LES EFFETS CULTURELS DE LA LAÏCITÉ
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Manifestation contre le spectacle Slāv au T.N.M. durant l'été 2018. |
Il n'y a unanimité parmi aucun peuple, même lorsqu’on aborde la question identitaire. Peut-être parce que l’identité est beaucoup plus complexe qu’elle nous apparaît évidente. Mais je tiens que les collectivités qui se divisent sont des collectivités saines et sûrement pas totalitaires en voie de faire des "nettoyages ethniques". Lorsque les Québécois ont brisé leur unanimisme incestueux dans les années 1960, ils ont subi un coup de maturité exceptionnel. Considérez cette chose formidable. Si le projet de loi sur la laïcité était le produit de ce Québec obscurantiste des années 1840-1960, non seulement vous n'oseriez pas marquer votre dissidence, mais vous n’oseriez même pas le faire "à visage couvert", c'est-à-dire dans l'anonymat, dissout dans la masse. Si vous pouvez exprimer votre dissension autant que votre appréciation, aujourd'hui, c'est parce que nous avons fondé la séparation des Églises et de l'État et que maintenant la loi # 21 vise à compléter cette séparation en prévoyant que des minorités, de plus en plus nombreuses, pourraient venir mettre un cran d'arrêt à cette maturation et nous ramener à une époque où vous seriez obligé de vous taire pour ne pas heurter des "hypersensibilités" fermées, semblables à celles qui se sont offertes en spectacle avec l'intolérance manifestée à travers les affaires Slāv et Kanata. C'est dire qu'ils sont encore nombreux ces Québécois qui n'hésitent pas à se mordre la langue.
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Fernand Dumont (1927-1997). Officier de l'Ordre national du Québec. |
Nous reconnaissons alors que la laïcité, au-delà de la séparation des religions et de l’État, permet une ouverture culturelle de la société. S’il est possible de contester si ouvertement et avec tant de grossièreté le projet de loi et la société qui le supporte, c’est bien parce que nous avons ouvert la voie, par la laïcité, à une liberté de penser et de parole inconnue jusqu’alors. Une société laïque est une société ouverte et ses ennemis, aujourd’hui, sont ceux qui voudraient que, non seulement nous acceptions les ghettos fermés qui se développent au sein de la métropole montréalaise, mais en plus qui voudraient que nous considérions cette complicité incestueuse comme un exemple de plus grande acceptabilité sociale. C’est ajouter l’insulte à l’outrage tant le Charkaouidistan et le Steinbergland sont habitués à ces offenses intolérables que nous ne devons, que nous ne pouvons plus accepter.
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Le père Lévesque (1903-2000) et ses élèves en sciences sociales à Québec. |
Je sais très bien que tous ceux qui sont religieux ne sont pas obligatoire-ment des "fondamenta-listes" ou des "intégristes". La religion ne conduit pas nécessairement à l’intolérance. Je pense à l'un de nos plus grands intellectuels, Fernand Dumont, sociologue émérite, philosophe de notre histoire, qui n'a jamais renié ni ses opinions ni sa pratique catholiques. Mais Dumont, lui, savait ce que signifiait les codes de sa religion, il savait aussi très bien l'importance d'une société laïque, jugeant impartialement le tort que le catholicisme rigoriste ultramontain avait coûté à l'évolution psychologique et sociale des Québécois. La carrière de Dumont n'aurait pas été ce qu'elle fût si ce n'avait été de cet autre ecclésiastique, le père Georges-Henri Lévesque, dominicain, à qui nous devons le département des sciences sociales, politiques et économiques à l’Université Laval depuis 1938. Si on pense qu’à la même époque, l’historien Marcel Trudel, reconnu depuis pour ses études sociales et économiques de la Nouvelle-France, rédigeait une thèse en histoire sur l’influence de Voltaire au Canada, se sentait obligé de discréditer le rationalisme des Lumières afin de satisfaire au cléricalisme des élites diocésaines et universitaires de Québec, nous sommes en mesure de juger de l’ambiguïté des relations entre le religieux et la culture.
