal) depuis 1642, et leurs alliés Indiens (Hurons et Algonquins) sont harcelés par les Iroquois encouragés et approvsionnés en munitions par les Hollandais du New-York actuel. Au début de 1660, on apprend que les tribus

L’Alamo est une ancienne mission mexicaine érigée au Texas.




Beni-Mered, dans la vallée de la Mitidja en Algérie, a été, à cause de ses exploitations agricoles, l’enjeu de luttes entre les colons français établis depuis 1830 et la résistance arabo-berbère menée par Abd-elQadar. En 1840, le commandement français est confié au général Bugeaud qui «fait prévaloir de nouvelles méthodes de conquête : organisation de colonnes mobiles se déplaçant vite et armées de petits canons portés à dos de mulets; tactique de la terre brûlée… qui n’épargne ni les biens ni les personnes.»11 L’affaire Blandan se situe dans cette avancée de troupes coloniales. Sa colonne de 22 hommes est surprise et encerclée dans le bourg de Beni-Mered et est dé-truite aux trois-quarts par les 300 cavaliers arabes (11 avril 1842).
Si on possède des sources immédiates concernant ces événements, certaines divergences se glissent parfois d’un témoignage à l’autre, étant donnée l’absence de survivants dont les comptes-rendus auraient pu s’avérer plus fiables que ceux qui nous sont parvenus par des voies détournées. Cette déficience des sources directes peut encourager la multiplication des points de ressemblance, les commentateurs s’inspirant mutuellement dans la rédaction des récits. Pour Lionel Groulx, ces divergences «ont l’avantage d’écarter le caractère suspect de ces relations qui, à se répéter trop exactement, donnent l’air de se copier les unes les autres.»12 Les faits présentent donc tous des points communs: un petit groupe, inférieur en hommes, généralement jeunes, décident d’arrêter l’avance d’ennemis étrangers beaucoup plus nombreux; des Perses, des Iroquois, des Mexicains, des Arabes, bref, tous des «barbares». Après une vaillante résistance, le groupe est submergé, exterminé. Cependant, l’exemple de leur courage réanime la flamme de la résistance et le honteux massacre est effacé par une victoire ultérieure de la «civilisation» : Salamine rachète les Thermopyles; les Iroquois se replient devant Ville-Marie; San Jacinto venge l’Alamo et Bugeaud parviendra à réduire la résistance d’Abd elQadar, rachetant ainsi le massacre de Beni-Mered.
D’autres détails semblent accentuer la ressemblance. Le lieu naturel d’abord. Il se situe toujours à un endroit écarté, isolé et peu clément. «Près d’Alpènes, après les Thermopyles, le passage est juste assez large pour un chariot; avant les Thermopyles, près d’un cours d’eau, le Phénix, voisin de la ville d’Anthéla, il y a un passage de la même largeur. À l’ouest des Thermopyles, la montagne s’élève abrupte, inaccessible, très haute; c’est un contrefort de



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La signification
La signification, c’est le sens de l’histoire ou le symbolisme qui s’attache à la narration de ces événements. Les Léonidas, Dollard, Travis et Blandan sont devenus des archétypes, c’est-à-dire des modèles universels qui signifient une même chose pour tout le monde : héroïsme, témérité, courage, abnégation de soi. Une charge affective vient investir la logique froide de l’histoire. Derrière l’amour des défenseurs et la haine des envahisseurs agissent les pulsions de vie et de mort qui animent les groupes et les collectivités par les individus qui les composent. Porteurs de vie, les héros assurent le salut de la collectivité (Léonidas ne permet-il pas, par son sacrifice, la victoire de Salamine? Dollard ne sauve-t-il pas Ville-Marie et toute la colonie française? Les défenseurs de l’Alamo n’assurent-ils pas l’indépendance, puis le ralliement du Texas à l’Union? Blandan ne renforce-t-il pas le triomphe de Bugeaud?) mais ce salut passe par leur mort (devenue) certaine. Le tragique de leur destinée les auréole, a posteriori, d’une gloire à laquelle ils étaient loin de s’attendre en s’embarquant dans leur aventure. Du moins, s’ils l’anticipaient, ils n’en étaient pas vraiment certains. Ce qu’ils faisaient était, au fond, banal: sacrifice de temps de guerre! C’est là que repose l’ambiguïté de leur symbolisme : pourquoi ces gens sont-ils devenus des héros en faisant ce que chacun faisait normalement en leur temps? D’une