TIMELESS
Au milieu de l'été 2016, les revues à potins d'Hollywood
annonçaient, pour la rentrée de septembre, une nouvelle série sur
le réseau NBC dont le thème central serait un voyage dans
l'histoire des États-Unis. L'article y présentait la rencontre avec
les deux réalisateurs de série, Eric Kripke et Shawn Ryan.
Timeless de NBC adopte une vision plutôt négative de l'histoire.
Comme la plupart des autres séries de
voyage dans le temps, le prochain drame de Shawn Ryan (The
Shield) et Eric Kripke
(Supernatural)
enverra ses personnages (joués par Abigail Spencer, Malcolm Barrett et Matt Lanter) à diverses périodes du temps afin de désordonner
le cours de l'histoire. Mais l'élément-clé qui distingue la série
de la surabondance de spectacles historiques, c'est qu'elle va
critiquer ces différentes époques, plutôt que
de les célébrer.
"C'est une attaque viscérale et à fond de train contre
l'histoire et nous ne la recouvrons pas de sucre", a déclaré
Kripke mardi lors de la tournée d'été de la Television Critics
Association, soulignant spécifiquement comment le principal
personnage Noir de la série, Rufus, sera confronté aux racismes des
différentes époques : "La réalité est qu'il va faire
face à toutes sortes de racisme dans les périodes où il se
retrouvera, et qui seront spécifiques à ces périodes
particulières."
Kripke a ensuite expliqué qu'en critiquant l'histoire, il y
avait une intention volontaire des scénaristes. «Une chose que nous
nous sommes dits quand nous avons eu idée de la série, est que
l'histoire que nous savons est celle racontée par les Blancs riches
et bien en place - et pourtant il y a une histoire non dite vue d'une
perspective minoritaire et d'une perspective féminine». Puis,
ajoutant : "C'était une décision très intentionnelle et
consciente que de nos trois voyageurs de temps, un soit
afro-américain et une autre une femme, parce que nous cherchions
vraiment une voie afin de pénétrer à l'intérieur de ce non-dit,
et non seulement répéter l'histoire emblématique connue de tout le
monde. Nous voulions un récit vraiment passionnant; une histoire
fraîche qui ne soit pas poussiéreuse ni une leçon d'école ... à
partir de laquelle pouvoir franchement commenter sur ce qui se
produit, réellement, aujourd'hui.
Timeless retournera à plusieurs moments emblématiques de
l'histoire. Parmi eux : l'assassinat du président Abraham Lincoln,
1962 à Las Vegas, l'Alamo, Watergate, l'Allemagne pendant la Seconde
Guerre mondiale et la course spatiale au 20e siècle. Qu'est-ce que
les téléspectateurs ne devraient pas voir? Les débuts des
pyramides, la Grèce antique, les châteaux médiévaux ou le
Colisée, les producteurs le confirment.
Pour sa part, Ryan a discuté du format
«histoire de la semaine» de la série, révélant que ce sera
environ 80 pour cent du contenu de l'épisode. "Chaque épisode,
nous allons revenir à une époque emblématique de temps et de les
envoyer sur une aventure épique. Au début et à la fin des
épisodes, nous allons avoir des intrigues en cours, mais il est
important ... que ce ne soit pas le genre de série qui tombe dans un
trou de lapin sérialisé et que le spectateur s'y perde», a-t-il
ajouté. Les concepteurs de la série veulent beaucoup plus la
réaliser à la manière des films Back
to the Future et
Quantum
Leap plutôt que le film 12
Monkeys. «Le voyage dans le temps
est quelque chose que nous utilisons comme un dispositif pour
raconter cette charmante aventure épique, historique - et, oui, nous
allons avoir des choses personnelles importantes ... [mais] espérons
qu'ils ne viendront pas empêcher les gens qui manqueraient un épisode
de profiter du suivant.
L'histoire
de la série est elle-même remplie de rebondissements. Le projet
débute en fin août 2015 et le 21 janvier suivant, le réseau
commande l'épisode pilote. Celui-ci est assez bien accepté puisque
le 13 mai, le réseau Fox annonce l'acceptation du projet sous son titre actuel avec une commande de 13 épisodes qui
seront diffusés durant la saison 2016/2017. Tout va bien jusqu'à
une semaine de la diffusion du premier épisode, lorsque le 27
septembre, le producteur de la série espagnole El Ministerio del Tiempo, poursuit
Sony et impose une injonction sur la diffusion de la série pour
similarités. En fait, une version américaine de cette série
espagnole était en préparation, mais les négociations avaient pris
fin en août 2015, à l'annonce du projet de Timeless.
Le 1er
novembre 2016, devant le succès remporté par la série, NBC
commande 3 épisodes supplémentaires pour un total de 16.
Le
titre de la série est Timeless – Intemporel -, titre qui peut être interprété de différentes façons.
Dans la mesure où, comme les deux concepteurs le disent plus haut,
il s'agit exclusivement de l'histoire américaine : donc, pas de
pyramides d'Égypte, pas de cheval de Troie, pas de conquérants
mongols, le monde non-américain serait-il le seul à se voir prisonnier du temps?
Si
nous avions à faire un parallèle avec une autre série dans le
genre, ce ne serait ni avec Back
to the future, ni
avec Quantum Leak;
mais bien avec Time Tunnel, la
série produite par Irwin Allen au milieu des années 1960. La
facture de Timeless rejoint
beaucoup celle de Time Tunnel, nonobstant le perfectionnement acquis par la production télévisuelle depuis un demi-siècle. Déjà que le coût d'un épisode de
Time Tunnel pouvait
être assez coûteux, on s'imagine à peine celui d'un épisode de
Timeless. Il
suffit de comparer deux épisodes sur thème identique (l'assassinat
de Lincoln ou l'Alamo) pour le constater. La grande différence, et
elle est majeure, dans Time
Tunnel, les
deux voyageurs dans le temps se perdaient et une équipe tentait de
les faire revenir, passant ainsi d'épisode en épisode, d'une époque
l'autre, d'un endroit au suivant. Les deux voyageurs pouvaient se
retrouver aussi bien à Troie au moment de la chute de la ville que
dans l'Asie centrale à l'époque de Marco Polo que durant la Guerre
de Sécession ou à Pearl Harbor. Ainsi le côté exotique de
l'aventure l'emportait-il sur ce qui viendra par prédominer au fur
et à mesure que Timeless se
développe : un récit conspirationniste qui mobiliserait
toute l'histoire américaine. Dans
Timeless, c'est
l'histoire des États-Unis seule qui est considérée comme lieu de
déplacement dans le temps (Au cours de la première année, ils ne divergeront que deux fois, une pour aller en France en 1927 et l'autre en Allemagne en 1945, mais dans les deux cas pour cibler des événements propre à l'histoire nationale). Déplacement donc qui n'est pas une errance
des voyageurs du temps, ceux-ci revenant à leur base à la fin de
chaque épisode, mais une chasse à l'homme dont l'ambiguïté morale
reste en suspend tout au long de la série. Timeless,
c'est
le complot d'un groupe autour d'une dynastie qui se révèle
progressivement, celle des Rittenberg et dont on apprendra progressivement l'objectif
vicieux qu'il poursuit.
Time
Tunnel avait
l'avantage de s'en tenir à une intrigue principale même si chaque
épisode imposait une intrigue secondaire. À la fin de chaque
épisode, on en arrivait toujours au même point et on a jamais su
comment les voyageurs du temps étaient revenus chez eux, la série n'ayant
fait qu'une saison. C'est un risque qui n'échappera pas non plus à
Timeless considérant
les ruptures brutales de contrats dans le monde de la production
télévisuelle où le diktat est celui des cotes d'écoute. Pour
Timeless, c'est
dans l'histoire des États-Unis que le temps est aboli. Il ne l'est
pas par une errance des voyageurs du temps, ceux-ci revenant à leur
base à la fin de chaque épisode. Timeless,
c'est
le complot d'une dynastie qui se révèle à la fin du dixième
épisode, celle des Rittenhouse,
qu'on apprend à découvrir progressivement d'une escale à l'autre
mais sans avoir une idée générale des buts poursuivis par cette
dynastie.
L'intrigue commence à la manière d'un vieux films d'espionnage au temps de la Guerre Froide. Il était un soir où des terroristes attaquant un laboratoire secret, s'emparaient d'une machine à voyager dans le temps. À l'arrivée des services de sécurité, les terroristes s'étaient enfuis à bord de la navette, emmenant avec eux, au bout d'un pistolet, son ingénieur principal.
Je
ferai ici une première digression. La machine perfectionnée, tout
comme son prototype qu'on verra plus tard, partagent la forme ovale. Le rappel du tunnel de la série des années
60 est assez évident. Le tunnel était une porte ouverte sur le
temps; la machine EST cette porte. Une fois fermée, la Timemachine apporte le présent avec elle. Comme du tunnel du temps soufflaient les vents du passés (l'éruption du Krakatoa; la comète de Halley...),
la machine disparaît en faisant voler tous les papiers qui peuvent
encore se trouver sur les tableaux de bords du laboratoire.
Timeless est
bien un retour sur Time Tunnel,
bien
que les concepteurs ne l'avouent pas. L'Histoire
qui y sera évoquée conserve cette dimension de l'œil, mais aussi
du vagin, voire du nombril. Cette triade métaphorique tirée de
l'anatomie féminine évoque bien sûr, le voyeurisme au travers de
la serrure de la porte ouvrant sur le temps; le vagin dans la mesure
que le passé accouche du présent, et le nombril comme voie de
passage entre le passé de l'humanité tenu dans la conscience
minimale au sein de l'utérus et la conscience de soi historique
telle que représentée par les techniciens du laboratoire Masson,
l'agent Christopher de la Sécurité nationale et le trio d'aventuriers
remontant sans régresser vers
le cours de l'Histoire.
Connor
Mason, un afro-américain, à la tête de Mason Industries, est
présenté comme le concepteur du programme mais on devine au premier
épisode qu'il n'en est pas le maître. Le terroriste qui a enlevé l'ingénieur
Anthony Bruhl et s'est enfui avec la machine à voyager dans le
temps, Garcia Flynn (Goran Višnjić),
est présenté comme un psychopathe qui a tué sa femme et sa
fillette, ancien agent de la NSA. (National Security Agency), service
adjoint au Département de la Défense et responsable du renseignement
lié aux systèmes informatiques et au traitement des données par le
gouvernement américain. Dans l'Imaginaire actuel, la N.S.A. a pris
la place du fantasme paranoïaque que tenait la C.I.A. dans les années soixante-dix. Pour le rattraper ...et le liquider, l'agent
Christopher de la sécurité nationale envoie une équipe composée d'une
historienne (la professeur Lucy Preston), d'un ingénieur pilote (Rufus
Carlin) élève de Bruhl et d'un sergent-chef des Delta
Force, un corps d'élite de l'armée (Wyatt Logan). Obligés de
prendre place dans le prototype de la Timemachine, d'épisode en épisode l'équipage
réussira (plutôt imparfaitement, faut-il dire) à bloquer les
tentatives de Flynn de modifier le cours de l'histoire des
États-Unis.
Ici, nous devons nous permettre une seconde digression. Les deux
séries, à cinquante ans de distance, prêtent au gouvernement seul
la volonté de faire voyager des hommes dans le temps, et cela sans
jamais savoir exactement dans quel but : dans le premier cas,
sous sa volonté unique, dans le second appelé par la compagnie
privée qui a mis le dispositif au point, mais c'est essentiellement
l'agent Christopher qui tient à ce que Wyatt ramène mort ou vif
Flynn. Dans Time Tunnel, nous
n'avons jamais su les raisons pour lesquelles le gouvernement
américain avait mis au point une timemachine;
dans Timeless la
conjuration Rittenhouse semble viser des buts qui confinerait à la
déstabilisation de l'appareil gouvernemental américain. Time Tunnel semblait hériter de la curiosité scientifique du narrateur anonyme de la nouvelle de H. G.
Wells, La machine à explorer le temps,
qui en
est le modèle littéraire, mais Wells envoyait son
savant dans un futur lointain, découvrir l'évolution de la race humaine au
bout de milliers d'années. Nous retrouvions un peu cet esprit chez
les deux jeunes chercheurs de Time
Tunnel, mais
qu'en était-il des généraux qui commandaient l'entreprise? Dans Timeless,
l'innocence
des voyageurs contraste avec la duplicité des promoteurs, en premier lieu
de Connor Mason, qui oblige Rufus à espionner ses coéquipiers.
Plus que Time Tunnel, Timeless
est
infecté du virus de la paranoïa, du terrorisme et des forces occultes. Le soldat est un Texan, l'ingénieur est un Afro-américain,
enfin, la connaissance historique (Clio) est personnifiée par une
enseignante universitaire de l'histoire américaine. C'est en ce sens
que les deux réalisateurs opposent l'histoire telle que racontée
par les manuels officiels et la nouvelle
histoire, portée
sur les groupes négligés par ceux-là. Ce sera l'une des
justifications morales de la série : redonner aux femmes, aux
amérindiens, aux noirs, aux minorités bafouées par le passé, le
soin d'émerger de l'histoire nationale. Malgré ce beau principe, la ségrégation demeure à l'intérieur de l'équipage : Wyatt, l'homme blanc, possède bien le pénis, l'arme avec laquelle il doit tuer Flynn, son alter-ego, mais il ne sait faire que ça : il ne peut pas piloter la Timemachine ni guider ses collègues dans le temps. Lucy, la femme blanche, possède le savoir, elle est universitaire et sa supériorité vient du fait que c'est elle qui guide les voyageurs une fois la Timemachine arrivée à destination. Enfin, Rufus, le Noir, apparaît comme un grand enfant, il pilote bien la Timemachine, mais sa culture s'arrête aux émissions de télévision, aux films cultes et aux vedettes des Grammy Awards. La division technique du travail est entièrement contenue dans le poste de pilotage : la culture savante, la culture populaire et l'absence de culture qui, au début de la série, crée un malaise chez Wyatt.
La féminisation de l'Histoire opère sur un plan symbolique. L'Histoire est hystérique, imprévisible, irrationnelle, illogique; bref, comme le lui reprochaient Descartes et Valéry, Elle échappe à tout ce qui fait l'esprit mâle : ordonné, prévisible, rationnel et logique. Mais, évidemment, la réalité est toute autre. Wyatt réagit plus souvent de manière féminine, spontanée et hystérique; Rufus est, comme je l'ai dit, un grand enfant, même s'il est le génie informatique de l'équipage, il se sent lui-même dépassé par l'ordonnance de la logique formelle, tandis que Lucy conserve un sang-froid que ne montraient pas les belles des westerns de jadis, toujours prêtes à s'emporter, à crier, à se débattre vainement dans les bras du méchant qui s'en prenait à elles. Lucy croit au destin fatal et chaque modification apportée à l'Histoire, dont elle se sent la gardienne, est perçue comme un manque à ses certitudes. De plus, il faut considérer les rôles importants donnés à la mère de Lucy, Carol à sa sœur Amy qui apparaît comme n'ayant jamais été enfantée et qui est là, présence absente tout comme Jessica, l'épouse assassinée de Wyatt, à l'agent Christopher - qui forme un couple lesbien -, à Jiya qui s'entraîne à devenir pilote de la Timemachine, enfin à Emma Whitmore. Plus que Time Tunnel où l'on ne retrouvait qu'un personnage féminin le Ann MacGregor (Lee Meriwether), Timeless est entièrement dominé par les femmes. La vie utérine de Lucy se trouve bouleversée lorsqu'elle s'attendait à obtenir une promotion dans le département où elle brille en tant qu'enseignante aimée de ses étudiants, promotion qui lui est refusée. C'est alors qu'intervient l'acte terroriste engagé par Flynn chez Connor Industries.
Voilà pourquoi la féminisation de l'Histoire ne s'arrête pas à la division technique des tâches ou à la susceptibilité des personnages, c'est la figure de la Mère archaïque, le vagina dentata qui domine encore symboliquement, tout comme dans Time Tunnel. Lucy - nom donné dans les années 80 à la plus vieille représentante de l'humanité - vit sous l'emprise de Carol, sa mère, à la fois par sa filiation mais aussi parce qu'elle fut historienne et fondatrice du département d'histoire qui emploie Lucy. Lucy reste donc rattachée à l'utérus de sa mère par sa fonction universitaire. Au départ, cette présence archaïque est sur le point de mourir, veillée par sa cadette, Amy. Chaque soir, au retour, Lucy lui apporte une barre chocolatée que, bien sûr, elle n'ouvrira pas. Elle répète un rite inscrit depuis son enfance. Une fois revenue de son premier périple dans le passé, voici la mère, Carol, en pleine santé et qui tient à la fiancer à Noah, un jeune médecin qu'elle ne (re)connaît pas. Par contre, Carol avoue ne pas connaître Amy, qui a disparu puisqu'elle était le fruit d'un autre père biologique que celui de Lucy. L'incommunicabilité entre Lucy et Carol est une clé majeure de la série, comme l'incommunicabilité du passé avec l'historien, malgré ses méthodes de recherche affinées. De la première saison, Lucy ne verra pas le rôle clé joué par Carol dans sa guerre contre le groupe de Rittenhouse. De même l'importance de l'agent Christopher, qui prendra le rôle substitut de la mère en insufflant la mission de Lucy qui est de sauver l'Histoire, c'est-à-dire sauver l'ordre américain. Et comme il sera spécifié au second épisode, détruire l'histoire américaine, c'est aussi détruire l'histoire du monde. En ce sens, l'histoire américaine est donnée comme le couronnement de l'histoire mondiale. Ce trait impérialiste n'apparaissait pas de manière aussi brutale dans Time Tunnel où les voyageurs du temps ne parvenaient jamais à changer le cours des événements, dans l'histoire américaine comme dans l'histoire mondiale.
Le
débat métaphysique qui oppose au départ Lucy et Wyatt brouille
l'impression traditionnelle. Wyatt, le soldat de la Delta Force, tout
en assumant la virilité de son personnage, est celui qui parie sur
l'improvisation ("Chaque chose en son temps", ne cesse-t-il de répéter dans l'épisode Public Enemi no 1); en ce sens, il est vite porté par son instinct de traqueur, voire de tueur. Blessé par la mort tragique de sa femme et qui renvoie
l'homme américain à sa nature refoulée, sa violence est aussi archaïque que celle de Flynn. Par elle, il peut faillir à sa
mission, se sentir floué par ses coéquipiers, etc. Lucy, par contre,
refoule sa féminité et pari sur le destin coulé dans le bronze. C'est elle qui se
sent le plus visée par les actions déstabilisatrices de Flynn et les objectifs du complot Rittenhouse, voie possible et
alternative à l'histoire américaine telle qu'elle l'enseigne dans ses classes. Mutiler l'Histoire, c'est la prendre en défaut et cette attitude est purement masculine. Le voyage dans le temps, et surtout la résurrection de sa
mère et la disparition de sa sœur sèment en elle une
déstabilisation majeure. Comme un diable, c'est à elle
que Flynn s'adresse toujours, lui brandissant son journal, écrit de sa main,
dans un avenir indéterminé semble-t-il. Le débat du second épisode
autour de l'éventuelle possibilité d'empêcher l'assassinat de
Lincoln tourne autour de la crise morale : Lincoln doit mourir
parce que tel est son destin, et son destin garantit celui de
l'Amérique. Or, Rufus tente de la persuader de sauver Lincoln qui
permettrait une meilleure justice pour les Noirs après la guerre civile et Wyatt lui fait une scène quand elle applique la fatalité (qu'il refuse) à la mort de sa femme alors qu'elle est menée par le désir de récupérer sa sœur. Lucy représente ici la loi
de
l'Histoire dont l'agent Christopher l'a investie d'en conserver l'intégrité. Fin de la seconde digression.