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École Notre-Dame-de-Lourdes, Iberville. |
À Rome, fais avec les Romains. Il ne s'agit pas d'imposer aux immigrants le culte de la ceinture fléchée ni de la chemise à carreau. Il ne s'agit pas non plus d'interdire le port du voile dans les cinémas. La liberté de conscience exige qu'on distingue nos sentiments personnels de l’ordre civil. Malgré ce qu'on pense de nous qu’on accuse d’être intolérants par nature, je me souviens que dans la petite ville d'Iberville, dans ce coin de farmers, en 1970, la première fois que les enfants virent une institutrice haïtienne - Mme Baptiste -, c'était quelque chose d'extraordinaire. Les élèves l'adoraient. (Il est vrai qu'elle n'était pas très sévère et qu’elle était très rusée). J’ai eu, plus tard, un professeur de mathématiques haïtien, ingénieur au pavillon de la France à l’exposition universelle de 1967, il avait choisi l'exile plutôt que de retourner dans le pays de Bébé Doc. On s'est payé sa tête parce qu'il ne connaissait pas les codes culturels du milieu scolaire québécois. En dernier, je crois qu’on en avait pitié. C’était mon cas. L'année suivante, un autre professeur haïtien, le père d'un comédien devenu célèbre, Didier Lucien, savait très bien se faire respecter et comme je n'aimais ni ne comprenais rien aux mathématiques, il venait me parler théâtre en a parte. Pendant qu’il laissait les autres élèves résoudre les problèmes, il me déclamait des tirades du Misanthrope de Molière! C'était une perle d'hommes que Willy Lucien.
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La Petite Mosquée dans la prairie, entre 2007 et 2012. |
Bien sûr, les haïtiens ne sont pas musulmans et leur acclimatation à la société québécoise est davantage facile, partageant des codes communs. Nous avons été xénophobes parce que nous vivions dans une terreur constante du Juif et du Protestant, ennemis de notre Sainte Mère l'Église. Le jour où cette chape a été rejetée grâce à la laïcité, mon Dieu qu'on a respiré à pleins poumons! J'ai été soigné trente ans par un médecin vietnamien qui est bouddhiste et pratique l'astrologie orientale, ça n'en fait pas un mauvais médecin pour autant puisque je l'ai quitté, à regret, pour déménager à Sherbrooke. Je n'ai jamais agressé un ou une musulman(e) bien que l'un d'eux m'ait craché à la figure, sur la rue Rachel, alors que je longeais le Parc Lafontaine à Montréal. Ce sournois personnage m’avait salué. Par politesse, je lui avais répondu et il s’est mis à m’injurier en pensant que j’étais un homosexuel qui le draguait! Je reconnais très bien cette hypocrisie à travers les insultes des gueulards du Charkaouidistan salafiste. Nous ne sommes pas intolérants mais bien trop tolérants. Mettre les choses au claire, ce qui n'a pas été fait auparavant et dont nous devrons bien définir l’un de ces jours, commence lorsqu’on informe mal les gens qui pensent immigrer au Canada. Les bureaux d’immigration canadiens leur font rêver à la petite mosquée dans la Prairie, leur promettant que là, tout ira très bien. Malheureusement, au Québec, ils trouveront le désavantage que l’on parle français; qu’on promeut la liberté, qu’on la garantit même dans la mesure où l’on respecte les spécificités culturelles québécoises! Ça, beaucoup se refusent à la reconnaître, jugeant nos mœurs dépravées et décadentes. Là aussi, la laïcité doit imposer des bornes. Est-ce trop exiger?