part, leur archétype les unit au mythe du héros solaire, comme jadis Héraklès, Osiris, Samson et Jésus, héros qui, selon Mircea Éliade, sont «familiers surtout aux pasteurs nomades, c’est-à-dire à des races parmi lesquelles se recrutent, au long de l’histoire, les nations appelées à “faire l’histoire” (dont les Indo-Européens)21.» D’ailleurs il est remarquable que les épisodes formant notre typologie appartiennent à des peuples en pleine migration : Léonidas et ses Spartiates tombent bien loin de leur patrie en ces temps d’invasions où la Grèce est mise sans dessus dessous! Dollard est un jeune Français en terre d’Amérique au moment de la dernière grande Völlkerwanderung européenne. Travis fait également partie de cet ample mouvement historique qui, dans les termes de l’histoire proprement américaine, a pris le nom de Manifest Destiny, tandis que leurs contemporains Blandan et ses hommes se déversent, sous ce même courant migratoire, sur la côte algérienne.
Éliade rappelle qu’«un héros solaire présente toujours, en outre, une “zone obscure”, celle de ses rapports avec le monde des morts, l’initiation, la fécondité, etc. Le mythe des héros solaires est également pénétré d’éléments qui relèvent de la mystique du souverain ou du demiurge. Le héros “sauve” le monde, le renouvelle, inaugure une nouvelle étape qui équi-vaut parfois à une nouvelle organisation de l’Univers; autrement dit, il garde encore l’héritage demiurgique de l’Être Suprême.»22 Cette dimension du héros solaire


Léonidas, Dollard, Travis et Blandan sont donc des héros qui ont «sauvé» le monde. Ils l’ont renouvelé et ont inauguré une nouvelle ère historique : à Léonidas on doit finalement la Grèce classique; à Dollard, la prospérité économique de «la civilisation de la Nouvelle-France»; à Travis 27 on doit l’indépendance puis le ralliement du Texas aux États-Unis, et la France peut être reconnaissante à Blandan et à tous ces jeunes officiers qui, comme ce chasseur s’emparant d’un drapeau et, frappé de sept coups, s’écrie en mourant: «Il est à moi»28 ont donné héroïquement leur vie pour sa «mission civilisatrice»!
À côté du héros solaire, on trouve des soutiens épiq





Ni Hérodote ni Walter Lord n’ont fait autant que Lionel Groulx pour son «héros solaire», qu’à toute fin pratique, il l’a créé. C’est un véritable «culte»30 qu’il a érigé en son honneur, faisant de lui le modèle pour la jeunesse d’un héros national, organisant même des «pèlerinages patriotiques sur les lieux de la bataille mémorable.»31 En fait, pour Groulx – et cela vaut autant pour Hérodote et W. Lord, quoiqu’à un degré moindre –, par le sacrifice du héros solaire, «des liens de sang et de feu l’attachaient (…) presque personnellement au terroir québécois.»32 Le sang versé aux Thermopyles, au Long-Sault, à l’Alamo, à Beni-Méred attachent les descendants de ces sacrifiés au territoire sur lequel ils sont morts, liant les Grecs à l’Hellade, les Québécois au

Groulx n’est pas animé par le bellicisme de Barrès, son obsession ne lui fait pas demander «une chaire et un cimetière», mais son patriotisme n’en est pas moins morbide. L’exaltation de Groulx pour son héros n’est pas celle non plus d’un Jean de la Croix puisqu’il ne conduit à aucune démarche du renoncement, son «héros solaire» ayant peu de chose à avoir avec les «nuits mystiques». La situation historique de Groulx l’inscrit plutôt à l’intérieur d’un double mouvement entre la permanence du catholicisme et la toujours plus grande laïcisation du nationalisme québécois dans les mains des institutions civiles. À la croisée de ces tendances, le chanoine entend maintenir l’élévation mystique, la transcendance que le «culte» de Dollard apporte aux Canadiens français qui ne se sont pas encore définis comme des «Québécois». Il est symptomatique que le jour où ils se définieront comme tels, dans la province de Québec, la part symbolique de l’histoire de Dollard se verra repoussée pour celle des Patriotes de 37-38, mais ces Patriotes hériteront quand même de cette part de symbolique que Groulx a créée autour du personnage de Dollard et que Kastner mentionnait comme l’un de ces «vaincus plus grands que les vainqueurs, et que la défaite a couronnés plus que pour d’autres n’a fait la victoire» (phrase que Groulx cite intégralement dans son cours d’histoire du Canada en 1905-1906 35).