Le
pilote de la série commence par le cours que Lucy donne sur l'époque
de la présidence de Johnson et de l'extension de la guerre au Vietnam; ce sera l'occasion de
notre troisième digression. En étant féminine, l'Histoire ne peut
être véritablement bien interprétée que par une femme. Si les
hommes font
l'histoire, seule les femmes
peuvent l'interpréter correctement, et l'enseigner sans tabou. Ainsi
Lucy parle-t-elle sans pudeur des vulgarités de LBJ (Lyndon Baines Johnson, le successeur de Kennedy), racontant l'une de ses vulgarités
bien connues : «"A White House reporter asked LBJ, 'Why
are we in Vietnam?' And the president whipped out his genitalia and
said, 'This is why.' It's true. He called it Jumbo"».
L'Histoire faite par les mâle est violente et vulgaire; l'histoire
racontée par les femmes est compatissante et délicate. Bien sûr, cette dichotomie n'est
pas plus vraie dans les faits que celle opposant la raison à
l'hystérie. On ne peut sérieusement expliquer la guerre du Vietnam
par l'obsession génitale de Johnson, mais on ne peut pas la
comprendre non plus sans explorer tous les avenues qui conduisent à
cette guerre, y compris le machisme de Johnson, et celui de Kennedy
avant lui. En ce sens, nous obtenons une troisième histoire à
ajouter aux deux premières : l'histoire telle qu'enseignée
dans les manuels; l'histoire modifiée après l'expédition de la
Timemachine, enfin
cette Histoire qui n'apparaît pas dans la série, pour des raisons
de dramaturgie, et qui permet de détecter toutes les erreurs dans la
présentation des faits historiques dits connus. Bref, les
producteurs et réalisateurs de Timeless
ne
connaissent pas le fond de l'histoire, ils l'ignorent. Ils ne travaillent que sur le mythistoire et c'est lui qui est mis en danger et doit être protégé.
Il
s'agit donc bien de la modification du mythe dans l'histoire et non de
l'Histoire, puisque celle-ci échappe à la reconstitution exacte,
érudite, de l'événement. La volonté de donner aux femmes, aux
autochtones, aux Noirs et autres forçats du passé une place plus
visible dans l'Histoire, n'est qu'une modification du mythe par un
autre mythe. C'est l'Histoire elle-même qui devient intemporel,
hors
du temps, puisque les mythistoires s'y succèdent. Lorsque Lucy
éprouve une inquiétante
étrangeté à
son retour du premier voyage face à sa famille modifiée par son
intervention dans le passé, c'est la même étrangeté que nous
éprouvons lorsque nous découvrons que l'Histoire n'est
pas le
mythistoire que nous avons appris par la tradition, à l'école, dans
les manuels ou au cinéma. Lorsqu'elle se révèle à nous, sous un
angle ni mâle ni femelle, ni rationnelle ni hystérique, l'Histoire
nous paraît une abstraction.
Or, c'est cette abstraction qui saute aux yeux de Lucy lorsqu'elle
avoue avoir essayée d'empêcher l'assassinat de Lincoln au dernier
moment et qu'elle a échoué. Il est facile de juger le passé avec
les yeux du présent comme il était difficile pour les personnages
historiques de bien juger de leur époque. Donc, la leçon sur le
paquet de
LBJ et Jumbo, cette histoire qu'elle avait apprise à enseigner,
comme sa mère l'enseignait, n'était pas l'Histoire. L'orthodoxie historique n'avait
pour fonction qu'être un mythe consensuel. Or
ce mythe est la frontière de la réalisation qui ne sera pas
dépassée. Lucy ne pourra substituer qu'un autre mythe au mythe
enseigné dans son enfance.
Comment expliquer
l'action de Garcia Flynn (Goran Višnjić)? Bien sûr, il y a la vengeance. Flynn veut
se venger de Rittenhouse, l'auteur de l'assassinat de sa femme et de
sa fille. Il pourchassera donc l'organisation à travers le temps,
quitte à modifier différents aspects, plus ou moins importants de
l'histoire américaine. Le trio du prototype de la Timemachine
aura
toujours pour but d'entraver son action. Voilà donc
l'intrigue principale qui couvre l'ensemble de la série et dont
chaque épisode est une mise en place anecdotique différente.
Seulement, il faut reconnaître qu'en 42 minutes, il est difficile à
la fois de soutenir cette intrigue et de présenter une anecdote
détaillée qui se fermerait sur elle-même. La durée d'un épisode
de
Time Tunnel était déjà
plus longue et il fallait souvent au concepteur tourner les coins
ronds pour parvenir à boucler l'intrigue. Or l'intrigue principale (comment ramener les voyageurs égarés)
était pratiquement inexistante et seule l'intrigue secondaire
emplissait l'épisode. Les épisodes de Timeless font le contraire. La surcharge dramatique du complot paranoïaque
l'emporte toujours de plus en plus sur les reconstitutions historiques. On se demande ce que font la bande enregistrée par Nixon ou le sénateur MacCarthy tant ils apparaissent insignifiants à l'intrigue.
Finalement, l'Histoire paie le prix de la fiction et l'ensemble de la
réflexion critique proposée par Kripke et Ryan ne fait que remplacer un mythe par un autre. Fin de la troisième digression.
Retournons donc à l'intrigue. Le chef des terroristes, Flynn, serait motivé à détruire l'histoire des États-Unis car, selon lui, une organisation secrète menée par un groupe, Rittenhouse, dirigerait dans le plus grand secret le sort de la nation depuis 1778. C'est à lui qu'il reproche l'assassinat de sa femme et de sa fille. Peu à peu se révèle le fait que Lucy Prestion aurait des liens, sans le savoir, avec Rittenhouse. Flynn détiendrait également le journal personnel de Lucy venant du futur, mais ses coéquipiers ne croient pas à cette mythomanie de Flynn, qu'ils jugent être un vulgaire assassin. Pourtant, Lucy reconnaît bien sa propre écriture lorsque Flynn le lui montre. De plus, ce journal dit qu'elle finira par se joindre à lui car ils sont tous les deux dans le même camp, mais qu'elle ne le sait pas encore. Peu à peu, l'intrigue visera à déstabiliser autant les spectateurs que les personnages.
PILOT
Le
premier épisode s'intitule tout simplement Pilot.
Autre clin d'œil à Time Tunnel,
il est centré autour
d'une catastrophe, non plus maritime (le Titanic),
mais aérienne : l'explosion du zeppelin Hindenburg,
à Lakehurst, au New Jersey, le 6 mai 1937. Au premier abord, il est
difficile de savoir pourquoi Flynn voudrait détruire un ballon qui
est déjà condamné par l'Histoire. L'explosion du dirigeable a été
photographiée et filmée par une grande quantité de journalistes.
Au début, Lucy, Wyatt et Rufus craignent que Flynn veuillent sauver
le dirigeable, et, effectivement, Flynn parvient à faire atterrir le
Hindenburg. Pour la
première fois, l'équipe se rend compte que le temps n'est pas un
matériau dur et qu'il peut être modifié par la volonté humaine,
même si celle-ci provient de décennies ultérieures. Contrairement
à Time Tunnel où le
destin historique était inscrit dans le temps, matériau dur,
Timeless nous dit que
le destin historique peut être modelé par l'intervention humaine dans une dimension-temps
malléable.
Mais
le désastre n'est que partie remise. Lucy suppose, avec raison, que
Flynn veut faire sauter le dirigeable une fois reparti. Elle rappelle
que des artisans de la future ONU : Igor Sikosky, John Davidson Rockefeller
Jr, et Omar Bradley des ingénieurs, militaires et diplomates qui
joueront un grand rôle lors de la guerre de 1939-1945, des gens qui, probablement, appartiennent aussi au groupe Rittenhouse seront de ce voyage. Le désastre n'est donc que partie remise. Et il y a
Kate Drummond, un personnage purement fictif inspiré de by Lady
Grace Drummond Hay, journaliste de la chaîne de journaux Hearst venue assister à l'arrivée du dirigeable. Ainsi, Timeless brise
le cercle clos du voyage dans le temps qui ne pourrait changer le
cours des événements (Time Tunnel)
et permet d'accéder ainsi à l'uchronie comme roman national.
La
façon dont les concepteurs font intervenir l'uchronie dans la série
est plutôt maline. D'abord,
l'histoire que nous apprenons dans les
manuels n'est plus la stricte vérité, ou plutôt, la vérité
devient relativiste. Entre les erreurs de données et les purs
mensonges, nous devenons
Timeless (mais
timeless est-il bien servi lorsqu'on le traduit par
intemporel? Pour les spectateurs,
l'uchronie les plonge dans la théorie de Schrödinger. Le temps se
dédouble, devient schizophrénique : d'une part, le
Hindenburg
a explosé à son atterrissage (version officielle historique), mais
il a aussi explosé après son
décollage de Lakehurst (version
officieuse uchronique). Les deux appartiennent pourtant à un même segment de
temps. C'est-à-dire que de 1937 à 2016, la version historique
l'emporte et nous vivons dans un temps unique; mais après 2016, la
version uchronique renverse tout et nous nous retrouvons dans un
temps dédoublé. Sur un temps qui apparaît linéaire (depuis 1937),
un segment temporel se dédouble (en 2016) : le cours est
modifié. Et nous apprenons, suivant en cela la théorie fumeuse du
battement d'aile d'un papillon, qu'il suffit de modifier le plus
petit élément du cours de l'Histoire pour que l'ensemble de
celle-ci soit changée à jamais. Ce que confirmera à la fin la disparition d'Amy.
Le
temps de l'uchronie (la fiction donnée pour réalité) abolit le
temps de l'Histoire (la réalité rabaissée au niveau du mensonge et
du secret d'État). Comme dans une fiction, lorsqu'un auteur décide
de changer l'intrigue grâce à l'avancement technologique, il
deviendrait possible à l'humain de transformer le cours du
développement historique. L'explication «scientifique» de la
courbe spatio-temporelle, illustrée par le repli d'une feuille de
papier, coupe court aux spéculations techniques nécessaires pour se libérer de l'emprise de l'immédiat et se
déplacer dans la durée. On ne mentionne même pas la physique
quantique qui aurait pu fort bien servir à propos avec la théorie
de Schrödinger.
Contrairement
à Time Tunnel, où
les voyageurs du temps n'avaient pas le contrôle de leur périple,
Flynn oblige l'équipe à le suivre, ce qui lui donne une longueur
d'avance dans le déplacement spatio-temporel. Au laboratoire de Connor's
Industries, on ne peut savoir que la date et l'endroit où la navette principale se pose, d'où l'indispensable présence de
Lucy pour déchiffrer le but du terroriste. D'autre part, les scénaristes s'amusent
- d'ailleurs comme un malheureux running gag –
à jouer sur les courbatures du temps. Dans une scène où le Noir,
Rufus, est détenu en cellule au New Jersey, un État
où sévissait le racisme à l'époque, afin de provoquer son
geôlier, il lui lance à la figure qu'il y aura dans l'avenir des
Noirs américains célèbres, des Prince, des Michaël Jackson, des Michaël Jordan, et même un Obama qui sera président des États-Unis, et
il termine son monologue en l'informant que l'avenir n'est pas de son
côté mais du sien... En se libérant de l'obstruction de
l'unidirectionnalité du temps (du progrès ou de la décadence),
Timeless débouche
donc sur une relativité de temps parallèles appelés parfois à s'entrecroiser. Ce qui aura été vrai
de 1937 à 2016, ne l'est plus après. Pour un bref moment, deux durées se sont croisées par l'intervention d'individus de
2016 projetés en 1937.
Si le
trio échoue à empêcher Flynn d'intervenir dans l'histoire, il ne
perd jamais l'espoir de limiter les dégâts. Dans un hangar, il
découvre les mécanismes d'une bombe qui a été installée dans le
Hindenburg au décollage et prêt à exploser avec les dignitaires
américains et allemands. On assiste à la lutte épique à travers
laquelle Lucy et Rufus obligent les officiers à faire atterrir le
dirigeable et la lutte de Wyatt contre le poseur de bombe, aidé en
cela par Kate Drummond. Finalement, une balle perdue ricoche dans
la toile du dirigeable qui explose alors qu'il est déjà
au sol et que les passagers ont été évacués. Dans la lutte
opposant Wyatt et Flynn, Kate est tuée, ce qui ramène à l'esprit de Wyatt la mort
violente de Jessica, son épouse.
À
leur retour, l'Histoire a changé et, libérés, les trois voyageurs
devront garder pour eux le secret de l'incident sous peine de
trahison. C'est alors que Lucy découvre que son intervention a
changé le cours de son roman familial.
Lucy, qui a prise sur elle la mission confiée par l'agent
Christopher de sauver l'histoire des États-Unis, se
dote en même temps du roman familial modifié.
Ainsi, Timeless brise
le cercle clos du voyage dans le temps qui ne pourrait changer le
cours des événements (Time Tunnel)
et permet d'accéder ainsi à l'uchronie. Mais une uchronie somme toute mineure.
Pourquoi
l'explosion du Hindenburg, événement plutôt anecdotique dans
l'histoire américaine? La couleur locale
(Walter Scott) propre au roman historique est rendue par quelques
scènes extérieures : le car de voyageurs et les automobiles,
les vêtements, la musique de l'époque, la slot machine
et rien de plus. On peut dire que c'est là l'hommage que les
réalisateurs rendent au passé, car on a pas trop le temps de se baigner dans cette couleur locale. Une seule véritable allusion aux
nazis qui commandent la mission du Hindenburg et les svastikas sur fond rouge qui ornent les aillerons arrières du zeppelin. L'équipage ne porte
pas non plus les brassards nazis de rigueur. La reconstitution de
l'intérieur de la nacelle reste fidèle aux photographies que nous
possédons du Hindenburg
(celui-ci avait exécuté plusieurs traversées de l'Atlantique avant
la catastrophe, il était une fierté de la nouvelle
Allemagne hitlérienne). On constate que le film Titanic
est passé par là.
Timeless s'abreuve
à deux représentations sociales de notre époque. D'abord, Flynn,
au lieu d'agir seulement dans l'espace par des complots, se déplace
dans le temps et entend modifier le cours de l'Histoire afin de
perturber le développement du pays. En tant que femme, l'Histoire
reprend ici le fantasme où l'avait mené Time Tunnel;
nous renouons avec le vagina dentata; l
a
figure archaïque de la femme, plutôt de la mère et
dont la longue manducation au cours des siècles, à travers les catastrophes
et les guerres, de génération en génération, restera la fascination
majeure, sinon la définition même de l'Histoire. Clio (cette
fille publique dont parlait Valéry) a perdu tout le calme serein de sa statue antique, recueillant sur son parchemin la mémoire des actes héroïques des Grecs.
La seconde représentation sociale dans laquelle puise Timeless, est celle qui
s'est développée à partir du 11 septembre 2001. Un terroriste doit
frapper à travers des événements fortement médiatisés – les
mythistoires, ce que les réalisateurs de la série appelaient, plus haut, les moments
emblématiques -, tant il faut
démoraliser la population civile, brouiller la conscience
historique. L'écrasement catastrophique et spectaculaire du
Hindenburg fut la
première catastrophe filmée en directe. Comme l'effondrement des tours du
World Trade Center, la radiophonie l'a retransmise en direct, des
centaines de clichés, des mètres de pellicules filmiques, y compris en couleur et
qui ont été utilisés pour la production de l'épisode, nous en
laissent le témoignage vivant. L'uchronie sème un seul doute :
cette catastrophe a-t-elle eu lieu avant son atterrissage ou après son décollage? On comprend un peu mieux toute la production de ces
films ou vidéos retouchés qui font disparaître l'avion (ramené à l'état d'hologramme) entrant comme dans du beurre fondu dans la seconde tour pour
donner l'impression que celle-ci a explosé de l'intérieur justifiant
le sabotage d'une démolition contrôlée. La désinformation – les
fake news de Kellyanne
Conway -, n'est plus seulement journalistique; elle est devenue
historique.
THE
ASSASSINATION OF ABRAHAM LINCOLN
Pour des producteurs américains, il est impossible de diriger une
série télé ayant pour intrigue le voyage dans le temps sans passer
par l'assassinat de Lincoln. Time Tunnel avait également un
épisode, mais de l'assassinat de 1865, l'anecdote s'était déplacée
quatre ans plus tôt, lorsque des menaces d'assassinat fusaient
contre Lincoln lorsqu'il devait se rendre à Washington occuper le
fauteuil présidentiel. Lincoln voyageait incognito dans un train
spécial, sous la garde d'Allan Pinkerton.
Comme dans l'épisode de
Time Tunnel, l'épisode de
Timeless commence par le dramatique
assassinat, tel que nous le connaissons. À condition de ne pas y regarder
de trop près les détails sur la manière dont Booth,
l
'acteur-assassin, saute de la loge, se brise la jambe et brandit son
poignard devant la foule stupéfaite en criant
Sic Semper
Tyrannis! avant de s'enfuir par les coulisses en traînant la
jambe. Ce mythistoire si «précieux» dans la mémoire américaine,
si documenté, comment a-t-on pu le brosser aussi sommairement?
La
Timemachine de
Flynn est repérée sur les lieux. L'équipe, ses membres vêtus de
costumes d'époque, se rend à Washington pour le 14 avril 1865.
Si la tendance complotiste se maintient
toujours autour de
l'assassinat de Kennedy, dans le cas de Lincoln, le complot était bien réel. Il apparaît donc évident que Flynn doit y
participer. Lucy suppose que suivre Booth mènerait logiquement à
Flynn. Pour ce faire, elle se rend au Ford Theater fouiller dans le
courrier. Elle y croise Robert Todd, le fils d'Abraham Lincoln. Elle
s'improvise le nom de Juliette Shakesman et commence un jeu de
séduction entre les deux personnages. Sur l'entre fait intervient
Booth que reconnaît Todd Lincoln, qu'il salut, et surtout son frère
aîné, Edwin, qui lui aurait déjà sauvé la vie sur le quai d'une
gare. Les scripteurs mettent alors une phrase ironique dans
la bouche de Robert Todd Lincoln serrant la main à John Wilkes
Booth : «
Les Lincoln devront toujours une éternelle reconnaissance aux
Booth». La scène nous permet en même temps de découvrir une
jalousie fraternelle de John Wilkes Booth à l'égard de son frère
aîné.
Outre Lincoln, c'était tout le pouvoir exécutif
qui devait être décapité : le général des forces nordistes,
Grant; le vice-président démocrate, Johnson et le Secrétaire
d'État Seward étaient suivis par des assassins qui se fixaient le
soir du vendredi 14 avril pour agir. Le secrétaire à la guerre,
Stanton, figurait aussi sur la liste de Booth. Et le trio découvre
rapidement que Flynn va intervenir de manière à ce que le complot
réussisse complètement. Dans les faits, si Lincoln fut
effectivement abattu au théâtre Ford, Grant avait pris le train
dans le courant de cet après-midi, l'assassin désigné de Johnson
vira de bord avant de commettre l'irréparable et seul le Secrétaire
Seward, alité, fut blessé par son agresseur. Johnson succéda donc
à Lincoln, mais il se trouva hérité du Secrétariat de son
prédécesseur, ce qui le mit en difficulté pour le reste de son
mandat. Lucy comprend donc que si Flynn est là, c'est précisément
pour compléter les objectifs de la conjuration.