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La Charia musulmane ne conçoit pas l'État de droits. |
Si la question de la laïcité n’impose pas dans la vie civile une restriction des mœurs et des manifestations culturelles des immigrants, elle permet toutefois de contenir des comportements interculturels hostiles. Voilà un autre problème de fond. Non seulement il faut préparer et informer les immigrants qui vont venir au Québec des statuts spécifiques de cette province dans le Canada et bien insister sur le fait que, par la répartition des pouvoirs de 1867, le gouvernement du Québec a pleine juridiction en matières linguistique et scolaire. Qu'il a son code civil qui n'est pas celui du reste du Canada. De même, il faut aussi préparer la société d'accueil à connaître les spécificités des collectivités migrantes. Il faut maintenir ce droit qu'a le Québec de choisir ses immigrants considérant son dépeuplement mais aussi les critères qui définissent sa société. Ce qui est accepté assez facilement par les immigrants européens et latino-américains, la similitude des codes culturels issus d'un même moule chrétien, a toujours été plus difficile à assimiler par les musulmans ou les orientaux en général. Le fait, également, de partager les mêmes codes civils et criminels, à quelques détails près, avec les migrations occidentales évitait d’être confronté à quelque chose comme la réclamation de la Charia pour complaire à la vie musulmane, code de lois absolument et totalement incompatible avec nos mœurs et nos pratiques de la justice. Parmi les Asiatiques, l'immigration vietnamienne n’a pas causé plus ou moins de dommages que l’immigration latino-américaine. Il est vrai que les Vietnamiens avaient vécu un siècle sous la domination française et connaissaient donc les codes occidentaux.
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Les massacres psychopathes et millénaristes du Califat islamique. |
Pour les musulmans, c'est autre chose car, contrairement aux Juifs, ils ne maîtrisent pas nos codes et les refusent, nous considérant comme des polythéistes. Même aux plus hauts niveaux intellectuels, les codes sont difficiles à comprendre. Ce n'est pas pour rien que les défenseurs du catholicisme condamnaient le régime nazi, le confondant avec l'islam, la race jouant là le rôle que la religion jouait ici. L’islam ne se conçoit pas à l’image d'une association du trône et de l'autel, mais bien sous une forme de césaro-papisme portant la confusion des pouvoirs où l'épée et le Coran sont chacun dans une main du conquérant. La mission apostolique des musulmans nous apparaît anachronique et d'autant plus menaçante après le coup des Talibans afghans à New York en 2001 et les monstruosités filmées qui ont fait le tour de la planète en Syrie. Les Québécois, comme tous les Occidentaux, ont redécouvert ce que signifiait le fanatisme. Le peu que nous percevons des codes musulmans défie agressivement nos codes occidentaux à la base du vivre-ensemble.
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La flotte américaine de l'amiral Perry au Japon, 1854. |
Que la démographie britannique, allemande ou française puisse absorber - bien imparfaitement - des flux d'immigrants sans causer autant de problèmes qu’au Québec avec sa faible démographie, c’est compréhensible. Même une minorité musulmane de 3% peut apparaître à certains Québécois comme énorme et menaçante. C’est un sentiment plus subjectif qu’une vérité objective. Considérons que, de la Chine au Japon, l'attitude n'est pas toujours identique, même si ces deux grandes cultures de la civilisation extrême-orientale s’érigent sur les codes confucéens et bouddhistes. Après l'invasion mongole repoussée et l'instauration du shogunat, le Japon s'était irrémédiablement fermé jusqu’à ce qu’une canonnière de la flotte américaine vienne baigner dans la rade de Kanagawa. Lors de la visite de Perry, en 1854, deux jeunes japonais s’invitèrent à bord, dont Yoshida Shöin qui devint l'un des grands idéologues xénophobes japonais! Même au cours de la révolution Meiji, le Japon se retint toujours de trop ouvrir grande ses portes. Le racisme nippon est resté l'un des plus enracinés malgré les tentations de jeunes japonais de se "blanchir" à l'américaine. Les Aïnus et les Burakumines sont toujours des intouchables au Japon. En Chine, le racisme qui place les Hans dans une position "supérieure" va de soi. Les autres - mongols ou mandchous - demeurent des barbares que nécessité géographique oblige d'endurer. La Chine communiste, là aussi, a laissé son empreinte avec sa fermeture nationale. Émigrant dans un pays occidental, si on prend l'exemple de Montréal, la communauté chinoise se referme sur elle-même, avec sa mafia comme avec ses justiciers. Les Chinatowns sont les ghettos les plus fermés du monde. Il n'y a que lorsque les individus rompent avec leur milieu qu'ils s'"occidentalisent".