De Groulx à Laliberté, le sculpteur du monument de Dollard, on a vu un érotique passer du stade littéraire au stade esthétique. Il n’est pas sans intérêt là encore, de rapprocher la figure sculptée de Dollard des peintures baroques du Gréco, par exemple, où dans un «appétit d’ascension», véritable «montée irrésistible», personnage et contempteurs sont entraînés et soutenus ensemble par un même «élan profond» 36, vers un passage de l’immanence à la transcendance; de la mort à l’éternité. En empruntant le nom d’un des jeunes compagnons de Dollard, en exécutant des pèlerinages aux lieux du massacre et en prêchant le culte de ce «héros solaire», Groulx tend toujours à se rapprocher plus près du modèle, à s’accrocher à l’autre extrémité des «liens de sang», à renouveler «l’appel de la race», à s’élever au-dessus des mêlées politiques pour accéder à la pérennité de l’humanité telle que promise par le lien charnel et à travers même les souffrances et la mort. On aurait tort de sous-estimer tout ce qu’il y a de désir charnel pour soutenir cette immense entreprise de sublimation, cet appétit sexuel dans ce lien mystique unissant le célébrant à son «héros solaire».

Plus qu’un simple héros mais pas encore un Dieu, le «héros solaire» est toujours flanqué de sa «zone obscure», celle de la mort personnifée par des traîtres et des lâches. Les «héros solaires» sont entourés de personnages ténébreux appelés à contribuer à leur perte. Ils sont là pour perturber le cours des plans initiaux et font en sorte que l’inéluctable prenne des airs de fatalité, mais ils servent également à faire rejaillir par contraste la luminosité et l’éclat du rayonnement solaire des héros, d’où cette tendance des historiens à exagérer leur rôle dans les récits. Dès le début, les héros sont mis en garde du danger potentiel que représentent ces personnages troubles, ainsi le devin Mégistias annonçant aux combattants grecs le trépas qui les menace, se voit confirmé, dans sa fonction littéraire, par le traître Ephialtès. Mégistias restera aux côtés de Léonidas.