Le premier geste de Flynn consistera donc à forcer Grant à rester à
Washington. Pour cela, ses hommes parviennent à saboter la
locomotive de son convoi, ce qui oblige donc Grant à assister à la comédie
durant la soirée. Lucy, qui s'est rendue sur le quai de la gare pour vérifier si Grant quittait bien Washington, arrive trop tard pour déjouer la man
œuvre. Elle y retrouve toutefois Robert Todd Lincoln, sous les ordres de Grant, qui l'invite à l'accompagner au théâtre. C'est ainsi que l'Histoire se transforme Le soir de l'
assassinat, quatre sièges de la loge présidentielle étaient occupés au moment de la représentation de
My American
Cousin – Lincoln et sa femme, Mary et le major Rathbone et sa
fiancée -, nous nous retrouvons maintenant avec six sièges occupés
– le couple Lincoln, le couple Grant, Robert Todd Lincoln et Lucy
-, c'est donc toute la scène du drame qui change. Ce surplus
d'invités chassera donc le couple formé par le major Rathbone et sa
fiancée.
Peu après, Lucy croise à nouveau Flynn.
Ce dernier, non seulement la somme de ne plus intervenir dans ses
projets, mais lui annonce que lorsqu'elle connaîtra mieux
Rittenhouse, elle se joindra à lui. Entre-temps, Rufus doit extraire
une balle qui s'est logée dans le flanc de Wyatt lors d'un
affrontement au camp des conjurés. C'est dans ce contexte que se déroule la
crise morale dont nous avons déjà fait mention. Rufus voudrait que
Lucy sauve Lincoln afin de garantir un meilleur avenir pour les
Noirs; Lucy voudrait bien, car Lincoln demeure son personnage historique favori, mais elle se sent tenue par sa promesse de
sauver l'histoire et donc d'y sacrifier le président; Wyatt, d'accord avec Rufus,
retourne l'argumentaire contre elle en disant que s'il lui était
possible de sauver Jessica, elle s'y opposerait. Lucy part troublée,
se fixant de sauver à tout prix le général Grant, le vice-président Johnson et le Secrétaire Seward.
Flynn s'est lié à la conjuration et domine Booth, qui passe ici
pour un être faible, vaniteux et sans caractère qui veut scénariser le crime comme une pièce de la tragédie shakespearienne : le meurtre de César, et tient absolument à le tuer avec son
pistolet Derringer calibre 44 et un poignard, Flynn tente de le
persuader de le tuer avec son arme, un semi-automatique propre à tuer Lincoln et Grant. Mais
l'acteur s'en tient obstinément à son Derringer et Flynn parvient à
immobiliser Booth; il va donc prendre sa place. Ainsi,
c'est
Flynn qui assassinera de deux balles (plutôt qu'une) Lincoln. Se laissant distraire par Lucy pendant que le fils Lincoln et
Grant se jettent sur lui; il décide alotd de
se précipiter sur la scène et, sans rien dire, s'enfuir. Au retour, l'équipe apprendra que Lincoln a été
tué par un inconnu, un homme assez grand, dont on a jamais retracé la piste,
abandonnant une arme de fabrication inconnue sur les lieux du crime (plus tôt, Flynn avait dit à Booth qu'il s'agissait d'une arme fabriquée par les Allemands). Booth
n'échappera pas à son destin, ayant été dénoncé par Lucy. Par contre, on retiendra le nom
de Juliette Shakesman, dont le nom a été donné à un collège de
l'Ohio.
Grant étant parvenu à échapper à l'attentat grâce à Lucy, Wyatt parvient à maîtriser Lewis Powell avant que Seward ne soit blessé. D'autre
part, ayant fraternisé avec des soldats afro-américains de l'armée
de l'Union, Rufus parvient à détourner George
Atzerodt qui attendait l'arrivée du vice-président Andrew Johnson pour
l'abattre.
Il faut reconnaître que
Timeless est une série plus
audacieuse que
Time Tunnel. Chaque épisode pose des questions
sur notre rapport au temps et à sa relativité.
Time Tunnel
présentait la durée, nous
l'avons dit, comme
non-modifiable,
la fiction ne compromettant en rien le mythistoire.
Timeless
nous projette dans l'uchronie. Flynn réussit bien à tuer Lincoln,
mais l'anecdote est complètement transformée.
Ainsi, combien d'autres anecdotes faudra-t-il modifier pour
reconnaître que l'Histoire s'est profondément transformée? Chaque
anecdote modifiée, toutefois, finit par changer la perception des événements
même si l'alternative entre la version historique et la version
uchronique repose sur quelques détails. Booth ou Flynn, peu importe,
Lincoln a bel et bien été assassiné dans sa loge au théâtre, le
soir du 14 avril 1865, mais les événements n'en est pas
bouleversés pour autant. C'est ce que Kripke et Ryan veulent dire quand
ils affirment que cette histoire serait complètement différente
de celle apprise à l'école
. Plus que dans l'épisode
Pilot,
le dédoublement du temps et la courte séquence où se chevauchent,
durant le voyage dans le temps, la version historique et la version
uchronique de l'Histoire vont tendre à désaxer le mythistoire.
Comme on dit si bien, le diable se cache dans les détails.
Comme avancé plus haut, ce second épisode entraîne l'équipe à se poser des questions
morales découlant de la capacité même qu'a eue Flynn d'avoir pu
modifier l'épisode du
Hindenburg. Si le trio
est parvenu à l'aube du 14 avril 1865, pourquoi n'essaierait-il pas
d'empêcher l'assassinat de Lincoln? Pourquoi n'essaierait-il
pas d'empêcher le meurtre de l'épouse de Wyatt? C'est la question qui tourmente
Rufus et Wyatt, alors que Lucy, historienne admirative éperdue d'Abraham Lincoln, sur lequel elle a écrit un livre, semble si soudée au
mythistoire qu'elle entend poursuivre le but qui est de
sauver l'histoire. Elle n'ose
envisager un tel geste.
Lucy regarde Lincoln comme Marie, la sœur de
Lazare, regardait le Christ. Ce refus de modifier le temps – puisqu'il
est modifiable comme l'a démontré l'action de Flynn – apparaît comme une obstination plutôt qu'une fatalité. Au retour, complètement
effondrée, elle avoue avoir averti en criant le nom du président,
qu'elle a quand même voulu sauver Lincoln, car s'il est possible de
changer l'Histoire pour le Mal, pourquoi ne pourrions-nous pas la
changer pour le Bien? Le concept relativiste du temps lui donne une
telle flexibilité qui contraste avec la structure déterministe,
telle que la représentait la série
Time Tunnel. Un
dilemme cornélien se pose qui reviendra tout au long de la première
saison de la série et qui finira par jouer de mauvais tours à la
physique quantique : mais il n'y aura pas de Lincoln mort assassiné
et de Lincoln échappant à son assassinat. Cette situation sera
donnée plus tard, mais d'une façon inverse, à Benedict Arnold et à Eliot Ness.
Or de la fiction et de l'uchronie, on déduit assez vite l'hypothèque
qui pèse derrière chaque réécriture de l'Histoire. Chaque
nouvelle intrigue intervient pour modifier, comme l'avouait
l'intention des réalisateurs, le
récit consacré d'un événement.
Bref, plus que l'Histoire qui est récit psychologique, sociologique,
économique, politique et culturel, c'est le
mythistoire qui est au
cœur de l'entreprise et ce n'est pas là, contrairement aux
prétentions de Kripke et Ryan, faire ressortir le côté sombre,
le côté critique de l'Histoire. Nous sommes à cent lieux de
l'
Histoire populaire des États-Unis de Howard Zinn.
L'
Hindenburg explose au décollage et non à l'atterrissage;
Lincoln est tué par un inconnu usant d'une arme qui n'est pas le
Derringer de Booth :
c'est bien peu de choses comme modifications, et ce n'est pas
l'Histoire en soi qui en est affectée, mais le mythistoire. En ce
sens, comme les gens retiennent essentiellement les détails
«croustillants» de l'Histoire, les modifications apportées au
mythistoire sont énormes, au point de devenir
méconnaissable. On pourrait facilement jouer à «Trouvez les anachronismes» si, au départ, il n'y avait pas tant d'inexactitudes dans le segment d'histoire proposé. Parce que le mythistoire n'étant pas toujours respecté, la liste des anachronismes pourrait être longue pour un nombre si rare de scènes historiques. Toutefois, si nous anticipons le développement de la série, on pourra se demander les raisons pour lesquelles Flynn tenait absolument à assassiner Lincoln, Johnson et Grant (qui furent tous trois présidents) sinon qu'ils appartenaient... au complot Rittenhouse? En tel cas, pourquoi ne pas être remonté en 1861, comme dans l'épisode de
Time Tunnel et le tuer avant son entrée à la présidence? Si la logique de l'Histoire déraille, celle des réalisateurs de
Timeless n'est pas plus solide.
À la différence des voyages dans l'espace où la conscience modifie
ses repères de l'extérieur, le voyage dans le temps les modifie de
l'intérieur. À la rigueur, l'Histoire se désagrège, se désintègre
en morceaux et non d'un flash, à l'image dont la Timemachine aspiré à travers une bourrasque.
«ATOMIC CITY»
Le troisième épisode de Timeless
est le premier d'un diptyque. Flynn se
retrouve à Las Vegas, au Nevada en 1962, à la belle époque où
Frank Sinatra faisait les beaux jours des casinos. S'y trouvent alors
le président Kennedy et sa maîtresse d'alors, Judith Campbell, dont
Lucy nous rappelle les traits. Elle fut l'une des entremetteuses les
plus efficaces et on peut lui attribuer une part dans l'élection de
Kennedy aux primaires des démocrates, puis à la présidence du
pays, mais ce dont Lucy nous rappelle surtout c'est comment elle servait de lien
entre Kennedy et le patron de la mafia de Chicago, Sam Giancana en vue
d'une tentative d'assassinat contre Fidel Castro. Campbell partageait également la couche de Giancana.
Elle avait été auparavant la
maîtresse de Sinatra. Dans l'épisode, Flynn fait chanter Campbell avec des photos
intimes d'elle et de Kennedy. Elle collabore donc avec Flynn dans le
but de soutirer un trousseau de clefs à un général afin de dérober
une charge de plutonium contenue dans une des bombes atomiques que
l'Agence d'Énergie atomique expérimente dans le désert du Nevada.
À la fin, Lucy nous révélera le triste sort de Judith, rappelant
qu'elle n'accepta de révéler son rôle que vingt-huit ans plus
tard, alors qu'elle se mourrait d'un cancer du sein.
La
chasse part ici sur une fausse anticipation : croire que Flynn
veut tuer Kennedy un an avant le 22 novembre 1963 et impliquer
l'assassinat dans la crise cubaine. On y croise J.F.K de même que Samy Davis Jr et
Marilyn Monroe (nous sommes à quelques semaines avant sa mort). Ce qui était impossible d'évoquer en 1966 dans Time
Tunnel est
devenu aujourd'hui abordable dans une fiction. Notre appréciation de
Kennedy tient de plus en plus au rôle historique du président qu'au
complot tordu qui mena à son assassinat. Contrairement à l'épisode
précédent où le mythistoire de Lincoln tenait davantage à
l'événement plus qu'aux trames du complot dans les détails (qui se
souvient des rôles de Powell et d'Atzerodt?),
le mythistoire
Kennedy tient plutôt aux trames du complot, qui demeurent autant d'hypothèses discutées, qu'à la signification historique de l'assassinat. Lucy n'éprouve
pas de fascination comparable pour Kennedy à celle qu'elle avait pour Lincoln.
Rufus
rencontre le maître d'œuvre de la Timemachine, Anthony Bruhl, de la bouche duquel il
apprend qu'il fait partie intégrante de l'équipe de Flynn et que Flynn est à la recherche de Christy
Pit. Ce n'est qu'après un temps de confusion qu'il comprend
qu'il s'agit du cœur de plutonium d'un réacteur nucléaire nommé d'après le physicien Robert Christy. Après une chasse
effrénée, Wyatt, Lucy et Rufus s'aperçoivent qu'ils ont été
doublés par Flynn. Lorsqu'ils parviennent à le rattraper, un combat furieux suit où Rufus croit
déposséder Anthony du noyau de plutonium, Lucy, elle, parvient à
tirer Judith des mains de Flynn occupé à un échange de tirs avec
Wyatt. Un pneu crevé empêche le trio de poursuivre Flynn et Anthony
et Rufus s'aperçoit qu'il a été doublé par Anthony.
Dans cet
épisode, on constate que les coéquipiers dérogent et travaillent pour eux-mêmes. Ils partagent également la volonté d'intervenir pour
empêcher le cours inexorable du temps de peser sur leur vie.
Lucy se retrouve avec un prétendant on ne peut plus agréable,
Noah, un jeune médecin qui lui est complètement étranger. Rufus s'est vu confié par Connor Mason un enregistreur des conversations à l'intérieur de la
Timemachine. Plus
pathétique est la tentative de Wyatt d'envoyer un télégramme, pour
dans cinquante ans, à sa femme afin de la sauver de la mort. On y
soupçonne que tout n'allait pas très bien dans le couple et qu'une
certaine culpabilité habite le soldat. Revenant à la fin de l'épisode, il
découvrira que sa tentative a échoué. On a beau manipuler le temps
quasi à volonté, mais il y a des forces déterministes qui
résistent.
Ce que
l'épisode essaie ici de reconstituer, c'est l'atmosphère du début
des années 1960 à Las Vegas, ville qui, avant de devenir la Sin
City des casinos et des hôtels chics, était
appelée Atomic City à
cause de la proximité des essais nucléaires qui s'y tenaient. 1962
est d'ailleurs une année cruciale. C'est l'année de la grande
menace de la crise des missiles que l'Union Soviétique avait
installés à proximité de Washington, sur l'île de Cuba. Malgré
tout, le monde bascula dans un dégel des tensions entre Soviétiques
et Américains. Le décor du Las Vegas des casinos, des mafieux,
d'une certaine légèreté de la vie offre une couleur locale qui montre l'insouciance d'une certaine classe de riches Américains. À
la piscine, les vacanciers applaudissent lorsqu'ils voient le
champignon atomique s'élever haut dans le ciel torride du Nevada, paroxysme de la joie qui contraste avec la dangerosité
des essais d'armes de destruction massive Les effets
dramatiques de cet épisode résident essentiellement dans les
relations entre les membres du trio. On découvre le sentiment
d'infériorité de Wyatt par rapport à Lucy lorsqu'il est fier de
lui montrer qu'il connaît les expériences atomiques du Département
d'énergie – deux explosions atomiques par semaine – dans le désert
du Nevada, en 1962 : «
Il n'y a pas que vous qui ayez des
connaissances en histoire», lui lance-t-il ironiquement.
Comme dans les épisodes précédents, la fin
s'achève sur une réflexion sur la capacité que nous avons de
distinguer le Bien du Mal. Anthony, qui a été kidnappé par Flynn,
a-t-il été complice volontaire ou est-il l'otage de Flynn? Au
moment où Wyatt aurait pu le descendre, Rufus s'interpose au nom de
l'amitié qui le lie à son mentor. Pouvons-nous juger sans savoir
des intentions d'un individu prisonnier d'un dilemme dont nous
ignorons les contradictions? Encore une fois, le dialogue
oppose la vision déterministe de Lucy à la vision relativiste de
Wyatt qui reprend espoir de sauver sa femme en usant de la Timemachine. Contre le soldat Wyatt, qui agit selon
les ordres avec un automatisme conditionné de soldat du Delta Force, Lucy
et Rufus sont constamment confrontés à la part d'humanité qui ne
doit pas être abandonnée, même dans la lutte contre les forces du
Mal. Wyatt, malgré son aspect héroïque, demeure un personnage
emporté, ressassant son deuil, tandis que Rufus porte la ruse qu'il met à profit (comme lorsqu'il va chercher des
uniformes de serveurs afin de pouvoir se promener en toute aisance entre les mondains parmi lesquels se trouve Kennedy et Flynn). Lucy, en
tant qu'historienne, détient l'information qui permet à ses
compagnons de se situer et de situer le téléspectateur devant son écran dans
les dédales de l'espace et du temps.
PARTY AT CASTEL VARLAR
L'intrigue
s'inscrit dans la continuité de l'épisode précédent. Flynn et ses
hommes ont volé un noyau de plutonium. Ce noyau serait-il
vendu aux nazis afin de changer le cours de la Seconde Guerre
mondiale? On retrace Flynn à Castel Varlar situé en Westphalie,
ancienne abbaye des cisterciens (1601) puis des
bénédictins. Sécularisée depuis 1803, elle sert de lieu de
réception au moment où les notables du IIIe Reich viennent assister
à l'expérimentation d'une fusée V2. Ils sont reçus en grande
pompe, le 9 décembre 1944 par Albert Speer.
Obligés
de se rendre en Allemagne, les membres du trio s'interrogent sur la
manière de passer inaperçu dans le milieu. À la question posée
par Lucy de savoir si l'un d'eux parle allemand, Wyatt lui répond
oui, en ajoutant devant le regard étonné de Lucy «que l'armée ne
forme pas seulement des analphabètes», ce qui ramène le complexe
d'infériorité du soldat devant l'intellectuelle. Par contre, on sera étonné de la question
posée par Wyatt à propos de von Braun : «Quel est ce
type?», lui qui faisait la leçon dans l'épisode précédent sur les activités de l'Agence de l'Énergie atomique en 1962...
Lucy, Wyatt et Rufus
pensent que cette fusée, destinée à bombarder la Belgique occupée
par les troupes alliées, transportera le cœur de plutonium dérobé par
Flynn au Nevada, permettant ainsi à l'Allemagne nazie de gagner la
guerre. Dès que la porte de la Timemachine s'ouvre, les trois
voyageurs se retrouvent face à un soldat allemand que Wyatt a vite
fait d'abattre. Puis il en tue un autre de dos, ce qui ne va pas sans
irriter Lucy. Dans une auberge où ils espèrent entrer en contact
avec des résistants, ils tombent sur un espion britannique qui n'est
autre que Ian Fleming, l'auteur de la série des romans
d'espionnage, James Bond.
Évidemment, Fleming
n'est pas encore un écrivain, il se dit espion, mais nous savons
qu'il n'était qu'un planificateur d'opérations au sein de la Royal
Navy; un agent de liaisons entre les différents services
d'espionnage. Il ne fut donc jamais un agent de terrain, nous entrons
ici dans cette troisième Histoire – la vraie – que les
concepteurs ignorent ou feignent d'ignorer autant que Flynn modifie le mythistoire de Lucy.
Fleming n'a de rôle ici qu'en tant que
figure emblématique d'une culture; un mythistoire autre dont la fantaisie
fait briller les yeux fascinés de Wyatt et de Rufus. Ce n'est pas
Fleming qui est présent devant eux, mais James Bond.