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Supplice de l'écartèlement, spécifique aux régicides et aux parricides. |
La liberté qui est nôtre est la liberté individuelle, qui a été acquise à partir de la tolérance au XVIIe siècle. C'est sur elle que s'érigent les Droits de l'Homme et nos constitutions. C'est une liberté qui n'existait pas au Moyen Âge pas plus qu'elle n’existait dans les pays orientaux. Là, comme jadis chez nous, on parle de libertés des "corps" sociaux : les états, les villes et villages, les corporations professionnelles, les communes, les tribus, les familles. L'individu ne compte pas comme source du droit et de la liberté. Ce sont des civilisations qui ignorent l’état de droit. Lorsque les Arabes se scandalisaient des outrages fait au corps des détenus de Guantanamo, ce n'était pas le corps de l'individu humilié qui les faisait frémir, mais l'idée que ce corps était celui de tout le peuple arabe. Comme jadis, si un individu tuait une autorité suprême - un roi par exemple -, il s'en prenait à l'unité "corporelle" du groupe et, par le fait même, la justice l'écartelait, reproduisant physiquement la perception morale de l'assaut à l'unité du socius. Les codes orientaux sont complexes par rapport à nos codes qui tendent à se simplifier. D'où le fait que nous semblons nous y accrocher moins, pensant que nous sommes plus dégagés du conformisme que les autres cultures. C'est une erreur. Nous sommes encore bien plus attachés instinctivement à nos codes autant qu’ils se simplifient, car ils consacrent, au sens religieux du terme, notre individualité. Parler de la musulmane qui porte librement son voile, c'est pervertir le code musulman d’une hérésie occidentale. La trop célèbre Dalila Awada répond avec la même insolence aux musulmans, qui la traite de pute parce qu'elle porte des gling gling et du maquillage, qu'elle insulte les trolls de souche qui la harcèlent. Le métissage fait son travail. Les enfants de Dalila ne porteront probablement pas le voile. Je ne vois pas pourquoi nous nous torturons à éviter le travail qui se fait tout seul par nos craintes de ne pas être assez gentils avec les nouveaux arrivants?
LE MYTHE DE L’IMMIGRATION RELATIVE
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Les premiers colons, Louis Hébert et Marie Rollet. |
C'est un de ces mythes post-modernes de croire qu'il suffit de recevoir son passeport canadien et sa carte d'assurance-santé du Québec pour dire d'un nouvel arrivant qu'il est pleinement et automatiquement canadien et québécois, comme s'il était débarqué du même Don-de-Dieu que Louis Hébert et Robert Giffard. Ce relativisme, qui s’oppose diamétralement au droit historique déjà évoqué, ramène à une vieille distinction entre pays légal et pays réel. Or, cette distinction était davantage utilisée au tournant du XXe siècle par les forces réactionnaires, en particulier la Ligue de l’Action française et l’école historiographique bainvillienne. Les nouveaux arrivants appartiennent de facto au pays légal : ils partagent les mêmes droits que tous les autres citoyens, celui dû au respect de leur intégrité physique et morale; de partager les mêmes services dispensés par l’État que le reste de la population et à contribuer avec acceptation de leurs distinctions au monde du travail et au partage de la richesse collective.
Mais ces immigrants ne peuvent - et certains le veulent-ils? - appartenir au pays réel qu'après une certaine acclimatation qui les assimilera à la population majoritaire. Pour devenir Québécois authentiques, les immigrants doivent accepter le métissage, du moins culturel à défaut d'un métissage ethnique, et non de se camper à une simple bouture qui créerait des trécarrés de Moyen-Orient à Montréal et à Québec. Le pays réel de bien des immigrés demeure le pays d’origine. C’est ce qui se passe là-bas qui les préoccupe plus que ce qui se passe ici, dans la collectivité où ils se sont bouturés. C'est l'erreur de l'immigration européenne d'avoir accepté que les immigrants se compactent dans des ghettos et les Européens en paient aujourd’hui le prix. Les immigrants qui acceptent de quitter Montréal pour s'établir en région font preuve d'une volonté d'intégration que les Charkaoudiens se refusent. Or, en région, personne ne manifeste contre la loi # 21. Cela apparaît de plus en plus un phénomène strictement montréalais, engageant une complicité des idéologues multiculturels à un refus répulsif de certains immigrants devant le pays réel. Accepter cette compromission risque de reproduire la gaffe des pays européens et nous mériter un reflux démagogique encore plus insolent que la loi elle-même, et cela par la bêtise d'un "aveuglement humanitaire" mal placé.