De même au Long-Sault, la présence d’alliés hurons venus soutenir le petit contingent français s’avère un fardeau pour les défenseurs: «Au Long-Sault, la petite troupe aurait pu peut-être s’en tirer seule, sans l’encombrement de l’allié indien, allié de valeur discutable, rappellerons-nous, et qui n’a pas fini de faire le désespoir des officiers canadiens et français, par son incurable indiscipline, sa manie de tirer du fusil à tout propos et hors de propos, et par son prodigieux gaspillage de munitions et de vivres. Maisonneuve n’avait pas eu tort de mettre en garde les jeunes aventuriers contre cet allié souvent plus dangereux qu’utile…»37 En effet, puisque parmi les 37 Hurons et les 4 Algonquins venus grossir les rangs des défenseurs, les Hurons trahissent, sauf leur chef Anontaha, tandis que les Algonquins restent fidèles: «apprenant par les déserteurs la faiblesse de l’effectif français, les Iroquois se ruent contre le fort…»38 Si l’Alamo ne fut pas trahie, elle compte au moins un déserteur, Louis Rose;39 quelque temps plus tard courut le bruit que Crockett était «l’un des six Américains qui renoncèrent à la lutte et furent exécutés.»40
En définitive, il apparaît donc que le Long-Sault, l’Alamo ou les Thermopyles ne sont pas des marches stoïques vers une mort assurée, mais des entreprises de la dernière chance qui auraient pu réussir si des contingences accidentelles n’étaient pas venues réduire les probabilités de succès du plan initial, et transformer des vaillants combattants en héros métaphysiques. D’où l’archétype du «héros solaire» qui vient se greffer aux récits et lui insérer une portée hautement symbolique, affective et même mystique dans le sens où le renoncement à la vie est récompensé par l’abondance et la générosité:
tu as bien mérité d’Israël,
et Dieu a ratifié ce que tu as fait (Jdt 11, 9)


La moralisation
Il n’est pas inintéressant de rappeler qu’on estime que les quelques 300 Spartiates sacrifiés aux Thermopyles firent, parmi les rangs perses, 20 000 victimes, dont deux frères du roi Xerxès.43 Pour sa part, Lionel Groulx estime à plus de 400 le nombre d’Iroquois tués au siège du Long-Sault.44 Enfin, Walter Lord suggère le chiffre de 600 tués et blessés parmi les rangs

L’historiographie du Long-Sault et de l’Alamo sont particulièrement éloquentes à ce sujet. Les contemporains du Long-Sault ont saisi la véritable portée de l’événement et pensé y trouver le prix de leur salut. Puis, deux siècles de silence ont couvert d’un voile épais le fait d’armes; deux siècles qui sépareront à tout jamais la rédaction de l’Histoire du Montréal du Sulpicien Dollier de Casson, dont le manuscrit appartenait à la Bibliothèque Mazarine, de sa redécouverte par Louis-Joseph Papineau qui en ramena une copie lors de son retour d’exil en 184546. La première édition du livre remonte en 1868, puis une version anglaise paraît en 1871. À partir de ce moment, le Long-Sault devient l’une des pages glorieuses et indispensables des manuels d’histoire du Canada. Son message idéologique allait retrouver une nouvelle actualité quand, en 1910, l’A.C.J.C. (l’Action Catholique de la Jeunesse Canadienne-française) organise, le 29 mai, la première fête de Dollard et la

À peine tombée, la mission de l’Alamo devint le porte-étendard de la résistance texane et

Cette tradition du Remember nous permet de constater que les faits évoqués mettent en présence les Américains contre des peuples étrangers : Mexicains, Espagnols, Japonais, envers lesquels le mépris raciste n’est guère timide. Déjà Léonidas guerroyait contre les «Barbares» mèdes et perses conduits par Xerxès; Dollard affrontait les Iroquois que la Mère Marie de l’Incarnation distinguait bien de «nos bons sauvages, sauvages chrétiens.»52 Même chose dans

Finalement, le caractère commun des héros rapproche plus qu’il n’éloigne la fierté du commun des mortels, rarement amené à participer à des faits historiques grandioses. Les Spartiates, les Montréalistes, les Texans comme les colons français d’Algérie sont des gens du peuple. Alors qu’un héros purement mythologique rend son action extra-ordinaire, la dimension commune du héros solaire permet à Monsieur Tout-le-Monde de dire: «Regardez ces héros, c’étaient des gens comme nous! » Pourquoi, selon W. Lord, le massacre de l’Alamo émut-il l’Amérique tout entière? «Mais les massacres, c’était une vieille habitude sur la frontière: les raids des Indiens y créaient une panique incessante, et ce ne fut pas uniquement le meurtre de ces malheureux qui fit se dresser toute la nation. Ce fut la tuerie de CES hommes-là, non de lointains défricheurs de frontière, mais d’amis, de camarades, de parents, de Natchez, de Charleston, de Boston, de gens “de chez