Un
fois arrivé dans la région de Castel Varlar, le
quatuor repère la
fusée V2 et vient la passer au compteur Geiger. Or il n'y a pas d'indice de radiations. Arrive alors Speer
accompagné de Wernher von Braun et de Flynn. Il apparaît qu'elle a été
financée par de l'argent que Flynn aurait versé au Reich. Wyatt,
caché avec Fleming, Lucy et Rufus, s'apprête encore une fois à
mettre Flynn en joue, mais von Braun vient se placer entre sa cible et
lui; c'est Lucy qui s'interpose pour ne pas que Wyatt tire. Pour
elle, tuer von Braun, c'est tuer l'artisan de la défense nucléaire
américaine durant la Guerre Froide ainsi que le principal artisan de
l'expédition lunaire. Il apparaît donc que le plan de
Flynn n'était
pas d'utiliser le Christie Pit au service de l'Allemagne nazie.
C'est
alors que commence une course contre la montre : qui enlèvera
von Braun le premier? Le reste du scénario suit la trame des Bond
movies. Prisonnier des nazis avec Lucy, Fleming usera d'un pistolet à deux coups caché dans sa
manche. Lucy repèrera pour sa part le symbole catholique (le
poisson) qui permettra à son équipe de se sauver par le trou du prêtre, le foyer de la chambre
close où le quatuor s'était
barricadé. Un trou du prêtre est un
système labyrinthique qui permettait aux prêtres catholiques
de fuir les persécutions luthériennes au temps de la Réforme. Wyatt
rappelle avoir entendu l'expression à la fin de Skyfall,
le dernier film de James Bond
de l'époque. Fleming essaie de faire de Lucy sa Bondgirl,
ce qui ne va pas sans irriter la jalousie de Wyatt qui, avec ses jumelles,
observe à distance les manœuvre
s de séduction de Felming. En retour, Wyatt
ne cessera d'épater Fleming en lui sortant des titres de ses futurs
romans. Dernier clin d'œil
, lorsque Lucy refuse les avances de Fleming,
disant qu'elle doutait que Fleming et elle puissent se rencontre aux
États-Unis après la guerre : Wyatt lui lance alors un Never
say never again... À
la toute fin, revenus à la base, on leur présentera le poster d'un
film de 1964 présentant un film de Bond avec
Sean Connery, reprenant l'épisode de Castel Valnar avec le prénom
de Lucy comme celui de la Bondgirl.
Plus
tard, dans un face à face dramatique, Wyatt et Fleming se demanderont
pourquoi épargner von Braun considérant qu'il est le meilleur
ingénieur de l'armée ennemie et qu'il n'a pas payé pour les crimes
commis, en particulier les bombardements de Londres par le régime nazi qui l'employait. Lucy rétorque que von Braun va contribuer à recruter près de 1 500 scientifiques
allemands issus du complexe
militaro-industriel nazi pour lutter contre l'URSS
et récupérer les armes
secrètes du Troisième Reich. Ces scientifiques effectueront
également des recherches dans divers domaines, notamment les armes
chimiques (Zyklon
B), l'usage des psychotropes,
la conquête
spatiale, enfin les missiles
balistiques et les armes à longue portée. Grâce à la
récupération de von Braun à la fin de la Seconde Guerre mondiale,
les Américains développeront leur système de défense durant la
Guerre Froide ainsi que le programme Apollo
qui conduira les Américains sur la lune en 1969. Mais Wyatt et
Fleming demeurent inébranlables à travers leurs frustrations. Pour
Lucy, le tuer serait évidemment une catastrophe pour la suite de
l'histoire américaine.
La
question qui se pose alors : que vient faire Flynn dans l'affaire? Or, lorsque
celui-ci et Lucy se retrouvent, à nouveau, elle comprend que Flynn
n'est pas là pour faire exploser une bombe nucléaire ou assassiner
von Braun, mais l'enlever et le livrer à l'U.R.S.S.. Lorsque Wyatt
et Rufus réussissent à faire exploser la fusée, créant une
diversion, von Braun échappe à Flynn qui le menaçait de son arme. Capturé par le quatuor, von Braun, qu'une automobile doit
ramener vers les forces alliées, les ressentiments refont surface. Fleming se montre prêt à descendre von Braun parce que son frère était mort sous les
bombardements lors de la Bataille d'Angleterre. Wyatt est plutôt
d'accord, puisqu'en le livrant aux alliés, jamais Von Braun ne serait
jugé. Lucy maintient que si le
trio a kidnappé von Braun, c'était bien pour l'empêcher qu'il
tombe aux mains des Soviétiques, et non le tuer; tout cela se
justifiant – ce que Flemming ne peut comprendre – par la
supériorité militaire qu'il apportera à leur pays. Rufus, lui, va jusqu'à se porter devant
l'ingénieur allemand qui le reçoit avec mépris raciste jusqu'à ce qu'il trace une formule mathématique dans son calepin. Il
demande alors à von Braun s'il a conscience du mal que ses fusées
peuvent causer en détruisant des villes entières et tuant des civils. Et von Braun de
répondre que sa seule préoccupation est de faire élever des fusées
et non de l'endroit où elles tombent, ce qui rappelle le vers de la
fameuse Java de la bombe atomique de
Boris Vian. Rufus
lui réplique qu'il a également conçu une machine, et qu'elle a
déjà entraîné la mort d'êtres humains et que cela le tourmentait
tous les jours. Von Braun lui demande alors que s'il avait connu les
résultats de son invention, aurait-il travaillé tout de même à sa
conception? Sa question laisse Rufus coi. Von Braun contemple alors le ciel et rêve déjà à la fusée
qui transportera les hommes vers la lune. Peu importe pour qui on
travaille, l'important est de réaliser les possibilités qu'on se
fixe. Une fois de plus est respectée la leçon augustinienne, qui veut que du Mal
puisse naître le Bien.
Lucy affirme son rôle de «protectrice de l'Histoire» contre
l'ignorance du soldat Wyatt et de
l'ingénieur Rufus. Non seulement elle ne veut
pas que l'Histoire soit soumise à des déformations comme elle en a
connues lors des premiers épisodes. Mais dans
l'épisode de Castel Varlar, ce qui apparaît, c'est non seulement que sans elle ses coéquipiers ne pourraient
survivre à une seule intervention dans le temps, mais qu'elle a également charge d'
âmes en protégeant l'intégrité morale de chacun d'entre eux. Ainsi, lorsque Wyatt ne peut comprendre pourquoi Lucy s'obstine à vouloir sauver von Braun :
Lucy
: We should at least try to protect history.
Wyatt
: Protect Nazis?
Lucy
: No, I'm just saying, there is a bigger picture here.
Bref,
l'Histoire est plus que la somme des faits qui la constituent. Cette
dimension échappe à Mason Industries et encore, pour
l'instant, à Wyatt. Fleming, qui est de l'avis de Wyatt demande de juger la cause : Ce n'est que peu à peu que Wyatt
et Rufus finissent par atteindre le niveau de conscience de Lucy :
«
Je ne suis pas d'accord, réplique Wyatt à Fleming,
mais je lui
fais confiance».
Nous
apprenons plus des personnages centraux : ainsi, les peurs claustrophobiques de
Lucy lorsqu'elle voyage dans la
Timemachine, qui, étant jeune, fut victime d'un dérapage automobile qui
l'entraîna dans une rivière, ce qui la
stresse chaque fois qu'elle embarque dans la
Timemachine. De Wyatt,
nous apprenons qu'il a été élevé par un père violent
et indigne et avoue que sa haine des nazis provient de la fierté
qu'il a reporté sur un grand-père, héros de la Seconde Guerre
mondiale. La destruction de la V2 se justifie pour lui parce qu'elle
ferait des victimes dans le corps d'infanterie où se trouve
précisément son grand-père. Il est vrai que la mort de ce dernier
signifierait l'inexistence de Wyatt. De là viendrait sa
motivation à devenir soldat et de poursuivre la fierté de la
famille. À
Castel Varlar, il a l'impression de combattre dans la même guerre que son grand-père, d'où son peu de flexibilité devant von Braun. De retour à la base,
Lucy
impose qu'on trouve un moyen pour lui permettre de récupérer sa
sœur, sinon elle ne travaillera plus pour Mason Industries. Elle rappelle à
l'agent Christopher qu'être soumise à des événements comme
l'explosion de l'Hindenburg
et l'assassinat de Lincoln l'ont fortement bouleversée. Enfin,
Flynn, dans un face à face avec Lucy, lui rappelle le complot
Rittenhouse, allant
jusqu'à lui répéter, comme dans les épisodes précédents, qu'ils seront un jour tous les deux du même
côté, car lui aussi est un patriote. Et,
de fait, nous apprenons que le réacteur nucléaire volé par Flynn
doit servir à alimenter, pour 300 ans, l'énergie de leur
Timemachine.
La confiance des uns envers les autres sera fort
ébranlée au cours des prochains épisodes. Dans une conversation
entre Rufus et Fleming, à qui il demandait comment on devenait
agent secret, comment on pouvait se permettre de mentir et de trahir
la confiance des siens, Fleming s'était montré cynique en disant
qu'il n'y avait nulle confiance à avoir, ni envers les alliés, ni envers les
femmes. Pour cette raison, Rufus se rebiffe contre Connor Mason qui
l'oblige à enregistrer leurs conversations durant leurs voyages et
refuse de poursuivre l'espionnage exigée par Rittenhouse. Retournant
chez lui dans son auto, celle-ci s'immobilise. C'est alors que,
sortant de l'auto, Rufus est intimidé par un puissant personnage,
Benjamin Cahill, un agent de Rittenhouse, qui ne s'embarrasse pas de
menacer
jusqu'à sa famille.
THE ALAMO
L'Alamo
semble un de ces mythistoires américains incontournables. Time
Tunnel posait
également un regard sur cette bataille célèbre qui marque la
naissance du Texas, non comme un État américain mais comme un État
indépendant, le Texas restant une dizaine d'années (1836-1845) un
«pays libre» coincé entre les États-Unis et le Mexique. L'épisode
commence par le remplacement de Wyatt rappelé par son supérieur.
Au même moment, on apprend que Flynn est au Texas au moment du siège
du fort Alamo (23 février-6 mars 1836). À l'écoute de la date, Wyatt – qui est originaire du Texas – n'a pas besoin de la
présence de Lucy pour savoir de quel événement il s'agit.
Entre-temps, Lucy a une dispute avec sa mère afin de savoir qui est
son père. Réponse qu'elle apprendra à la fin de l'épisode.
Que
vient faire Flynn dans cette histoire. On ne le sait pas trop au
juste, mais on découvre sur lui une dimension tenue cachée
jusque-là. À première vue, il apporte de l'or au général
Santa-Anna qui dirige l'armée mexicaine. Il y viendrait au nom de la
reine Isabelle II d'Espagne. Son but serait d'empêcher le commandant
du fortin, William Barrett Travis, de rédiger la dernière lettre,
un appel solennel à la liberté et au combat jusqu'à la mort à la
base du cri célèbre : Remember
the Alamo!
De fait, Flynn s'introduit dans l'Alamo et tue froidement Travis non
sans lui avoir dit qu'il l'admirait et que, comme lui, il était un
patriote. Profession de foi du traître qui revient d'épisode en
épisode? Une fois Travis tué, le commandement passe à James Bowie
qui, dans l'histoire, était alité depuis le début du siège,
même s'il pouvait parfois encourager les troupes; il luttait encore de son
grabat lorsque les soldats mexicains entrèrent dans l'église et
l'abattirent. On y rencontre également Davy Crockett qui amuse les
combattants avec ses exploits merveilleux. Dans un tête à tête
avec Rufus, il lui avouera que son combat à mains nues avec un ours
n'était qu'un pieux mensonge. Mais les combattants ont le courage joyeux
qui anime les désespérés.
De
ce que nous savons de l'Alamo, peu de choses correspondent à ce qui est
développé dans l'épisode – et surtout l'assassinat
de Travis. La fameuse lettre de Travis que Lucy s'acharne à réécrire en
fonction de ses souvenirs et qui est rappelée au début de l'épisode
a été donnée au jeune John W. Smith, le courrier, le soir du 3
mars et non au moment de l'invasion finale du fortin, le 6. Travis y
établissait que ses motifs de résistance «allaient
au-delà de la solidarité qui liait entre eux les membres de la
garnison, au-delà de son orgueilleux désir de défendre les
nouveaux foyers qui parsemaient la région. Au-delà de tous ces
motifs, nombreux pourtant, il sentait ses compatriotes à l'unisson
de son état d'esprit, leur conviction que la liberté,
l'indépendance valaient que l'on combattît pour elles, et la
croyance que les hommes devaient accepter n'importe quel sacrifice
pour atteindre ces buts. En accord avec ces deux symboles, tout était
possible; sans eux, rien n'était réalisable. Et une fois son point
de vue exposé, il ne mâcha pas ses mots : “Que la Convention
fasse une déclaration d'indépendance, alors nous comprendrons –
et le monde avec nous – dans quel but nous combattons. Si
l'indépendance n'est pas déclarée, je déposerai mes armes, et
ceux placés sous mes ordres agiront de même. Mais sous cet
étendard, nous sommes prêts à risquer nos vies plus de cent fois
par jour...”»
(W. Lord. Alamo, Paris,
Robert Laffont, Col. Ce jour-là, 1963, p. 168). Il en va de même
des femmes et des enfants qui ne furent pas exterminées par l'armée
mexicaine, contrairement à la volonté ici présentée de Santa-Anna
et à laquelle même Flynn se révolte. Là s'arrête son rôle. Son
échec à susciter le sentiment humanitaire chez le général
mexicain présenté, comme jadis, à l'image d'un dément, lui enlève
toute action pour la suite de l'épisode. Ainsi donc, la scène où
les femmes et les enfants fuient de l'Église de l'Alamo en passant
par un tunnel servant jadis d'aqueduc relevant de l'intervention de
Lucy et Rufus appartient à la fiction. Les femmes et les enfants furent
capturés par l'armée mexicaine mais Santa-Anna refusa de tuer sinon
que les hommes faits prisonniers.
Cet
esprit de l'Alamo interfère avec le passé de Wyatt qui revient le
hanter une fois qu'il se retrouve à l'intérieur de la garnison
assiégée et condamnée. Ayant appris que c'est sa dernière
mission, Wyatt Logan, d'origine texane, revêt la mission de ces
hommes courageux dont
il veut partager le destin. Régulièrement, des souvenirs de sa
participation à la guerre au Proche-Orient en tant que membre de la très
cotée Delta Force américaine viennent le troubler. Des
hallucinations confondent les lieux et les soldats de l'Alamo avec
les lieux et ses camarades de combats. Dans une conversation avec Bowie, surprise par Lucy, Wyatt raconte
comment, dans une situation militaire en Afghanistan, il a été tiré
au sort pour aller porter une dépêche de première importance, ce
qui lui a permis d'être le seul survivant de son corps
expéditionnaire. Wyatt souffre donc d'un sentiment de culpabilité du survivant
qui le conduira à vouloir périr avec les résistants de l'Alamo. Au moment où le siège tire à
sa fin et que les combattants seront tous massacrés, Wyatt veut
rester sur place. Lucy le ramène à sa mission première, la guerre
qu'ils livrent contre Flynn. Que si Bowie et Crockett sont solidaires
de leur cause, lui doit l'être de la sienne.
Au jeune courrier Smith
qu'il aidera à faire échapper au carnage, il rappelle que «parfois la chose la plus dure
est d'abandonner ceux qui reste, c'est horrifiant, mais c'est la
seule chose qu'on doit faire» parce que ces choses doivent être faites. Telle est la résignation du
combattant à son sort tragique. Smith
portera alors la fameuse lettre que Flynn avait empêché Travis
d'écrire, mais elle aura été entièrement réécrite par Lucy inspirée par le courage de Wyatt. Revenu à la base, au moment où
Wyatt est rappelé en service, Lucy et Rufus font preuve de solidarité en
refusant de continuer la mission si on leur enlève Wyatt. Comme
Rufus est le seul ingénieur capable de piloter la navette, le
supérieur militaire se résigne donc à laisser Logan à son poste.
Ce dernier retrouve donc cet esprit décrit dans la lettre de Travis
à travers la résistance de ses deux collaborateurs. Comme le
sacrifice de l'Alamo a soudé ensemble les Texans et les Américains,
l'épreuve du voyage dans l'Alamo soude ensemble Lucy, Rufus et Wyatt
qui, depuis le début, semblait ne pas se sentir partie prenante avec
ses deux savants collègues.
Il
y a, chez Wyatt Logan, un certain désenchantement de la vie
militaire. Si la solidarité et l'esprit de sacrifice sont toujours
là, parmi les combattants de l'Irak, les raisons de cette solidarité
et de ces sacrifices n'apparaissent plus aussi grisantes que la joie,
la légèreté et la sérénité d'esprit des combattants de l'Alamo.
Ceux-ci ont une cause qui dépasse leurs personnes, une cause livrée
essentiellement dans le message de Travis que Flynn interrompt en
tuant le colonel. En soustrayant le message patriotique de l'Alamo,
Flynn enlève cet «esprit de sacrifice serein» du mythistoire.
Cette sérénité, Logan la retrouve au dernier moment, lorsque Lucy
et Rufus se lèvent pour marquer leur solidarité à l'endroit de leur compagnon.
Vouloir «sauver l'Histoire», comme l'exprimait Lucy dans l'épisode
précédent, devient une cause, quoique plus abstraite à saisir que
l'indépendance ou la liberté, qui tisse sa propre valeur de
l'engagement même de l'équipe de la Timemachine.
Pour le moment, Flynn personnifie le Mal, la traîtrise, les valeurs
honorables déviées. Comme un démon, il a souillé, il a profané la sacralité matricielle de
l'histoire américaine et chacune de ses interventions dans le passé
vise à démoraliser les Américains d'aujourd'hui, et là, sans
doute, est-ce la mission que les concepteurs lui ont donnée : Flynn
participe de la guerre
psychologique.
Cette démoralisation, qui ne cesse de se répéter depuis la défaite
de la guerre du Vietnam, se retrouvera dans l'épisode suivant qui
concerne... le scandale du Watergate! À la veille des tristes
élections présidentielles de 2016, le message prend une certaine portée idéologique.
THE
WATERGATE TAPE
On
pourrait penser ici que l'anecdote historique compte peu. Qu'elle
sert de prétexte à révéler les secrets des différents
personnages : Flynn, Wyatt, Rufus, Lucy... Au bout du compte, la
phrase de Lucy au début : «J'en viens à ne plus savoir ce
qu'est la vérité», résume assez bien le malaise qui se développe
au fur et à mesure de la suite des épisodes, tout comme elle
confronte la simple logique devant l'uchronie. Pire, ces doutes en
viennent à ronger l'essentiel de la confiance mutuelle qui s'est établie au sein du trio.
Quel mystère plane-t-il derrière le plus grand scandale politique (américain) du XXe
siècle? Le trio se rend à Washington D.C. où ils apparaissent, le
20 juin 1972, en
représentants de la presse. Voilà trois jours qu'a
éclaté le scandale du Watergate. Cette journée-là, aux
enregistrements des
conversations du bureau de Nixon, que le
président avait commandés pour servir de documents à l'écriture de
l'histoire de son mandat déposés devant le tribunal chargé des poursuites des agents
compromis dans l'espionnage des bureaux du Parti Démocrate à
l'hôtel du Watergate, il manquera 18 minutes et demie. Depuis, on ignore ce qu'il y avait sur cette
séquence et on n'a cessé de spéculer sur ce matériel qui a été
visiblement effacé. Aussi, le trio doit-il mettre la main sur cette
bande avant Flynn. À peine arrivés à Washington, Wyatt, Lucy et
Rufus sont pris au sein d'un affrontement entre contestataires et
militaires, ce qui permet à Flynn de s'emparer d'eux. Attachés dans
le repaire de Flynn – qui leur rappelle que c'est la même chambre
où ils s'étaient réfugiés dans l'épisode de l'assassinat de
Lincoln, il leur lance, non sans ironie : un siècle pour le
monde, mais seulement quelques jours pour nous -, ils apprennent que
Flynn possède déjà la bande et la leur fait écouter. On y entend
Richard Nixon y révéler à son conseiller, Bob Haldeman que
Rittenhouse lui demande de récupérer quelque chose désigné comme le «doc».