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Montréal sous la loi des mesures de guerres, 1970. |
Les Charkaouidiens semblent prendre plaisir à profiter des avantages du pays légal tout en méprisant le plus profondément le pays réel. Pourtant, personne ne dit aux immigrants de changer quoi que ce soit à leur mode d’être, sauf quelques uns qui ne peuvent supporter de voir des femmes se baigner en burka. Il est risible de voir tant de ces bonnes âmes qui pensent assommer le projet de loi avec le marteau de la Charte des droits et libertés et qui ne réalisent pas qu’aucune charte n’est fondue dans le béton. Les chartes ne sont opérantes que sous certaines conditions qui se définissent seulement lorsque les gouvernements les suspendent, au cours des états d'urgence, comme on a vu aux États-Unis en 2001, quand le Congrès américain octroya un chèque en blanc au président G. W. Bush en ce qui concernait la lutte au terrorisme. On prétexta l'urgence, justement, et on aboutit à user de la torture et de l'humiliation en se lavant les mains, avec précaution, en disant que ces horreurs se commettaient en Égypte ou à Guantanamo et non sur le territoire américain! Leçon que Me Grey, dont le thème de l’urgence justifie le refus du projet de loi, semble ne pas vouloir retenir.
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Le chemin Roxham, voie d'entrée de l'immigration illégale, été 2017. | |
Nous nous engageons pour l'essentiel envers les immigrants, non pour le superflu. Dès qu'ils mettent le pied sur le sol canadien, légal ou illégal, l'immigrant reçoit la protection de l'État canadien et de l'État québécois. On l'a vu il y a deux ans, lorsque les illégaux américains, passés par le chemin Roxham ont été immédiatement pris en charge par les deux paliers de gouvernement, et plus celui du Québec que celui du Canada. Les services sociaux et médicaux ont été alertés. Personne ne s'est retrouvé à la rue. Les Québécois ont fait plus que bien d'autres sociétés d'accueil, d’ailleurs en meilleure posture financière et d’équipements. Tout cela est rayé de la mémoire des opposants dès qu'il s'agit de s'apitoyer sur le sort de la petite musulmane qui se verrait interdire un poste d’enseignement parce qu’elle veut garder son hijab. Tout cela est insignifiant tant s’est exagéré. N'importe quel État, malgré ses ententes signées, est en droit d'exiger de TOUS les membres de sa population de s'astreindre à des mesures pour la bonne harmonie entre ses citoyens.
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Les frères La Vérendrye devant les Montagnes Rocheuses, 1743. |
Ce n'est pas le voile qui exclut les musulmanes, c'est la conséquence d'un choix qui leur relève de faire en leur âme et conscience. Dans l'islam, il n'y a pas de séparation de l'Église et de l'État possible. Ce qui s'est creusé en Occident et a pris plus d'un millénaire à s'imposer est incompatible pour les autorités religieuses. Aussi, dans notre contexte culturel, chaque signe religieux est un défi à l'ordre politique et civil. Le gouvernement du Canada peut bien accepter le turban et la kippa, c'est son affaire. Dans un pays qui prône le multiculturalisme, c'est une banalité. De la même façon que les Musulmans tiennent en suspicion leurs femmes en tant qu’instrument d'occidentalisation de leur culture, de la même façon, ils considèrent qu’elles peuvent servir d’instruments d'islamisation autant que la société civile accepte de leur reconnaître ce droit qu'elle reconnaîtrait pourtant difficilement si les frères et les religieuses enseignant(e)s revenaient au costume traditionnel catholique. À force d'être canadien, nous oublions les grandes différences culturelles qui distinguent le Québec du Canada. Certes le Canada est né de la persistance de la Nouvelle-France de se doter d'une vision continentale. Elle s’est érigée sur une américanité qui a été difficile à assumer, polluée par des rêves de reconquête française et catholique; un état d’américanité qui, d'ailleurs, a encore parfois de la difficulté à s’assumer.