nous”. À quelques rares exceptions près ce n’étaient pas de vulgaires aventuriers mais des cultivateurs, des artisans, des membres de profession libérale, des idéalistes. Ainsi que le faisait remarquer l’“Enquirer” de Memphis, “quelques-uns de nos amis les plus proches sont tombés à l’Alamo. On ne leur a pas fait de quartier. C’étaient des êtres dans la fleur de l’âge, que nous fréquentions, et qui nous sont devenus plus chers encore par la force de leur dévouement, par leur profonde noblesse.»54 Notre typologie historiographique serait-elle particulièrement propice à la conception démocratique du pouvoir? Permettrait-elle de comprendre ce que veut dire véritablement l’entrée démocratique des Peuples dans l’Histoire? L’évhémérisme du Common man en «héros solaire»? L’ambiguïté des sentiments

C’est parce que la logique de l’histoire ne supporte plus une fatalité qu’il est permis au commun des mortels de reprendre l’ouvrage là où les Dollard et les Travis l’ont laissé. La conscience historique, en devenant démocratique, atteint à une certaine maturité qui lui permet d’évaluer les situations qui se présente


Si nous revenons une dernière fois sur les comparaisons établies ici, devons-nous reconnaître définitivement une typologie historiographique entre les Thermopyles, le Long-Sault, l’Alamo et Beni-Méred? Au niveau de la logique de l’histoire, il faut reconnaître une certaine similitude; le déroulement des faits ayant échappé au contrôle humain du plan projeté, il aurait pu être tout autre si les actions avaient été menées correctement. Aucun de ces faits ne se présente comme prédéterminé ou relevant du domaine de la nécessité historique. Au niveau du symbolique, le sens de l’histoire se révèle par la dimension «solaire» prêtée au sacrifice des héros. Même un personnage comme Blandan, discrédité par la décolonisation et «les sanglots de l’homme blanc»58, a pu apparaître comme un modèle exemplaire qui montre la barbarie des Arabes aux yeux des anciens coloniaux et, encore aujourd’hui, des Pieds Noirs. Enfin, la réappropriation de ces événements au cours de contextes historiques ultérieurs et tous assez semblables, où la civilisation est sensée affronter la barbarie, en fait de véritables «leçons», une morale de l’histoire à respecter et à reproduire. La convergence de ces divers points aux différents niveaux de la conscience historique nous autorise donc à conclure que nous tenons ici une véritable typologie historiographique.
Historiographique certes mais non pas historique; phénoménologique au niveau littéraire, mais événementielle au niveau empirique. Évitons de tomber dans le piège d’une conception cyclique de l’Histoire réglée par une succession de répétitions, conception qui n’est pas la nôtre. Cette typologie s’établit non dans les faits mêmes, qui ne sont pas des répétitions l’un de l’autre, mais dans la manière dont la conscience historique se structure autour de leur connaissance. Si la connaissance historique s’organise autour de l’unicité de l’événement, et considère le fait comme non reproductible, la conscience historique s’organise autour de la phénoménologie des catégories tirées de l’historiographie. La typologie histo-riographique démontre que les conceptions cycliques de l’histoire ne reposent pas tant sur l’information que sur la manière dont la conscience les organise au niveau de la représentation.
L’utilisation de rapprochements historiques est courante et il est dfficile de conclure présentement que tous ces rapprochements amènent à des typologies historiographiques. Comme nous l’avons vu en introduction, certains de ces rapprochements sont inadéquats. Pourquoi ne pas avoir inséré Little Big Horn ou la bataille des Plaines d’Abraham dans notre chaîne événementielle?59
Rappelons, pour terminer, que nous nous sommes limités à rassembler des faits établis dans la courte durée, des conjonctures plutôt que des structures. Ici aussi se pratiquent des rapprochements dont il serait important d’examiner la validité. Lorsque l’historien de l’économie Jacques Maillet parlait de la «féodalité égyptienne»60, ou lorsque Rafaël Karsten parle encore, quoique avec des guillemets, du «communisme» et du «socialisme» inca61, font-ils des rapprochements judicieux? Pourtant, le succès de ces rapprochements est indéniable, et aucun courant idéologique n’y échappe. La typologie historiographique peut donc s’établir partout. Nous en avons ici à peine exploré les bases…⌛
1. A. Memmi, Portrait du colonisé précédé du Portrait du colonisateur, s.v., Jean-Jacques Pauvert, 1966, pp. 141-142.
2. J. Ganiage, L’expansion coloniale de la France sous la Troisième République (1871-1914), Paris, Payot, Col. Bibliothèque historique, 1968, p. 64, n. 1.