Flynn donne à Lucy et Rufus cinq heures pour trouver ce doc qu'ils
supposent être un document secret, sinon il tuera Wyatt.
Pour la première fois,
les trois voyageurs sont, ensemble, face à face avec
Flynn qui commence par
révéler à Wyatt et Rufus qu'il détient le journal que Lucy écrira
plus tard. Pour le peu que nous en savions, Flynn ajoutera des
éléments à sa biographie. Au commencement, il était présenté
comme un ex-agent de la N.S.A. devenu terroriste psychopathe ayant
tué sa femme et sa fille. Maintenant que Flynn dispose de Wyatt, il
expose sa situation. Il jure que lorsqu'il travaillait pour la
N.S.A., il avait découvert que l'argent qui finançait les
Industries Mason servant à la mise au point d'un appareil à voyager
dans le temps provenait de Rittenhouse. Quelques jours après avoir
révélé à ses supérieurs toute l'affaire, sa maison fut attaquée
de nuit, sa femme et sa fille tuées : “
We call them silencers, but
they’re not that silent,” ajoute-t-il, jurant qu'il a été
doublé par Rittenhouse. Depuis, il voue son existence à se venger
en éliminant Rittenhouse avant de revenir, espérant sauver ainsi sa
femme et sa fille. Cette situation pose Flynn comme le
doppelgänger
de Wyatt. Nous apprenons également, par le journal de
Lucy que détient Flynn,
que le soir de la disparition de Jessica, l'épouse de Wyatt,
celui-ci avait eu une dispute avec elle et l'avait abandonnée sur le
bord de la route. C'est à cette occasion qu'elle a été étranglée
(2012). Pendant que Lucy et Rufus
sont à la recherche de « doc », s'engage un échange
avec Wyatt, déjà abasourdi par le fait d'apprendre que Flynn
disposait du
journal de Lucy et qu'elle le savait. Ce journal, aurait-il été
le chercher dans l'avenir? Il manque toutefois des informations dans
le journal de Lucy (ce qui est assez curieux pour une historienne qui
écrirait ses mémoires), et qui renvoie, symboliquement, aux 18
minutes manquantes de la bande de Nixon. Se sentant trahi, Wyatt
écoute les propos de Flynn qui l'interpelle, lui demandant si
lui-même n'irait pas sauver sa femme, assassinée? Cette pensée, on l'a vu, avait
effleuré l'esprit de Wyatt dans un épisode antérieur. Quoi qu'il
en soit, à travers ces échanges de confidences, Flynn et Wyatt (ne
serait-ce que par la structure même de leur nom) apparaissent dans un reflet de miroir.
Pendant ce temps,
Lucy et Rufus doivent retrouver le «document» dont parlait Nixon à
Haldeman dans la partie manquante de l'enregistrement. Pour ce faire,
Lucy décide de contacter Deep
Throat, surnom
de l'agent du F.B.I., William Felt, qui a révélé les dessous de
l'affaire du Watergate aux journalistes du Washington
Post, Bob
Woodward et Carl Bernstein. Ce dernier leur révèle que lors de
l'invasion du Watergate, il y avait eu une descente à l'appartement
au-dessus, et qu'il s'y cachait un inconnu qui aurait parti lié avec
un groupe proche des Black Panthers et d'Eldrige Cleaver. C'est ici qu'il faut
remonter à la première scène de l'épisode, lorsque Rufus est
amené par Connor Mason et Ethan Cahill. Ce dernier leur apprend que
Flynn est à Washington, le 20 juin 1972, et veut récuperer la bande
originale de l'enregistrement de la conversation de Nixon et
Haldeman. Rufus lui demande alors ce qui s'est passé cette
journée-là, question qui amuse Cahill et fait référence à
l'ignorance de la jeunesse d'aujourd'hui de son passé. Il lui remet un billet avec
un numéro de téléphone qu'il devra contacter lorsqu'il sera rendu
sur place. Lorsqu'il est conduit avec Lucy auprès du «doc» en
question, il réalise qu'il ne s'agit pas d'un document, mais d'une
jeune asiatique. Celle-ci est surnommée «doc» du fait qu'elle a un
doctorat en histoire de la même université où ira plus tard Lucy,
ce qui lui permet d'établir un lien de confiance avec la jeune
femme. Lorsque Lucy lui demande pourquoi elle doit fuir Washington,
elle lui apprend qu'elle travaillait pour Rittenhouse, un groupe
occulte qui existe depuis 1778. Elle était en charge des données
concernant le groupe, et sentant sa famille menacée, elle a décidé
de quitter l'organisation. Son époux et sa fille se cachent à Hong
Kong et les hommes de Cleaver doivent la conduire jusqu'à San
Francisco où elle prendra un navire en partance pour les rejoindre. C'est d'elle que Lucy apprend à quel point Rittenhouse est une organisation extrêmement
dangereuse et met la vie de ceux qu'elle manipule et de leur famille
en danger.
Enfin, Lucy surprend Rufus à téléphoner au numéro donné par
Cahill. C'est alors que Rufus révèle à
Lucy qu'il espionnait ses deux comparses depuis la première mission
et enregistrait tout sur une clef USB. S'ils livrent le «Doc» à Rittenhouse, Flynn tuera Wyatt;
s'il la livre à Flynn, ils échouent dans leur mission et Cahill
s'en prendra à la famille de Rufus. Pour résoudre l'aporie, Rufus
téléphone à Rittenhouse lui révélant où se cache le «Doc», ce
que Lucy fait également en téléphonant à Flynn. Lorsque les
hommes de Rittenhouse arrivent à la cachette, Flynn les attend et
les mitraille. Il comprend alors qu'il a été joué. Pendant ce
temps, Lucy permet à Wyatt de se défaire de ses liens.
Au bout du compte, les
trois voyageurs mettent en doute leur mutuelle confiance, celle qui avait parue sincère durant l'épisode de l'Alamo. Wyatt est
frustré par les conversations secrètes entre Flynn et Lucy et les
révélations sur sa vie que contient le journal de Lucy; Lucy et
Wyatt sont écœurés par l'espionnage auquel s'est livré Rufus à
leurs dépens. Ce n'est qu'à son retour que Rufus comprend que
Cahill qu'il a en face de lui est le même qui, quarante ans plus
tôt, était au bout de la ligne et lui ordonnait de tuer le «
Doc».
L'effet moral sur
l'Amérique causé par les révélations du Watergate au moment où
s'amorçait la reddition des Américains devant le Vietnam
communiste amena une crise de confiance de la nation face à ses
gouvernants. Les tricheries
présidentielles renvoient aux secrets et aux silences qui divisent
le trio en fin d'épisode. C'est le même effet qui se fait sentir sur Wyatt par exemple, même s'il
lui reste suffisamment de confiance pour demander à Rufus d'agir en
agent double. L'esprit de complot alourdit l'intrigue principale qui appelle à
sauver l'Histoire. Lorsque détenu par Flynn, Wyatt lui demande
pourquoi il se sent obligé de détruire l'Histoire pour briser
Rittenhouse, il lui répond que l'Histoire des États-Unis est si
profondément intégré aux complots de Rittenhouse qu'il n'a pas
d'autre choix que de procéder comme il le fait. Pour Wyatt, cette
assertion ne fait que confirmer la psychopathie de Flynn, mais dans
l'ensemble, Timeless ne
considère-t-elle pas l'histoire américaine comme un immense
complot paranoïaque tissé au cours des siècles?
STRANDED
Pour la première fois,
l'épisode commence dans le temps, le 15 septembre 1754, aux débuts de
la guerre que se livrent la France et l'Angleterre dans la région de
l'Ohio, autour du Fort Duquesne. Lucy pense que Flynn entend menacer la vie du
jeune George
Washington dirigeant l'armée coloniale auprès des forces
britanniques de Braddock.
Capturés d'abord par les soldats français, Rufus, Lucy et Wyatt sont ligotés
une première fois. Wyatt, qui connaît l'allemand mais non le
français, demande à Lucy ce qu'on peut dire à un soldat français
pour le choquer. Elle lui chuchotte à l'oreille : «Que Louis
XV est un faible»; peu convaincu, Wyatt lui déclare : «J'ai
couché avec ta mère!». Après un combat, ils parviennent à
s'évader non sans tuer leur gardien qui est le fils du commandant de
la troupe, Louis Coulon de Villiers (qui était venu pour venger la
mort de son frère, Jumonville, tué par les hommes de Washington un
peu plus tôt dans l'année). De retour à la
Timemachine, ils
y surprennent deux agents de Flynn en train d'opérer un sabotage
avec des explosifs. Tel était le piège tendu par Flynn
d'emprisonner Wyatt, Lucy et Rufus dans une région sauvage et les
empêcher de revenir au XXIe siècle. Devant le trou qui perce la
coque, Rufus évalue la gravité des dommages. Il pense pouvoir les
réparer mais il lui manque des outils, une forge et des matériaux
qu'ils iront chercher au fort français. Puis, il y a le
protocole, qui est un message enfoui dans un tube enterré
profondément dans la terre afin de permettre à l'équipe de Mason
de le récupérer pour indiquer les dommages de l'appareil.
À la base, Jiya, qui
appartient à l'équipe et a le béguin pour Rufus, rappelle le
protocole et Mason retrace l'endroit où il entreprend de faire creuser afin de retrouver le
tube contenant le message laissé par Rufus. En 1754, commence une
poursuite à travers forêts et rivières afin de semer la troupe qui
les poursuit, mais le trio est capturé par un parti d'Amérindiens
et emmenés à leur camp où ils sont attachés à des poteaux.
Attendant le sort qui leur adviendra, le trio qui est en froid depuis
le début de l'épisode, froid hérité de l'épisode précédent,
Wyatt, Lucy et Rufus renouent confiance. Par-delà l'espionnage de
Rufus, le journal secret de Lucy et les frustrations de Wyatt, la
solidarité revient devant le danger partagé. Renouant les liens
affectifs, ils échangent à propos de leur passé, de leurs regrets, de leurs attentes.
Survient alors le
chef indien, une femme de la tribu Shawnee qui se nomme
Nonhelema que Lucy reconnaît avec admiration. Celle-ci condamne
Wyatt et Lucy à mort mais libère Rufus croyant qu'il est leur
esclave. Rufus, libéré, plaide pour ses amis à la chef qui accepte
de les laisser partir. Le trio retourne au bord d'une rivière où
ils ont découvert le corps d'un soldat français mort. Wyatt revêt
son uniforme et le trio se rend au Fort Duquesne. Rufus récupère les objets
dont il a besoin pour réparer la Timemachine
et se rend à la forge. Wyatt, amené de force à une infirmerie
rencontre le médecin qui veut le soigner par une saignée et un clystère à base
de mercure. Cette scène moliéresque
se termine par un coup de poing de Wyatt sur la tronche du médecin.
Au moment de quitter le fort, la troupe du lieutenant Coulon de
Villiers arrive et force la fermeture des portes. Le trio s'enfuit et parvient à sauter le mur et à se rendre à la navette. Le fait d'avoir
découvert le tube contenant le message de Rufus permet à Jiya de
coordonner le retour de la Timemachine
à la base. Il était temps, car la troupe française arrivait sur eux.
Croyant à une machinerie du diable, le lieutenant Coulon de Villiers ordonne de tirer sur
la navette, mais celle-ci disparaît, laissant les soldats stupéfaits
et le lieutenant qui se signe. La Timemachine parvient à revenir à la base avec son équipage intact et réconcilié. Pendant ce temps, la tension ne cesse de monter entre Cahill et Connor Mason; l'agent Christopher, discrète jusqu'alors, fait entreprendre une enquête sur Mason.
À la fin, autour d'une table de réconciliation, Wyatt
et Lucy découvrent une illustration représentant la Timemachine
remontant
au XVIIIe siècle décrite comme un globe de métal entouré d'un
anneau rotatif et qui est présenté comme la première
représentation d'un OVNI. Enfin, ils entreprennent
une conversation sur la valeur que prend le journal de Lucy qui est
entre les mains de Flynn. Se poursuit alors une discussion amorcée
lors des premiers épisodes. Lucy perçoit son
journal, que détient Flynn, comme une marque de sa destinée car
la destinée de l'histoire commence par la destinée qui nous emporte tous et
chacun. Wyatt lui demande de prendre une gorgée de champagne. Elle
s'exécute. Il lui fait alors remarquer qu'elle aurait pu tout aussi
bien décider de ne pas boire. Que la décision dépend du
libre-arbitre des individus et qu'il n'y a pas de destin qui l'oblige
à rédiger ce journal. «À quoi bon remonter le temps si on ne peut
pas réparer ses erreurs»? Lorsqu'il demande l'opinion de
Rufus, celui-ci se cache derrière le fait qu'il s'occupe de physique
et non de métaphysique. La liberté de changer l'Histoire renvoie
ici à la liberté de changer le cours de sa propre existence. On ne peut que constater combien le contexte historique devient de plus en plus
un décor davantage qu'une mise en situation d'un événement. Jamais,
dans la série Time
Tunnel, les
voyageurs du temps n'avaient séjourné durant la période coloniale
de l'Amérique, ni même durant la Révolution américaine. L'intérêt de Flynn de détruire le prototype en 1754 permettait d'éloigner définitivement le trio de s'interposer contre le groupe Rittenhouse qui n'apparaîtra qu'en 1778, comme leur avait appris le "doc" à l'épisode précédent.
SPACE RACE
Nous
sommes le 20 juillet 1969, au moment où le module lunaire d'Apollo XI touche
la lune avec ses deux astronautes, Edwin Aldrin et Neil Armstrong. L'
un des techniciens, Wayne Ellis, de la salle de contrôle assure le succès de l'alunissage. Le soir, chez lui, la
Timemachine pilotée par
Flynn apparaît dans le jardin devant les yeux éblouis de l'ingénieur. Auparavant, Flynn avait été lui rendre visite, en 2016,
alors qu'il est devenu vieux, afin qu'il lui raconte ce jour de gloire. Il lui demande également en quoi consistait les laisser-passer permettant d'accéder aux différents bureaux de la NASA. Fier de son passé, le vieux Ellis lui décrit la carte informatique que tous portaient sur eux. Lui demandant si sa résidence est la sienne, ce dernier
lui répond qu'il y est né, y a grandi et qu'il y mourrait. Aussi,
quand 50 ans plus tôt, Flynn se présente devant lui, il le fait
tuer par un de ses hommes de main pour lui voler sa carte d'accès. Avec Anthony Bruhl, il entend
pénétrer à la NASA et saboter le système
de communication entre la base et le module lunaire. Pour Flynn, il
s'agit d'effacer cette page glorieuse de l'histoire américaine et
faire perdre le fameux «pari à la lune» lancé en 1960 qui défiait
l'Union soviétique. Le sabotage de la mission ne pouvant que risquer
d'accentuer la Guerre Froide.
Lucy,
Wyatt et Rufus se retrouvent donc à la NASA le 20 juillet 1969. En
interrompant le système de communication, le centre de commandement perd
toute interaction avec les deux astronautes sur la suite des opérations à mener; Armstrong et Aldrin se voient ainsi condamnés à mourir, suffoquer par manque d'oxygène.
Comme le dit un commentateur à la télévision, en posant le pied sur la lune, il le mettait dans leur tombeau.
Rufus,
l'ingénieur, se promène dans la salle de contrôle déguisé en concierge vidant les cendriers. Épaté, il désigne à Wyatt ceux qu'il considère comme ses héros; alors
qu'il balaie la salle du regard; il reconnaît l'astronaute Charles
Duke et le directeur de vol Gene Krantz, et lui dit : «C'est
comme si tous mes héros se retrouvaient dans une seule et même
pièce... Et chaque Noël, chaque 4 Juillet la même journée». Il
donne ainsi une dimension personnelle à l'événement qu'il
rappellera dans la scène finale, lorsqu'il sera appelé à
confronter Anthony : «Ces astronautes vont revenir à la
maison».
À peine Wyatt l'avait-il laissé dans la salle de
contrôle, Rufus surprend Anthony Bruhl, son mentor, qui porte dans une
serviette la bobine informatique capable de rétablir le contact
entre la NASA et Apollo XI. Depuis qu'ils se sont rencontrés dans un
épisode précédent, Rufus doute de l'honnêteté d'Anthony et
lorsque celui-ci essaie de se défendre, Rufus lui rappelle qu'il l'a
abandonné avec ses amis dans les forêts nord-américaines en 1754.
Que lui-même, pourtant, avait mis sa vie en danger dans l'expérimentation de la Timemachine, comment
pouvait-il penser laisser mourir les deux astronautes sur la lune?
Cette fois-ci, il l'envoie tout simplement promener, prenant soin
auparavant de lui arracher la mallette. Lorsqu'ils se retrouveront, à
la toute fin, Rufus tenant Anthony au bout de son pistolet, ce
dernier admettra qu'il fait seulement cela afin d'empêcher que la
Timemachine ne tombe entre
les mains de Rittenhouse dont les projets sont terrifiants. Il est toutefois difficile d'y
croire considérant que les meurtres gratuits de Wayne Ellis pour lui
voler sa carte d'identité et d'un plombier sont autres choses que
des victimes collatérales...
Comme toujours, Flynn parviendra à fuir devant
Wyatt tandis que Rufus et Lucy, aidés par la physicienne
Katherine Johnson, parviennent à restaurer la bande informatique originale.
Afro-américaine, Johnson (née le 26 août 1918), experte en
physique, mathématique et ingénierie spatiale, est à l'origine du
développement de l'usage des premiers ordinateurs modernes. C'est
elle qui a calculé les trajectoires du programme
Mercury
ainsi que de la mission Apollo XI. Rufus, qui lui apparaît avec son
uniforme de concierge, l'émerveille en dressant au tableau noir les
formules qui la convaincront de
ses capacités en informatique. Pour
lui, les appareils informatiques utilisés par la NASA sont
lourds et trop primitifs : «Je me sens comme un coureur automobile derrière les roues d'une Yugo (voiture serbe de mauvaise qualité,
l'équivalent de la Lada russe). Il y a plus de pouvoir informatique
dans mon grille-pain que dans toutes ces vieilleries». Si les années
60 se présentent peu ouvertes pour les Afro-américains, elles ne
sont pas meilleures pour les femmes. Un
ingénieur macho, offensant
Lucy en lui commandant un café, se fait répondre : «
Mon nom
n'est pas poupée ou sweetheart ou
rien d'autre qui ressemble à un bébé. Les femmes, ici, ont des
vrais noms. Je suis sûr que vous pouvez apprendre leurs noms. Ce
n'est pas difficile, comme faire du café par vous-mêmes. Vous êtes
un ingénieur, après tout!»