On a pas à craindre l'irruption d’un clivage par l’application de la loi # 21, puisqu'il existe déjà. D'un côté les Benhabib de ce monde, qui semblent de gauche, tendent la main aux radios-poubelles de la capitale nationale. De l'autre, les institutions chargées de conserver la laïcité depuis que les autorités diocésaines ont été renvoyées chez elles, se convertissent aux "droits des musulmans" qui ne sont quand même pas des droits de la personne. Une chatte n’y retrouve plus ses petits! Plus que jamais la nation québécoise est appelée à une mission "historique" dans la mesure où elle doit faire l'histoire et ne plus attendre qu'elle se fasse toute seule et au détriment de sa fidélité à elle-même. Il faut ramener chacun à la raison commune sinon on se prépare des lendemains lourds de conséquences et pour tout le monde.
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Le rite tridentin. |
Oui, les "minorités" font partie de l’ensemble des Québécois. Mais, pour le moment, elles restent une minorité et, selon les principes de la démocratie, la majorité actuelle semble partisan de la séparation radicale des Églises et de l'État. Ne pas voir que les affaires Slāv et Kanata nous donnent une idée de ce que souffrirait la liberté d'expression dans un Québec où les moindres caprices culturels des minorités imposeraient leur "terrorisme moral et affectif" à la majorité, nous justifie de voter la loi # 21 comme prophylactique d'un retour aux heures sombres dont nous nous sommes libérés, il y a 60 ans. Ne pas être religieux ne doit pas nous empêcher de comprendre ce qu'est la mentalité religieuse, surtout en ce qui concerne des religions dogmatiques et dont l'historicité prédispose à une expansion universelle et conquérante. Être passé par le catholicisme tridentin nous en a donné plus qu'une vague idée de ce que peut être le totalitarisme moral et religieux.
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Le massacre de la Saint-Barthélemy, 24 août 1572. |
Le prosélytisme exclue la tolérance. Une société ne peut partager une foi plurielle que si la laïcité est la règle de l’État. Les adversaires du projet de loi qui associent la laïcité à l’intolérance religieuse sont plus que risibles. Eux qui anticipent une Saint-Barthélemy ou une soirée de vêpres siciliennes, voyant déjà les eaux du fleuve Saint-Laurent se teintant du sang des musulmans comme ceux de la Seine des protestants, ignorent que, précisément, c’est en pensant éviter de nouvelles Saint-Barthélemy que la République française, suivant en cela Voltaire, justifiât la laïcité. Et le temps a donné raison à la République, de sorte que c’est sa trop grand tolérance qui a ramené le sang français à couler dans les rues de Paris et de Nice. Ne faisons donc pas comme la France, le pire exemple d'un État qui, à l'image du nôtre actuellement, a accueilli tant d'immigrants sans les confondre avec sa population d'accueil, les laissant se parquer dans les banlieues et devenir des foyers incendiaires de pauvreté, pensant que tout se fera de soi. Bien des Français, qui en sont venus à cultiver cette même angoisse d’une Saint-Barthélemy des immigrants, ont supporté les massacres de Paris et de Nice sans réagir. Ils sont peut-être plus "civilisés", mais pensons qu'à travers le mouvement des Gilets Jaunes, nombre d'entre eux expriment une haine viscérale des immigrants, et surtout des musulmans, et rien ne dit que les pulsions refoulées ne se réveilleront pas à travers la grogne et causeront l'irréparable que tant de bon entendement voulait éviter le retour à tout prix. En ce sens, on peut déjà voir en Emmanuel Macron un avatar du roi Henri III, transfixé sur sa chaise percée par le poignard d’un apôtre de l’amour infini⏳
Sherbrooke, 21 avril 2019
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