3. R. et M. Cornevin, Histoire de l’Afrique, vol. 1: des origines à la 2e guerre mondiale, Paris, Payot, Col. PBP # 158, 1964, p. 114. Cornevin parle de la Kahena comme de «la Jeanne d’Arc berbère».
4. E.-F. Gauthier, Le passé de l’Afrique du Nord, Paris, Payot, Col. PBP # 67, 1952, p. 259.
5. E.-F. Gauthier, ibid, p. 262. Ch.-A. Julien, dans son Histoire de l’Afrique du Nord, vol. 2: de la conquête arabe à 1830, Paris, Payot, Col. Bibliothèque historique, 1952, semble souscrire aux interprétations de Gauthier, pp. 20 à 22.
6. E.-F. Gauthier, ibid, p. 256.
7. T. B. Costain, cité in L. Groulx, Dollard est-il un mythe?, Montréal, Fidès, 1960, p. 49.
8. G. Sadoul, Dictionnaire des films, Paris, Seuil, Col. Microcosme, 1976, pp. 9-10. Sadoul semble commettre ici une confusion en liant l’affaire Blandan à Sidi-Brahim qui sont deux épisodes distincts de la conquête française de l’Algérie. Blandan est massacré en 1842 lors de la dévastation de la Mitidja tandis que l’affaire de Sidi-Brahim se déroule en septembre 1845.
9. Hérodote, L’Enquête, vol. 2 : Livres V à IX, Paris, Gallimard, Col. Folio # 2130, 1964, pp. 276 sq.
10. R. Rumilly, Histoire de Montréal, vol. 1: 1534-1760, Montréal, Fidès, 1970, pp. 127 à 131.
11. P. Vigier, La Monarchie de Juillet, Paris, P.U.F., Col. Que sais-je? # 1002, 1962, p. 105.
12. L. Groulx, op. cit., p. 18.
13. Hérodote, op. cit., (Livre VII, § 176), p. 263.
14. Cité in W. Lord, Alamo, Paris, Robert Laffont, Col. Ce jour-là, 1963, p. 71.
15. W. Lord, ibid, p. 72.
16. Sur l’oracle de la Pythie de Delphes, voir Hérodote, op. cit., (Livre VII, § 220, p. 283-284.
17. J.-P. Coupal, Pour la suite de l’histoire… tome 1, Montréal, 1996, p. 35 sq.
18. Si on en croit Hérodote, op. cit., (Livre VII, § 213, p. 280-281), Xerxès se demandait comment sortir de cet embarras lorsqu’un Malien, Ephialte fils d’Eurydèmos, vint le trouver dans l’espoir d’une forte récompense : il lui indiqua le sentier qui par la montagne rejoint les Thermopyles, et causa la mort des Grecs qui demeurèrent à leur poste. Par la suite Ephialte craignait la vengeance des Lacédémoniens et s’enfuit en Thessalie; mais, bien qu’il se fût exilé, lorsque les Amphictyons se réunirent aux Thermopyles, les Pylagores mirent sa tête à prix; plus tard il revint à Anticyre où il trouva la mort de la main d’un Trachinien, Athénadès…
19. L. Groulx, op. cit., p. 31 (texte citant Radisson et repris de Notre maître le passé, vol. 2, p. 45)
20. Cité in C.-A. Julien, Histoire de l’Algérie contemporaine, vol. 1: La conquête et les débuts de la colonisation (1827-1871), Paris, P.U.F., 1964, p. 288.