Finalement, il y
aura peu de dommages pour la suite de l'histoire dans cet épisode,
sinon de voir Katherine Johnson élevée comme celle qui sauva la
mission Apollo XI. Comme toujours, chaque épisode
pose plus de questions intrigantes qu'il ne donne de réponses
claires, ce qui est indispensable pour le maintien des cotes
d'écoute. Toutefois, il y a un incident qui éveille la conscience
du personnage de Rufus. Obligé de tuer un homme de Flynn afin de
permettre à Katherine et Lucy d'assurer la communication avec Apollo
XI, Lucy vient lui demander de ses nouvelles, croyant que son premier
homicide lui cause des remords de conscience. Or, tel n'est pas le
cas, et cela l'affecte bien autrement : «Lorsque je suis arrivé,
j'étais comme un singe savant effrayé par son ombre et maintenant
je suis capable de tuer pour défendre ceux qui me sont proches.
C'est cela qui m'effraie», et de demander : «Lucy, qu'est-ce
que je suis en train de devenir?»
Pour Wyatt, qui
appartient au Delta Force, tuer peut passer pour une routine. Pour
Lucy, la connaissance historique confine à des récits pleins de
violences et de massacres, mais pour un ingénieur habitué à jouer dans les théorèmes et leurs applications pratiques, tuer un être
humain est quelque chose de profondément étranger. Alors que son mentor,
Anthony, n'hésitait pas à laisser mourir les deux astronautes sur la
Lune, Rufus découvre que, désormais, lui aussi peut tuer sans
remords. Comme s'il ne sentait plus rien. En cela, Rufus
est sans doute le personnage qui évolue le plus rapidement dans la série. Après les avoir refusés, lui aussi doit se confronter aux problèmes métaphysiques.
Après 8 épisodes, on suit ses transformations, alors que Lucy et
Wyatt restent à peu près identiques à ce qu'ils étaient à leur
début.
L'ambiguïté du Bien et du Mal se pose également dans la chasse ouverte au controversé Flynn, en qui cohabite pourtant une violence non dénuée de tendresse qui s'exprime
à travers sa rencontre avec Maria Tompkins, une jeune technicienne de la NASA qui étudie le soir pour se perfectionner en physique et qui doit s'occuper d'un bambin : cette femme sera sa mère. Alors que Wyatt est venu pour l'interroger, Flynn se précipite du balcon sur le bambin qui vient d'être piqué par une guêpe et lui sauve la vie avec un injecteur epipen. À la fin, le trio apprendra, en lisant le rapport secret donnant des informations personnelles sur Flynn
obtenues par l'agent Christopher, qu'il a un frère aîné vivant à Paris. Flynn est parvenu à sauver la vie de son frère alors que l'agent Christopher n'a pas encore réussi à trouver un moyen pour ramener Amy, la sœur
de Lucy.
LAST RIDE OF BONNIE & CLYDE
L'épisode commence en
nous montrant la fin «officielle» des bandits et assassins Clyde
Barrow et Bonnie Parker, le 23 mai 1934. Le piège tendu sur la
route, l'arrêt des deux fugitifs, le cliquetis des armes à
répétitions qui poivrent la Ford V8 beige tuant leurs passagers. L'arrière de la voiture est remplie d'armes à répétition. Parmi
les Rangers : Flynn. Il est là pour trouver une clé que
Bonnie porte à son cou comme pendentif. L'agent Christopher explique
qu'il s'agit là de la clé Rittenhouse dont on ne sait à quoi elle
sert au juste.
Wyatt, Lucy et Rufus se
retrouvent donc en Arkansas sous la Grande Dépression, la veille de
l'événement. Wyatt et Lucy vont dans une banque avec l'espoir d'y
trouver la clé puisque c'est là qu'elle a été vue pour
la dernière fois. Ils ignorent qu'elle est en possession du couple
de gangsters. Pour distraire le gérant de la banque, Lucy demande
d'ouvrir un compte, ce qui, pour une enseignante d'histoire est un
peu étonnant. Oublierait-elle qu'en 1934, pour une telle demande, il
fallait la permission de l'époux ou du père, comme le lui rappelle poliment
le gérant?
C'est à ce moment que
le couple mythique fait irruption, armé jusqu'aux dents. À
l'extérieur, les Rangers de Frank Hamer se préparent à riposter.
Rufus, qui est resté à l'extérieur, reconnaît
Flynn parmi les
hommes de Hamer. Bonnie & Clyde sortent de la banque suivis par
Wyatt et Lucy qui ont reconnu la clef au cou de Bonnie. Commence alors la mitraillade. Rufus avertit de loin
Wyatt que Flynn est parmi les Rangers. Wyatt se met donc à tirer lui
aussi sur les policiers. Les deux couples finissent par se rejoindre
et, délaissant la Ford V8 beige criblée de balles, Bonnie & Clyde embarquent dans
l'auto de Wyatt et Lucy, laissant Rufus derrière eux. Déjà, on
devine que les détails de l'anecdote vont se chambouler.
Bonnie & Clyde
conduisent Wyatt et Lucy à la ferme où ils se terrent. Ces derniers
justifient leur geste par l'admiration qu'ils portent aux premiers.
Ils prétendent être les Bonnie & Clyde du Texas, ce qui amène
Wyatt à étonner Clyde lorsqu'il lance quelques énormités telles
que Lucy et lui auraient dépensé $ 25 000 sur de la gnole! Wyatt se
rattrape en transposant sur Lucy le récit de sa demande en mariage à
Jessica, sa femme décédée. Lucy se voit forcée de suivre le jeu
et les deux finissent par s'embrasser passionnément. Plus tard, on
les verra
allongés l'un contre l'autre écoutant les poèmes de
Bonnie Parker. En retour, Lucy demande à voir de plus près le
pendentif de Bonnie. Elle y lit une énigme en latin qu'elle
traduit : «
The key to medieval time and the key to the
end of time», ce qui permet à Wyatt de s'exclamer :
«
Oh, boy. That's not disturbing at all.»
Rufus, demeuré devant
la banque, est soupçonné d'être complice de la bande. Il parvient
à s'innocenter en montrant sa carte d'identité portant le nom de
...Wesley Snipes (genre de
running gag qui revient périodiquement
d'un épisode à l'autre). Flynn le reconnaît et demande à Hamer de
lui remettre Rufus. Mais Hamer a un indicateur, Henry
Melvin, qui avoue ne pas connaître Rufus tout en indiquant
l'endroit où se cache le gang Barrow. Hamer laisse partir Rufus qui
parvient ainsi à échapper à Flynn.
Durant la nuit, Wyatt et
Lucy sont couchés côte à côte, maladroits parce que serrés dans
un lit trop étroit. Lucy est fascinée par le lien passionnel qui
unit Bonnie et Clyde. Elle avoue n'avoir jamais connu une passion
semblable à celle de Wyatt et se demande si, même après avoir
perdu sa femme, s'il est possible encore d'aimer. Non d'une manière
fermée et auto-suffisante comme le couple maudit, mais de manière
ouverte. Le temps presse et il faut profiter du moment où Bonnie et Clyde se sont endormis pour voler la clef. Wyatt est déjà sur
Bonnie, prête à lui prendre la clef lorsque Melvin frappe à la
porte. De l'extérieur, Rufus attire Wyatt et Lucy qui sont bientôt
repérés et capturés par un Clyde déjà soupçonneux. Au moment de les abattre, Rufus
fait entendre un enregistrement de l'entrevue de Melvin avec Hamer.
Clyde l'abat froidement.
Aussitôt, les Rangers
attaquent la ferme. C'est là, en voulant s'enfuir, que
Clyde sera
tué. Flynn saisira le pendentif au cou de Bonnie qui, rejoignant le
corps de Clyde, prendra son arme visant les Rangers qui l'abattront. Wyatt,
Lucy et Rufus parviennent à s'enfuir. Lorsqu'ils sont de retour à
leur base, ayant échoué à récupérer la clé, Lucy et Wyatt
échangent un regard lourd de sens. L'
amourette qui
manquait à la
série fait son apparition, mais elle n'étonne personne. Le soir,
Rufus est rejoint par l'agent Christopher qui mène une enquête sur
les relations de Mason. Elle le fait suivre au moment où il rencontre
Cahill. Rufus l'implore de ne pas mettre sa famille et ses amis en
danger, mais doit avouer qu'il s'agit bien là de l'agent de
Rittenhouse, le financier qui a relancé les entreprises Mason acculée à la faillite.
Dans
l'ensemble, l'histoire de Bonnie & Clyde est vue et corrigée
sous l'angle d'une réinterprétation américaine du mythe de Tristan
et Iseut, les amants tragiques. L'épisode commence et se termine par
des vers de la célèbre ballade écrite par Bonnie Parker racontant
leurs exploits. Le fait également que Clyde Barrow ait volé la clef
dans le coffre-fort de Henry Ford laisse supposer que le constructeur
automobile, si antisémite et si favorable à Hitler, ferait partie
de la conspiration multiséculaire Rittenhouse. Évidemment,
l'épisode ne donnera aucune raison de cette «filiation»
Rittenhouse-Ford sur laquelle reviendra un autre épisode de la série. Quoi qu'il en soit, la finale s'achève (peut-être)
au National
Treasure, lorsque
Flynn introduit la clef Rittenhouse dans une horloge mécanique du
XVIIIe siècle qui révèle un manuscrit cacheté dont on saura
probablement le contenu dans l'épisode suivant.
THE CAPTURE OF BENEDICT ARNOLD
Le manuscrit dissimulé
dans le mécanisme d'horlogerie se trouve être un document dans
lequel il est question du fameux Rittenhouse, et la signature est
celle de Benedict Arnold (1741-1801), cet officier de l'Armée
continentale américaine qui participa à la tentative ratée de
conquête du Canada, montra son héroïsme à la bataille de
Saratoga, où il fut grièvement blessé à une jambe et qui finit sa
carrière en se vendant et planifiant de livrer West Point à l'armée britannique.
Lucy est appelée avec ses deux collègues à
retourner dans le passé, plus précisément en automne 1780, au
moment où la guerre d'Indépendance est à un point tournant. Le
général George Washington se rend chez
Arnold, l'officier en charge
de West Point et qui a pris la fuite. Il est reçu par l'épouse
d'Arnold,
Peggy Shippen, liée avec des membres de l'armée anglaise.
Celle-ci ne supporte pas le poste subalterne de son époux et
l'encourage à trahir la Révolution. Les temps sont difficiles.
L'armée manque de tout. Arnold négocie la trahison de West Point
pour une somme de 20 000 £ et un haut rang dans l'armée anglaise.
Le major André sert d'intermédiaire, mais il est capturé et pendu.
Dans l'une de ses bottes, on avait trouvé la correspondance d'Arnold et
de Clinton. Nous arrivons à ce moment où Arnold doit fuir et
rejoindre l'armée britannique à New York. Tout ce pan des origines de la trahison de Arnold
est effacé de l'épisode. Ici, l'origine du geste posé par Arnold
est présenté comme une frustration de ne pas avoir eu le haut poste
qu'il attendait du Congrès Continental. De ce jour, il se serait uni
avec un certain David Rittenhouse dans le but de créer un
gouvernement secret. Washington apprend la nouvelle de la trahison de
Arnold alors qu'il est de passage et que Peggy le retient pour
laisser le temps à Arnold de se réfugier dans le camp anglais.
Washington fait une colère en apprenant la trahison de celui qu'il
considérait comme «un frère».
Lorsque Wyatt, Lucy et Rufus arrivent sur les lieux,
Flynn a déjà pris contact avec
Washington. en se faisant passer pour l'espion Austin Roe (qualifié à tort de
prussien) qu'il a assassiné. Afin d'échapper à
Wyatt qui le tient en joue, Flynn les menace de faire abattre Washington par ses hommes s'il le tue; en échange,
il leur offre une trêve. Il leur montre la lettre trouvée dans
l'épisode précédent et dissimulée dans une horloge mécanique et
signée de la main de Arnold révélant qu'il travaille moins pour
les Britanniques que pour David Rittenhouse. Flynn leur demande de l'aider
à s'emparer de Arnold et remonter jusqu'à Rittenhouse, le tuer afin
de mettre fin à la chasse dans le temps et révéler à Wyatt
le nom de l'assassin de sa femme. Dans un rare moment de solidarité, ils
parviennent à capturer Arnold – au prix de l'anachronisme du
meurtre de sang froid par Flynn de Cornwallis et de la réplique
cinglante adressée à Lucy qui s'insurge (Cornwallis devait signer
la paix d'Amiens avec Napoléon) : «
Ils en trouveront bien un
autre. Il n'y a rien de plus facile à trouver qu'un uniforme pour en
remplacer un autre». Autre anachronisme, Cornwallis n'était pas encore arrivé en Amérique au moment de la trahison
de Arnold. C'est avec le général Clinton que Arnold négociait la trahison de West Point. Flynn, Wyatt, Lucy et Rufus
décident de se faire
conduire par Arnold auprès de Rittenhose. Pour
le décider, Flynn lui dit que sa femme est détenue par Washington
et qu'il allait la pendre pour trahison s'il ne collaborait pas.
Le but de Flynn est de tuer Rittenhouse. Dans une
page arrachée au journal de Lucy, celle-ci apprend de sa propre
main, que Rittenhouse est à l'origine des plus grands carnages de
l'histoire américaine : la Trail of Tears (la
piste des
larmes, déplacement de plusieurs peuples amérindiens entre 1831
et 1838, le massacre de Jonestown, le siège de
Waco...)
Appelé à rencontrer Rittenhouse, le trio discute à savoir s'il
faut tuer de sang-froid Rittenhouse. Rufus et Wyatt sont décidés
mais Lucy hésite. Ils arrivent à la résidence de Rittenhouse. Ils rencontrent d'abord
son jeune fils, John, passionné par les mécanismes d'horlogerie
autant que son père est fasciné par le temps. Lucy qui l'interroge
se fait donner une leçon de politique qui est celle du père
transmise par la bouche du fils de 12 ans : Les paysans, comme
les aiguilles d'une horloge, sont
incapables de décider pour
eux-mêmes; ils ont besoin de quelqu'un pour les guider sous les
apparences d'une démocratie. La monarchie est devenue obsolète, aussi faut-il un
gouvernement démocratique derrière lequel des sages dirigeront le
véritable pouvoir de manière occulte. Les paysans n'ont pas à
décider pour eux-mêmes et, de toutes façons, ne seraient pas
capables de se gouverner. Pour Lucy, c'est là une «tyrannie
déguisée en démocratie». Sur cette leçon,
David Rittenhouse apparaît. Il devine
tout de suite que les quatre visiteurs sont venus pour l'assassiner.
Il avoue tout son mépris à Arnold et – second anachronisme sanglant – le
tue. Émerveillé par l'arme futuriste de Flynn, il est sur le point
de tuer Wyatt et Flynn et de violer Lucy, quand Rufus pénètre avec
un fusil et change la donne. Un combat s'en suit entre Flynn et Wyatt
contre les hommes de Rittenhouse. Flynn tue Rittenhouse et décide de
partir à la poursuite du garçonnet qui s'est évadé. Tandis que
Rufus et Wyatt le cherchent, Flynn le découvre, caché, mort de
peur, l'implorant de ne pas le tuer.
Flynn ne parvient pas à trouver immédiatement le
courage pour le tuer et quand, enfin, il s'y résout, Lucy s'interpose. S'engage alors une conversation sur la possibilité que
le fils puisse dévier de la voie de son père; qu'il est possible à
chacun de changer dans le cours d'une existence. Se produit alors un
changement majeur dans la personnalité de Lucy, celle-ci qui, depuis
le début contre Wyatt, défendait la fatalité du destin, avance à
Flynn qu'il est possible à chacun de changer dans le cours d'une
existence; qu'il pourrait très bien être un bon époux et un bon
père s'il retrouvait sa famille malgré les crimes qu'il a commis. Flynn refuse de se laisser
convaincre et quand il veut tuer John, il s'est de nouveau enfui.
Flynn prend colère et s'empare de Lucy : “
Je vous ai dit ce qui
était en jeu” et la tire par le bras à l'intérieur de sa
Timemachine. L'enlèvement de Benedict Arnold s'achève par
l'enlèvement de Lucy.
Certes, la trahison d'Arnold est une anecdote dans
l'ensemble de la guerre d'Indépendance américaine. Arnold se
réfugia auprès de Cornwallis qui lui donna à commander quelques
opérations mineures en Nouvelle-Angleterre, mais en fait, il faisait parti des bagages ramenés par l'armée lorsqu'il débarqua en
Grande-Bretagne. Sa femme alla le rejoindre un peu plus tard, une
fois la paix signée (1783). Il ne reçut pas les récompenses qu'il
attendait, pas plus qu'il n'avait réussi à se faire promouvoir à un poste de général par le
Congrès continental. En soi, l'assassinat de Cornwallis aurait eu
des effets plus importants au niveau historique que celui de Arnold.
Jamais l'intervention des voyageurs du temps n'a eu d'effets aussi
dramatiques sur le mythistoire. Le Arnold de Timeless est encore plus pathétique, car pire qu'un traître, il est le fantoche d'un dément. Le mythistoire est accentué sur son pôle négatif.
Le dixième épisode est peut-être le plus
politique de la série jusqu'à présent. D'une part, il montre le
vide d'ordre que laisse une situation révolutionnaire et la
possibilité qu'entre les belligérants se dresse une troisième
force qui entend s'imposer à travers les aléas de la lutte en se
maintenant dans une position en retrait. La résidence de Rittenhouse
est littéralement un État fasciste. Les Noirs y sont plus
maltraités que les esclaves des plantations. La mégalomanie de
Rittenhouse, son narcissisme, son
obsession nécrophile pour les
mécanismes complexes en font un psychopathe sadique. Semblable au
Kurtz d'
Au cœur des ténèbres de
Joseph Conrad, Rittenhouse entendrait profiter de la Révolution en vue d'ériger son propre royaume au
cœur des colonies britanniques en rébellion. Son interprétation de la tyrannie sous le couvert de la démocratie fait écho tout en la contredisant à l'opinion que Tocqueville se faisait de la démocratie américaine, pour qui la tyrannie résidait dans la consensualité de ses membres et non dans un pouvoir fort et dictatorial. Cette perversion de l'interprétation libérale de Tocqueville faite par un proto-fasciste, Flynn la perçoit
comme une sorte d'ADN maléfique inscrit dans le cours de l'histoire américaine
et qui serait la cause de tous les malheurs de cette histoire. Voilà pourquoi Flynn
se présente depuis toujours comme un «patriote» partageant les mêmes valeurs
morales que Lucy. Il s'agit, pour lui, de lutter contre l'action dissolvante que les générations de Rittenhouse font peser sur le rêve américain. Évidemment, la fin de l'épisode
sert la table pour la suite, mais, fait notable : pour la première fois l'équipe a travaillé de concert avec Flynn et nous voyons mal, à cette étape, en revenant sur le développement antérieur de l'intrigue principale, la logique de sa démarche (puisque c'est lui l'agent moteur de l'intrigue).