21. M. Éliade, Traité d’histoire des religions, Paris, Payot, Col. Bibliothèque historique, 1964, § 46, p. 134.
22. M. Éliade, ibid, p. 135.
23. Hérodote, op. cit., (Livre VII, § 225, p. 286 et p. 515 n. 245).
24. Cité in L. Groulx, op. cit., p. 46.
25. Cité in L. Groulx, ibid, p. 48.
26. L. Groulx, ibid, p. 49.
27. William Barrett Travis est bien le héros révélé par l’Alamo. Jim Bowie et Davy Crockett avaient déjà une légende d’aventuriers et de risque-tout derrière eux lorsqu’ils se portèrent à la défense de l’Alamo. «Travis était le prototype de ces individus venus refaire leur vie au Texas», écrit W. Lord (op. cit. p. 37). En cela, il est bien le pendant de Léonidas qui, avec les Thermopyles, «s’épargnait ainsi la honte dont l’eût couvert l’abandon du poste que sa patrie lui avait confié, et il revêtait même d’une gloire fort durable un nom jusqu’alors parfaitement obscur.» (P. Cloché, Le monde grec aux temps classiques (550-336 avant J.-C., Paris, Payot, Col. Bibliothèque historique, 1958, p. 23.) Dollard, pour sa part, «doit avoir quelque faute à racheter en France». (R. Rumilly, op. cit., p. 128). L’historien fait référence ici à un commentaire de Dollier de Casson qui parle de «quelque affaire qu’on disait lui être arrivé en France». Dans son pamphlet, Lionel Groulx essaie de nuancer, pour ne pas dire de neutraliser, le sous-entendu que cette allusion suggère (op. cit. p. 21).
28. C.-A. Julien, op. cit., 1964, p. 288.
29. W. Lord, op. cit., p. 11.
30. J.-P. Gaboury, Le Nationalisme de Lionel Groulx, Ottawa, P.U.O., 1970, p. 86.
31. J.-P. Gaboury, ibid, p. 86.
32. J.-P. Gaboury, ibid, p. 27.
33. L. Rolbert, «Camille Roy et Lionel Groulx : la querelle de “L’appel de la race” in Lionel Groulx 100e anniversaire de sa naissance 1878-1978, Revue d’Histoire de l’Amérique française, vol. 32, # 3. déc. 1978, p. 399.
34. J.-P. Gaboury, op. cit., p. 86.
35. In M. Filion (éd.), Hommage à Lionel Groulx, Montréal, Léméac, 1978, pp. 188-189.
36. R. Huyghe, Les signes du temps et l’art moderne, Paris, Flammarion, 1985, pp. 184-185.
37. L. Groulx, op. cit., p. 40.
38. R. Rumilly, op. cit., p. 129.
39. W. Lord, op. cit., p. 173.
40. W. Lord, ibid, p. 242-244.
41. W. Lord, ibid, p. 173.
42. P. Cloché, op. cit., p. 23.
43. Hérodote, op. cit., Livre VII, § 225, p. 286.
44. Cité in M. Filion, op. cit., p. 192.
45. W. Lord, op. cit., p. 246.
46. L. Groulx, op. cit., p. 14.
47. Sur les levées de fonds pour le monument à Dollard, voir. J. Lacoursière et H.-A. Bizier (éd.) Nos Racines, vol. 10, # 120, 1982, p. 2397. L’affiche, bien primitive en manière de propagande, est reproduite dans la même série, vol. 11, # 122, 1982, p. 2432, et dans l’article de R.-A. Jones, «La guerre, no Sir!,» in Horizon Canada, vol. 8, # 87, 1985, p. 2069. Elle est reproduite également (en noir et blanc) dans la planche hors-texte XXV de J. Hamelin (éd.) Histoire du Québec, Toulouse/Saint-Hyacinthe, Privat/Edisem, mais une erreur s’est glissée en l’attribuant à la Seconde Guerre mondiale (1942). Rappelons ce commentaire amer du chanoine Groulx : «Dollard! pour d’autres gens que vous savez, un héros, un nom prestigieux à brandir pour le recrutement des naïfs en temps de guerre. La guerre finie, une “veste de cuir” d’avant le temps, un “bandit” à renvoyer au bagne de l’Histoire. Phénomène, hélas, d’un peuple décadent que cet acharnement à salir son lit et à détruire sa propre histoire», in op. cit. p. 8. Le chanoine ramène ici une rancœur qui remonte à la Grande Guerre et qu’il joint aux brûlots que lui lançait régulièrement le docteur Ferron dans ses capsules journalistiques. Voir ses Historiettes, Montréal, Léméac, 1969.
48. Sam Hugues, ministre de la Milice dans le cabinet Borden (1911-1916) ne se gênait pas pour manifester son aversion envers les Canadiens français accusés du manque d’enthousiasme à s’enrôler pour la Grande Guerre.
49. Cité in W. Lord, op. cit., p. 227.
50 Y.-H. Nouailhat, Les États-Unis: l’avènement d’une puissance mondiale, 1898-1933, Paris, Editions Richelieu, 1973, p. 24.
51. Walter Lord est également l’auteur d’un livre sur Pearl Harbour, Robert Laffont, Col. Ce jour-là, 1958, 222 p.
52. Cité in L. Groulx, op. cit., p. 45.
53. L. Groulx, ibid, pp. 56-57.
54. W. Lord, op. cit., p. 203.
55. W. Lord, ibid, p. 225.
56. L. Groulx, op. cit., pp. 38-40.
57. La deuxième édition de l’Histoire des femmes au Québec du Collectif Clio, formé de quatre historiennes universitaires, contient une liste des 14 jeunes filles abattues à l’école Polytechnique de Montréal, le 6 décembre 1990. Cette liste évoque étrangement la fonction représentatrice de la liste des seize jeunes gens tués avec Dollard au Long-Sault!
58. Selon le titre d’un livre polémique de Pascal Bruckner, Le sanglot de l’homme blanc, Paris, Seuil, Col. L’histoire immédiate, 1983, 310 p.
59. L’épisode du Little Big Horn pourrait ressembler au Long-Sault, à l’Alamo ou à Beni-Méred, mais contrairement à ce dernier épisode, Custer ne fut pas surpris dans une embuscade. De plus, sa personnalité, vaniteuse et troublione, représente moins l’idéal propre à un héros solaire. Enfin, sa désobéissance aux ordres de son supérieur, le général Terry, son empressement à livrer bataille avant de faire jonction avec les deux autres unités de l’armée, ont précipité l’issue du désastre. Il ne faut pas confondre maladresse, malchance et témérité! On pourrait plutôt comparer Little Big Horn avec la bataille de Cannes, par exemple, quand, en 216 av. J.-C., Hannibal encercle et étouffe les armées romaines des consuls Paul-Emile et Terentius Varron, ou encore aux harcèlements du Lusitanien Viriathe contre les troupes d’occupation romaine. En ce qui concerne les Plaines d’Abraham, même si nous retrouvons le déséquilibre des forces en présence, la trahison d’un Français et la mort du héros, il s’agit plutôt d’un affrontement militaire tenu dans les règles contemporaines de la guerre. Aujourd’hui, un monument honore également Montcalm et Wolfe puisque vaincu et vainqueur sont tombés tous deux au champ d’honneur. Rien de vraiment comparable, tant par la logique que par le sens de l’histoire, au Long-Sault ou à l’Alamo… Une typologie dans laquelle on pourrait insérer les plaines d’Abrahan pourrait comprendre des événements comme la prise de Constantinople en 1453, le siège et la reddition de Pondichéry en Indes en 1761 ou encore la prise du fort américain Lee par les Anglais en 1776 après l’escalade d’une falaise abrutpe qui rappelle l’exploit de Wolfe à l’Anse-aux-Foulons.
60. J. Maillet, Histoire des faits économiques des origines au XXe siècle, Paris, Payot, Col. Bibliothèque historique, 1952, p. 42 sq.
61. R. Karsten, La civilisation de l’empire inca, Paris, Payot, Col. Bibliothèque historique, 1952, p. 106 sq.
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