L'Histoire américaine est-elle un long complot qui
bondit de siècle en siècle, dans le but de conduire
la nation vers
un destin apocalyptique? Cette vision offerte converge avec le succès
des romans de Dan Brown dans lesquels défilent Illuminatis,
Opus Dei, Templiers, Rose-Croix et Francs-Maçons; ou encore des jeux vidéos
comme
Assassins Creed qui
ramènent, d'époque en époque, des croisades à la papauté des
Borgia puis à la Terreur révolutionnaire, l'opposition éternelle
entre Assassins et Templiers. Elle appartient aussi au temps où on
se plaît à décortiquer les symboles maçonniques sur le dollar
américain. L'humeur populaire projette ses fantasmes paranoïaques à
l'intérieur d'intrigues du genre qui dit que tous, nous sommes
gouvernés par des forces occultes maléfique. L'élection de
Donald Trump, et ceci est plus sérieux, entachée de manœuvres secrètes
russes, crée un précédent dans l'histoire américaine :
l'intervention étrangère dans le processus électoral du chef
suprême de l'État, ce qui n'était pensable que pour des pays
instables et sous domination coloniale. Ou, tout simplement, la
schizophrénie de l'histoire américaine ne se diviserait-elle pas
entre une nation bonne et une nation mauvaise, à l'instar de la
division des figures familiales archaïques telle que présentée
par Melanie Klein? L'Amérique bonne et l'Amérique mauvaise; le bon
Obama et le méchant Trump; l'Amérique saine et l'Amérique malade,
le peuple qui prie et le peuple qui tue?
THE WORLD'S COLUMBIAN EXPOSITION
Toujours mené par sa
haine de la dynastie des Rittenhouse, Flynn emmène Lucy à Chicago,
en 1893, à l'occasion de l'exposition mondiale célébrant la découverte de
l'Amérique par Christophe Colomb. Certains plans de la
reconstitution de l'événement montre l'attraction essentielle du
World's Fair, la
première grande roue. Wyatt et Rufus,
évidemment, se rendent à Chicago dans le but de récupérer Lucy.
Rufus refuse de continuer plus longtemps à servir d'espion pour
Rittenhouse au grand désarroi de Connor Mason. L'exposition, qui
dura du 1er mai au 30 octobre, fut l'occasion de visiteurs spéciaux.
Théodore Roosevelt y sera présent, ainsi que la féministe Susan B.
Anthony et Helen Keller, la jeune sourde, aveugle et muette. Lorsque
Wyatt et Rufus arrivent sur les lieux, ils pensent d'abord à
surveiller les alentours de la loge présidentielle. Mais Flynn, comme toujours,
poursuit un autre but.
Flynn veut se faire
aider par Lucy à placer une bombe dans une chambre scellée où
doivent se rencontrer trois principaux personnages appartenant à
Rittenhouse : Thomas Edison, Henry Ford et J. P. Morgan. Pour
entrer dans cette pièce fermée par plusieurs serrures, Flynn ne
trouve rien de mieux que de kidnapper le magicien Harry Houdini,
alors peu connu du public. Pour se débarrasser de Wyatt et de Rufus,
Flynn les envoie se perdre dans un endroit sinistre, l'hôtel
propriété d'un certain docteur Henry Howard
Holmes à
qui il a donné de l'argent pour faire disparaître les deux hommes.
Cet hôtel, qualifié depuis de
Château de l'horreur, comprend la pharmacie
où travaille Holmes et une série de magasins, alors que les deux
étages du dessus abritent le bureau de Holmes, ainsi que plus de
cent chambres sans fenêtres, avec des portes s'ouvrant sur des murs
de briques, des couloirs avec des angles étranges, des escaliers ne
menant nulle part, des trappes, des portes s'ouvrant seulement de
l'extérieur, des tuyaux d'arrivée de gaz, ainsi qu'une quantité de
constructions étranges et labyrinthiques. Pour ériger cet édifice
digne de l'esprit géométrique tortueux de Escher, Holmes change
plusieurs fois de constructeurs afin d'être le seul à comprendre
exactement la disposition de la maison. Wyatt et Rufus se retrouvent
donc pris dans l'une de ces chambres sans issue avec l'architecte
diplômée, Louise Blanchard Bethune - qui participe à un concours
dans le cadre du
World's Fair – et
qui a fait le M.I.T. Lorsque Rufus lui dit qu'il a également fait le
M.I.T., elle lui avoue qu'elle n'y connaissait qu'un membre
afro-américain : Robert Robinson Taylor.
Pendant ce temps, Lucy
entraîne Houdini dans un guet-apens mené par Flynn. Ce dernier se
sert du magicien pour entrer dans la pièce où doivent se rencontrer
Edison, Ford et Morgan. Il voudrait placer la bombe lorsque les trois
célébrités entrent prématurément dans la pièce. Flynn
s'aperçoit alors que
Houdini lui a substitué son arme à feu et
qu'il l'a enchaîné. Les trois hommes sont poussés dehors par les
Pinkertons tandis que Houdini s'esquive pour débarrasser Lucy de
l'homme placé pour la surveiller. Plus tard, Flynn parviendra à
s'échapper en désarmant puis abattant froidement les deux policiers venus s'emparer
de lui.
Comme Flynn a révélé
à Lucy que ses amis se trouvaient prisonniers au Château de
l'Horreur, elle s'y rend en compagnie de Houdini. La pièce fermée
contient, outre Wyatt et Rufus, Mrs Bethune et un client de l'hôtel.
La pièce se prive peu à peu d'oxygène et il ne semble y avoir
aucun moyen de sortir de l'endroit. C'est en appelant à travers une
brique neuve que la voix de Wyatt alerte Lucy qui, avec l'aide
d'Houdini, libère les quatre prisonniers. Wyatt tient à capturer
Holmes, qui se dissimule dans le Château. Laissée à elle-même,
Lucy découvre en regardant un portrait au mur que Holmes est le
prétendu client enfermé dans la pièce avec ses équipiers. Celui-ci arrive au bon
moment pour l'enlever et la séquestrer au sous-sol. En «cuisinant»
le gérant de l'hôtel,
Wyatt et Rufus se portent à l'aide de Lucy.
Celle-ci est allongée
sous une trappe du four crématoire et Holmes s'agite, se sentant
trahi par Flynn. Plutôt que de prendre panique, Lucy se met à se
répéter la phrase que lui avait conseillé Houdini : penser à
s'évader. Elle mise sur l'esprit superstitieux de Holmes pour
rappeller les détails de l'enfance de Holmes et le tient par la
suggestion. Elle lui promet un grand avenir puisqu'elle sait son
passé. Wyatt et Rufus parviennent à les retrouver et Wyatt menace
Holmes de le tuer de sang froid s'il n'acceptait d'indiquer aux
familles l'endroit où étaient ensevelis ses victimes. Il demande à
Lucy si Holmes accomplira sa promesse devant le Tribunal. Après un instant
d'hésitation, elle répond que Holmes en profitera seulement pour
faire son théâtre, ce qui précipite un geste de Holmes et Wyatt
l'étend, roide mort. Revenu au laboratoire de Mason, Rufus
enregistre un message à livrer à Rittenhouse le sommant de cesser
de le menacer, lui et sa famille. Connor Mason, qui tremble devant
Rittenhouse, lui demande comment il pensait menacer Rittenhouse,
Rufus lui répond : «Après ce que j'ai vu aujourd'hui, plus
rien ne m'effraie».
Le onzième épisode de
Timeless présente sans doute
l'une des intrigues les mieux ficelées car il est vif, alerte et
rempli de suspens. On
insiste beaucoup sur l'anachronisme du concept de serial
killers – concept qui
n'existait pas à l'époque -, et de la personnalité trouble de
Holmes. Mais Holmes n'était pas l'un de ces tueurs psychotiques et
désintéressés. Comme Landru plus tard, Holmes tuait surtout des
femmes dont il tirait les primes d'assurance-vie en usant de faux
noms. Son hôtel était véritablement une construction de
Barbe-Bleue. Ses victimes travaillaient d'abord à l'hôtel ou alors
il leur servait de tuteur. Parfois, c'était l'une de ses épouses,
car Holmes était polygame. Les victimes étaient enfermées dans des
chambres insonorisées munies de lignes de gaz, ce qui permettait de
les asphyxier lorsqu'il le voulait. D'autres victimes étaient
enfermées dans un énorme coffre-fort insonorisé, près de son
bureau, où elles étaient condamnées à suffoquer à mort. Le corps
des victimes était directement jetés par une chute secrète vers le
sous-sol où certains étaient méticuleusement disséqués,
écorchés, puis transformés en modèles de squelettes pour ensuite
être vendus à des écoles de médecine. Holmes pratiquait également
la crémation – ce que découvre Rufus en ouvrant la porte de la
fournaise -, il avait également, comme plus tard Jeffrey Dahmer, des
bacs remplis d'acide, de bouteilles de différents poisons et un
appareil de torture servant à étirer le corps.
En
tuant Holmes l'année même où il inaugure son hôtel, en 1893,
Wyatt modifie le cours de l'Histoire, Holmes n'étant arrêté, à
Boston, qu'en novembre 1894. L'hôtel fut perquisitionné, ce qui
permit de connaître comment Holmes enlevait ses victimes et les
faisait disparaître. L'hôtel passa au feu, le 19 août 1895. On
estime le nombre des victimes de Holmes entre vingt et cent, avec une
possibilité de deux cents. L'écart entre les
chiffres est attribué précisément à l'Exposition
universelle de 1893 à laquelle un grand nombre de personnes
assistèrent, mais dont certaines, ne revinrent jamais. Selon la
police, le nombre exact serait de 27 victimes, bien que les
corps retrouvés étaient dans un tel état de démembrement et de
décomposition qu'il fut difficile d'évaluer avec exactitude le
nombre exact. Parmi elles, on dénombre en majorité des femmes
blondes, mais aussi des hommes et des enfants. Holmes avait tué
également ailleurs qu'à Chicago : à Indianapolis et Toronto
notamment. Les journaux de William Randolf Hearst payèrent Holmes
pour le récit de ses mémoires, mais Holmes étant un menteur
pathologique, il reste difficile de distinguer le vrai du faux. Quoi
qu'il en soit, il fut pendu le 7 mai 1896 à la Prison de
Moyamensing, en Pennsylvanie. Comme le cou ne se fractura pas au
moment de la chute, il mit plus de 15 minutes à mourir.
Houdini et
Holmes (dont le vrai nom était
Herman
Webster Mudgett) apparaissent ici comme un doppelgänger l'un de l'autre.
Les deux sont fascinés par des pièces étroites, closes, où
l'atmosphère se vide rapidement et dont il faut avoir l'adresse d'un
singe pour s'en libérer. Holmes est la face obscure de Houdini,
comme Flynn l'est de Wyatt. Seul Houdini peut ouvrir les portes du
Château de Holmes. La sérénité de l'un est l'envers des obsessions morbides de l'autre. L'épisode a tout des recettes des
vieux contes gothiques du XVIIIe siècle, tels Le
château d'Otrante
d'Horace Walpole ou du Moine
de
Lewis. Preuve que les meilleures recettes font toujours de bons
succès. À la fin, Wyatt reçoit d'ailleurs un appel téléphonique
de Flynn qui lui révèle le nom de l'assassin de sa femme, Wes
Gilliam, et de l'endroit où il est détenu. Comme il avait divisé
le groupe en enlevant Lucy, il le divise cette fois en focalisant
l'esprit de Wyatt sur son obsession de ramener Jessica.
THE MURDER OF JESSE JAMES
Les voyages dans le
temps, lorsqu'ils sont le produit de la télévision américaine, ne
peuvent éviter de rencontrer les «méchants» du Far-West. Dans
Time Tunnel, les voyageurs du
temps se trouvaient confrontés à Billy the Kid; il devenait donc
naturel que le trio de Timeless rencontre
Jesse James.
On
sait tous que Jesse James (1847-1882) et ses frères furent
d'audacieux voleurs de banques. Anciens soldats des armées
confédérées, démobilisés après la guerre; pendant quinze ans
les membres du gang des frères James s'en prirent aux diligences,
aux trains, aux banques, bref, partout où il y avait de l'argent à
voler. Audacieux et gachette rapide, en
1881, Jesse, pinkertons et shériffs aux trousses, dut fuir à
Saint-Joseph, au bord du Missouri, où il loua une maison pour lui et
sa famille afin de mener une petite vie bien tranquille. Mais le
gouverneur Thomas T. Crittenden avait offert une prime de $ 10 000
pour sa capture, mort ou vif. C'est alors qu'il fut trahi par des
membres du gang, les frères Charles et Robert Ford, avides de
renommée et de la récompense. Le 3 avril 1882, Robert Ford tua Jesse James par derrière d'une balle dans le dos alors qu'il
redressait un portrait marqué Home sweet home!
L'intrigue commence ce 3
avril 1882, lorsque les frères Ford s'apprêtent à tirer Jesse
James pendant
qu'il passe le plumeau sur un tableau suspendu au mur.
Ils sont très vite abattus par Flynn qui vient réquisitionner James
pour l'aider à pénétrer en territoire indien et récupérer un
trésor lié à sa «cause» dont il lui dit peu de choses.
Jesse James est présenté ici comme un assassin psychopathe qui
prend plaisir à tuer froidement. Attablés dans un saloon,
Flynn et James discutent. James avoue qu'au début de sa carrière, il tuait
sous l'uniforme de l'armée, puis, lorsque la guerre fut perdue, il
continua à tuer. Que la mission dont il se justifiait servait
uniquement à dissimuler le fait qu'il aimait tuer, et qu'il
reconnaissait en Flynn ce même goût du sang. Flynn tire alors un gousset de
pièces d'or qu'il remet à James. Satisfait, pragmatique mais
crâneur, il se lève et abat deux marshalls venus l'arrêter. On le
verra de même ayant abattu quelques Amérindiens dont lui et Flynn
profanent le territoire. On est assez loin du personnage tant de fois
repris au cinéma et à la télévision, qui présentait Jesse James
plutôt comme une sorte de Robin Hood perdu dans les prairies de
l'Ouest américain.
Évidemment, Rufus,
Wyatt et Lucy arrivent trop tard chez Jesse James et découvrent les
corps des frères Ford. Dès lors, ils savent que l'Histoire est en
train de changer. Pour les aider à le pourchasser, ils quémandent
l'aide d'un héros de fiction, le Lone Ranger.
Ce personnage, totalement fictif, serait apparu dans un feuilleton
radiophonique écrit par Fran Striker en 1933. Ancien Texas
ranger masqué, il se bat,
accompagné d'un métis appelé Tonto, rusé et laconique,
repris dans l'épisode de Timeless, sous
le nom de Grant Johnson qui s'indignera lorsque Rufus l'appellera Tonto, qui veut dire idiot ou crétin en espagnol. Les
sources de cette fiction sont multiples mais les concepteurs de
Timeless ont préféré
s'en tenir au personnage de Bass Reeves (1838-1910), le premier
marshal noir, campé en Oklahoma, ce qui fait l'heureuse surprise de
Rufus. Même si Jesse James et Bass Reeves sont contemporains, il
semblerait que leurs routes ne se soient jamais croisées. Flynn n'a
donc point à intervenir pour donner des faits alternatifs
à l'Histoire des États-Unis :
nous savons que les concepteurs de Timeless l'ont fait avant lui.
Les états d'âme de nos
trois voyageurs pèsent lourdement sur le déroulement de l'intrigue
tant ils sont dévorés par leurs dilemmes personnels. Lucy est
dévorée de culpabilité lorsqu'elle rêve que sa sœur lui reproche
d'avoir oublié son anniversaire. Ayant rencontré l'assassin de sa
femme en prison, Wyatt ne pense qu'à retourner dans le passé pour
la sauver et faire disparaître son assassin qui a tué également
deux autres femmes. Rufus se fait dire par Mason qu'il a choisi le
camp de Rittenhouse, son pourvoyeur, et entraîne Jiya à piloter la
navette pour le remplacer éventuellement. Durant la mission, Lucy
semble absente à ce qui se passe autour d'elle; Wyatt projette sur
Jesse James le goût qu'il a de tuer l'assassin de sa femme, ce que
tente de contrôler Reeves. Ici, Rufus et Wyatt sont, comme dans
l'épisode de Castel Varlar, fascinés par un personnage de fiction
plus que par le personnage réel.
Rassemblés autour d'un
feu de camp, les trois voyageurs ruminent leur passé récent. Rufus
avoue le malaise qu'il ressent depuis le meurtre qu'il a commis à
Houston. Il ne comprend pas l'insistance de Wyatt à vouloir tuer
Jesse James comme étant nécessaire et moral. Lucy reste enfermée
dans son mutisme. Wyatt veut convaincre qu'il faut absolument tuer
Jesse James, Bass Reeves, au contraire, apparaît comme un shériff
calme et froid, mené par son devoir de faire respecter la loi. S'il
capture Jesse James, il le ramènera vivant pour le mettre en prison.
Autant Wyatt considère son devoir de tuer James, même de
sang-froid; autant Reeves considère le sien dans le fait de faire respecter
la loi : «
Who the hell ever said easy and right were the
same thing?». Rufus demande à Bass Reeves pourquoi, après avoir été
délivré de la plantation, s'est-il mis au service de la loi qui
définissait sa condition marginale? Reeves lui répond que la loi n'est pas
parfaite, mais qu'elle est mieux que rien, car sinon comment
ferait-on pour vivre sans loi? Autant il est facile de tuer, autant
cela demande d'efforts de civiliser.
Comme dans un western
classique, il s'agit donc d'une poursuite dans la neige et les
forêts. Arrivés à une
log cabin où pend une corde
et une carcasse, Flynn et James sont reçus à coups de fusil. Flynn
parvient à modérer la femme qui ajuste l'arme et à entrer, seul,
dans la cabane où se trouvent, dispersés, des ordinateurs et des
appareils informatiques. La femme, qui tient seule la maison, est une
ancienne pilote de la
Timemachine,
Emma Whitmore, qui, avec la
complicité d'Anthony Bruhl, s'est faite passer pour morte afin d'échapper
à l'emprise de Rittenhouse. C'est pour cette raison que Flynn est
venue la recruter. Le
trésor, c'est Emma, dont on apprend
l'histoire à travers une clef USB subtilisée par Jiya. Flynn veut
la convaincre de venir l'épauler dans sa lutte contre Rittenhouse.
Emma le prévient qu'il ne sait encore rien de ce que Rittenhouse
peut représenter comme menace, toutefois, elle l'accompagnera.
Au moment de se séparer
de Jesse James, après lui avoir remis le second versement de la
bourse, le bandit le menace en lui réclamant l'arme à répétition
qu'il cache dans son étui. Flynn est obligé de lui
donner mais
l'informe que l'homme qui le suit est Bass Reeves, un shérif (noir,
et ici il faut se souvenir que Jesse James était soldat pour la
Confédération). Flynn et Emma prennent la direction de la
Timemachine tandis que Jesse attendra près de la cabane
l'arrivée des voyageurs. Lorsqu'ils arrivent à la cabane, ils
découvrent les appareils dont Reeves et Grant ignorent à ce qu'ils
peuvent servir. C'est alors que Jesse James poivre la cabane d'une
rafale de mitraillette. Grant (Tonto) est tué, mais Wyatt parvient à
contourner Jesse James et le blesse. Il le tient en joue pour le tuer
lorsque surgit Reeves qui tient les deux hommes en joue. Jesse James
se défait de son ceinturon pour se rendre, mais, reprenant là où
l'histoire a été interrompue, il est abattu d'une balle dans le dos
tirée ...par
Lucy. Pour la première fois, elle sauve l'Histoire en
commettant un meurtre. Jusqu'à présent, Wyatt et Rufus avaient été
les seuls à être tourmentés par des meurtres. Cette fois, Lucy
décide froidement d'abattre le bandit, tel est le prix à payer pour restaurer l'Histoire.
La fin passerait
finalement pour ironique. Déroulant l'écran de sa tablette, Lucy se
voit dans une photo d'époque la montrant bien en évidence près du
cadavre de Jesse James. Lorsque Reeves lui remet le montant de la
récompense, elle le refuse et voudrait le donner à la famille de
Grant Johnson. Reeves, qui considère avoir failli à sa mission, lui
tourne le dos. Sa rectitude légale est exemplaire lorsqu'on sait la
facilité avec laquelle les shériffs de l'Ouest se laissaient
corrompre! Attablés à un bar, Wyatt et Rufus discutent.
Wyatt avoue que durant son enfance, il suivait les western, ses héros
étant personnifiés par Gary Cooper et John Wayne. Il se demandait
comment il était possible que des individus puissent incarner une
telle force de caractère. L'expérience du combat l'a vite
désenchanté et n'y croyait plus, jusqu'à la rencontre de Bass
Reeves. De tels individus pouvaient exister, soupire-t-il :
«“Maybe
killing shouldn’t be an everyday thing,” Rufus tells Wyatt.
“Maybe it should be harder for the good guys». Wyatt avait
rencontré l'assassin de Jessica, Wes Gilliam, aussi demande-t-il
l'aide de Rufus afin de subtiliser la navette et remonter le temps
pour empêcher l'existence de Gilliam qui l'avait bien reconnu en
disant : «Je sais exactement qui tu es, Wyatt Logan. Et je sais
aussi qui est Jessica. Et si je pouvais changer les choses, je le
voudrais que je ne le pourrais pas. Ni toi non plus», et Wyatt de
murmurer : «Pas si je dispose d'une machine à remonter le temps». La fin
de l'épisode met ainsi la table pour le prochain.
KARMA CHAMELEON
Wyatt
met en scène l'enlèvement de Rufus et le vol de la navette pour se
retrouver le 19 mars 1983 dans une halte routière afin d'empêcher
la conception du tueur de sa femme.
Timeless a toujours été avare des principes physiques qui permettent le
voyage dans le temps, sinon la règle la plus importante, qui
consiste à ne pouvoir revenir à un point dans le passé où les
membres de l'équipe étaient déjà nés et pourraient se
rencontrer. Cela signifie que Wyatt ne peut sauver directement
Jessica, son épouse, tuée par Wes Gilliam, un tueur en série. Le
mieux qu'il peut faire, c'est remonter en 1983 et empêcher les
parents de concevoir Gilliam.
Lucy et Wyatt se sentent
frustrés, Lucy de retrouver Amy effacée de l'histoire et Wyatt
de sauver Jessica. Superpuissants face aux temps lointains, ils se
sentent diminués d'avoir à leur disposition un engin qui pourrait
sauver les leurs. Wyatt se sentirait-il grisé par le pouvoir que lui donne la
Timemachine? Voilà pourquoi décide-t-il de prendre en main
les opérations.
Wyatt, contrairement à Lucy et
Rufus, n'a pas de famille et semble ne pas avoir de vie non plus. Son
obsession se porte à ramener Jessica, sa femme, dont il se sent
coupable de la mort. Nouvel Orphée, après avoir effectué quelques
recherches, Wyatt a-t-il appris que l'homme supposé être le tueur
de sa femme serait le résultat
d'un one night stand entre
un barman
d'une
halte routière d'Ohio, Joel, et d'une hôtesse de l'air nommée
Claire Gilliam. Étant leur seule rencontre, le meurtrier serait né
neuf mois plus tard. Wyatt décide donc que la meilleure façon
d'empêcher les meurtres serait d'éviter la conception du tueur. Il s'agit donc d'éloigner, par tous les moyens - sauf le meurtre que lui interdit formellement Rufus - Claire de Joel. La
ruse est simple mais Wyatt aura à s'en mordre les doigts.
À
l'origine, les concepteurs de la série Timeless
n'avaient
prévu que 13 épisodes et Karma
Chameleon devait
servir de final, aussi l'épisode se ressent-il de cette fin détournée. Karma
Chameleon fut
le grand succès de la music-pop de 1983, pourtant on n'en entendra
pas une seule note comme musique de fond. Le titre de Boy George et
du Culture Club n'est qu'une allusion à ce chassé-croisé dans un
hôtel où des voyageurs sont prisonniers d'une tempête qui balaie
la région. Outre les hôtesses de l'air et le barman, on y retrouve
un passager insistant et un shériff légèrement blessé qui surgit
de la tempête. Tous ces personnages, évidemment, viennent interférer dans le projet de Wyatt.
Lucy, qui
est restée à San Francisco – c'est-à-dire chez Mason Industries – a été
informée du coup par Wyatt. Tant qu'à Flynn, il a logé le vaisseau
principal à Oakland où Anthony et Emma l'accompagnent. De celle-ci,
ils apprennent que les plans de Rittenhouse consistent à trafiquer
l'histoire américaine afin de reconstruire le monde selon les
principes des pires utopies de Huxley et de Orwell. Flynn veut
continuer le combat et empêcher Rittenhouse de récupérer son
vaisseau; Anthony suggère de le détruire, ce qui n'est pas du goût
de Flynn qui tient à sauver sa famille.
La
seule dimension historique de l'épisode est la
couleur locale de
la halte routière de l'Ohio. Dans ce huis clos, Joel et Claire se
retrouvent avec Wyatt et Rufus, puis d'autres voyageurs bloqués par
le mauvais temps. Pour
Rufus, cela apparaissait un bon plan, sachant que Gilliam avait été
conçu lors d'un one
night stand, de
prévenir à long terme le meurtre de Jessica et de deux autres
femmes. Il suffisait de séparer le couple sans user d'aucune
violence. Il pouvait même se sentir justifié d'aider Wyatt. Pour
lui, finalement, comme il le dit en faisant référence au film
célèbre de l'époque, ce ne serait qu'une version de Back
to the future... Comme
toujours, les seules références culturelles de Rufus restent la
culture populaire américaine.
Rufus
passera sa soirée accoudé au bar à retarder Joel en buvant un
daiquiri banane, puis quelques Galaga; à regarder Manimal
à la
télé, courtisé par une fille qu'il écarte, justifiant à Joel
qu'elle ressemble trop à Olivia Newton-John. En disant qu'il
préférait rester à jaser au bar avec lui, un équivoque surgit à l'esprit de Joel. Le tout se termine avec une recette du barman :
un Haley Joel Osment quip. Pendant ce temps, Wyatt essaie de séduire
Claire pour qu'elle ne tombe pas dans le lit de Joel.
Le plan est contrarié dès le départ. À plusieurs
reprises Rufus devra intervenir pour sauver Wyatt du mauvais kharma qui lui tombe dessus. Chaque fois qu'il essaie de distraire Claire
survient un impair : d'abord Joel, puis un passager insistant
rencontré sur le vol, enfin les hôtesses de l'air à qui Wyatt
avait demandé à l'aéroport où trouver Claire, qu'il disait
connaître. Dès lors, le plan s'effondre. Agressé par le passager,
Wyatt est arrêté et menotté par le shériff. À partir de ce
moment, Joel et Claire sont en voie de passer à l'acte.
Rufus
intervient, permettant à Wyatt d'immobiliser le shériff. Wyatt
décide d'enlever Joel. Il se rend à la chambre de Claire, menace
Joel de son arme et le sort de l'hôtel pour le retenir jusqu'au
matin. Mais, sous l'ondée, dans le stationnement, après une
tentative d'évasion,
Joel tombe au sol et se fracture le crâne sur
un dos d'âne et meurt. De retour à la navette, Wyatt se sent coupable de la mort de Joel –
ce qui lui arrive rarement -, mais se console des mots de Rufus qui
lui rappelle qu'il vient de sauver la vie de trois femmes, dont la
sienne. Aussitôt revenu au laboratoire, les
fédéraux arrêtent
Wyatt qui implore Lucy de lui annoncer si son épouse, Jessica, est
vivante. Or, rien n'a changé. Gilliam avait bien tué les deux
premières femmes qui sont sauves, mais pas Jessica. Gilliam n'en
était donc pas le meurtrier.
Entre-temps, la rencontre de Anthony et de Lucy se conclut par un
aveu. Anthony lui révèle que Rittenhouse est un long complot qui,
au cours du temps, à consister à lutter contre les politiciens les
plus avancés de l'histoire américaine et que le groupe compte sur
l'utilisation du vaisseau pour déstabiliser l'histoire en s'en prenant à des hommes comme J.-F. Kennedy et Martin Luther
King. Voilà pourquoi il aurait voulu conclure un accord avec Rufus :
il détruirait la navette tandis que Rufus détruirait le prototype.
Comme Rufus est absent, c'est Lucy qui doit donner sa parole. Elle
obtint l'aval de l'agent Christopher qui lui montre les photos prises
de Connor avec un inconnu; Lucy y reconnaît Cahill, son père.
Anthony annonce à Lucy l'heure où il fera sauter la navette.
À
l'heure précise, il y a bien une explosion à Oakland, mais aucune
trace de la navette. À la place, on y trouve le cadavre de Anthony,
tué de deux balles à bout portant. Une fois le vaisseau revenu et
Wyatt arrêté, Lucy se rend à la résidence de Cahill, ce
père devient soudainement un être chaleureux de retrouver sa fille,
lui annonçant qu'elle porte en elle le sang des Rittenhouse, ce dont
elle n'a «rien à avoir honte».
THE
LOST GENERATION
L'épisode
commence par un affrontement entre Cahill et Lucy, interrompu à la
fin de l'épisode précédent. De retour au laboratoire, Lucy révèle
à l'agent Christopher qu'elle est la fille de Cahill et qu'en elle
coule le sang des Rittenhouse. Lucy se demande s'il ne vaudrait pas
mieux laisser Flynn mener à bout son projet, mais Rufus s'objecte en
rappelant que Flynn est là pour tuer des gens et qu'il faut
l'arrêter. Pendant ce temps, Wyatt est enfermé dans une cellule,
c'est alors qu'on le remplace par
David Baumgardner, son ami du Delta Force tenu en réserve depuis
l'épisode de l'Alamo.
Il faut se rendre cette fois en France – seconde fois que la
Timemachine se
retrouve hors des États-Unis -, pour le 21 mai 1927. Flynn et Emma y
attendent l'arrivée du Spirit of Saint-Louis piloté
par Charles Lindbergh, lors du premier vol transatlantique. Ils
parviennent à tirer une roquette et abattre l'avion avant son
arrivée au Bourget, à Paris. Ils y capturent Lindbergh, légèrement blessé, et
l'emmènent avec eux.
À
peine arrivés sur les lieux de l'écrasement du Spirit of
Saint-Louis, le trio y rencontre
un journaliste, le jeune Ernest Hemingway, qui travaille alors pour
un journal de Toronto. Identifiant un bout de cigare de La Havane
laissé sur les lieux, il se propose de guider les trois voyageurs
dans Paris, à l'endroit le plus susceptible de retracer ceux qui
figurent sur les photos de Flynn et Emma : le Dingo Bar. Il
s'agit du Paris des Années folles, les
Roaring Twenties comme
on les appelle aussi; ce Paris où ces jeunes Américains qui avaient
connu la Première Guerre mondiale, se définissaient comme la
Génération perdue (the Lost Generation) parmi lesquels Hemingway et
F. Scott Fitzgerald, fréquentaient le salon de Gertrude Stein où
s'y rencontraient les célébrités de l'époque. Lucy en reconnaît
quelques uns attablés : Picasso, Scott et Zelda Fitzgerald et la vedette
de la soirée, Josephine Baker, the Black Venus, comme
ses admirateurs l'appelaient. Ici nous revenons à la préoccupation, un temps délaissé, de la couleur
locale du roman historique et le
nouveau pilote, Dave Baumgardner, se révèle on ne peut plus ignare lorsqu'il demande à Lucy qui est Joséphine Baker! Celle-ci lui
répond d'ailleurs : «She's the biggest entertainer in the
country at the moment. Think Beyonce 1927». Il paiera de sa vie sa
sottise, s'étant muni d'une arme à feu de l'époque, il tombe sous
la rafale de mitrailleuse de l'émissaire de Flynn qui accompagne
Emma venue acheter une bouteille de Bourbon. Pour la première fois,
Lucy et Rufus se retrouvent seuls dans le passé, accompagné de cet
alcoolique invétéré qu'est Hemingway.
Réfugiés dans l'appartement de Joséphine Baker, celle-ci devient
le pivot temporaire des discussions entre les personnages.
Lucy lui
confie son désarroi lorsqu'elle se présente comme enseignante,
s'étant toujours appuyée sur les faits qui lui apparaissaient si
solides, si concrets, pour s'apercevoir finalement qu'ils sont comme des sables mouvants et que rien ne tient. À l'époque où Kellyanne
Conway, la porte-parole du président Trump, travestit la vérité en
«faits alternatifs» quand elle ne les invente pas tout simplement,
le dialogue prend une saveur d'actualité. En retour, Joséphine
explique que lorsque Ernest parle de la Génération perdue, «
he
doesn’t mean aimless, he means battered, broke down, but getting
ready to stand back up. There’s a difference».
Lucy
et Rufus se retrouvent, en compagnie de Hemingway au
lieu supposé avoir été amené Lindbergh. Alors que Rufus conduit à
l'extérieur Hemingway qui va vomir, Lucy est enlevée par l'homme de
main de Flynn. Ce dernier lui explique que Lindbergh est un agent des
Rittenhouse, et qu'après l'épisode du Spirit of Saint
Louis, deviendra un habile
promoteur du nazisme en Amérique. Lucy s'oppose à ce que Flynn
abatte Lindbergh et l'implore de lui laisser une chance de le
convaincre de se «retirer de l'histoire». Comme elle, le jeune
Lindbergh lui avoue qu'il n'a découvert que récemment qu'il
appartenait au clan Rittenhouse et lui demande comment il pourrait
éviter de porter le fardeau que son pèse, sénateur, fait peser sur
lui. Il lui avoue qu'il aimerait mieux posséder une ferme pour la
cultiver avec sa femme et ses enfants. Lucy lui dit que puisqu'on le
croit mort, il pourrait disparaître discrètement et se perdre dans
la nature pour recommencer une nouvelle vie.
Pendant ce temps, Rufus est en panique lorsqu'il constate la
disparition de Lucy. Après la mort de Dave et la disparition de
celle-ci, Hemingway lui offre son flask, mais Rufus le rejette avec
dédain; Hemingway lui lance alors : «You're not dead yet so
drink and fight and screw for everyone who can't."», appuyant
le sens que Joséphine donnait à Lucy de la Lost Generation. Il lui
rappelle ainsi que des millions de soldats reposent sous leurs pieds,
tués pendant la guerre, et qu'il faut jouir de la vie pour chacun
d'entre eux et se redresser pour combattre. Rufus prend deux gorgées
et ils retrouvent leur courage. Arpentant l'ossuaire, l'homme de main
de Flynn s'apprête à tuer Rufus, mais Hemingway le jette à coups
de poings mimant un match de boxe. Ceux-ci parviendront à libérer Lucy et Lindbergh pour
s'enfuir. Lorsque Emma s'interpose, Rufus lui offre de les suivre ou
de les laisser passer, lui rappelant comment Flynn traitait ses
pilotes (faisant allusion au meurtre d'Anthony).
En 2017, le laboratoire est pris en charge par la National Security
Agency, qui sont en fait des hommes de Rittenhouse, qui congédient
l'agent
Christopher. Celle-ci fournit un moyen à Wyatt de se
délivrer de sa cellule. Lorsque la navette revient de 1927, Lucy et
Rufus sont étonnés de voir le changement de personnel. Ils
comprennent alors qu'il s'est passé un coup de force en leur absence
et tout le complexe est passé entre les mains de Rittenhouse. Cahill
avoue à Connor Mason qu'il est le père de Lucy. Finalement, l'agent
Christopher donne rendez-vous à Rufus, Wyatt et Lucy en un lieu
secret pour trouver un moyen de venir à bout de cette force
maléfique qui détient maintenant le prototype de la
Timemachine.
Peu
avant, de retour chez elle, feuilletant les livres d'histoire, Lucy
s'aperçoit que Lindbergh était revenu de son escapade malgré la
promesse qu'il lui avait faite chez Joséphine Baker d'aller
s'établir à Bordeaux. La mère de Lucy lui explique que le goût de
la célébrité et de la gloire l'avait sûrement emporté sur sa
première décision et qu'il était devenu, en effet, le porte-parole
du nazisme aux États-Unis. Celle-ci lui remet alors un cadeau qui se
trouve être le journal marqué de ses initiales. Le même que lui
brandit sous le nez Flynn chaque fois qu'ils se rencontrent depuis le
premier épisode. Cette fin annonce que la prédiction
de Flynn au premier épisode est sur le point de se réaliser.
PUBLIC ENEMY NO. 1
La nouvelle équipe de la N.S.A. au service de
Rittenhouse et commandé par l'agent Neville demande à Lucy et Rufus
de conduire un tueur à gages le 3 mai 1962 à Houston, au Texas,
afin de tuer Maria Tompkins, la future mère (âgée alors de 17 ans) de Garcia
Flynn. Neville considère que le meilleur moyen de se débarrasser
une fois pour toute de Flynn est d'assassiner sa mère avant sa
naissance. Lucy et Rufus, indignés du stratagème, commencent par
refuser mais les menaces de trahison les obligent à embarquer le
tueur et se rendre à Houston. Toutefois, au moment de
l'arrivée, Rufus décoche une flèche qui drogue le tueur et ramène
la Timemachine en 2017, à un lieu de rendez-vous où les
attendent Wyatt et l'agent Christopher. Wyatt promet qu'on se servira
de la navette pour chercher la sœur de Lucy lorsque Rufus apprend
que la navette principale de Flynn vient de se déplacer à Chicago
en 1931. Wyatt parvient à convaincre son équipe de se lancer à sa
poursuite.
Avant de partir, Rufus avait confié un smartphone à Jiya
afin de rester en communication avec elle car il a injecté un virus
qui paralyse le système central de communication de Mason Industries. Il lui demande de
retarder Connor Mason le mieux qu'elle pourra, mais elle est vite
découverte et enfermée dans une pièce close du complexe. Prenant
les choses en main, le trio se retrouve à Chicago le 24 octobre 1931
au moment où, au lieu d'être condamné pour fraude fiscale, Al
Capone, l'ennemi publique numéro 1, sort acquitté du tribunal. Lucy
comprend tout de suite que quelque chose ne va pas. Elle trouve sa
réponse lorsqu'elle voit Flynn accompagner le gangster. Flynn a en
effet livré les documents incriminant
Capone afin de confondre
«
l'honorable juge Wilkerson» : les livres comptables de Leslie
Shumway qui devaient servir de preuve dans le procès du fisc
américain contre le boottleger. En retour, il demande qu'on lui
livre le maire corrompu de Chicago qui appartient au groupe de
Rittenhouse.
Lucy, Rufus et Wyatt rejoignent alors
Eliot Ness qui
apparaît comme une brute lorsqu'il assène un coup de poing gratuit
à un journaliste qui lui posait une question – ils se
présentent sous les noms des vedettes du film
The Untouchables :
Wyatt sous le nom de Connery, Lucy de Costner et Rufus, leur
chauffeur, sous le nom de Robert DeNiro. Les trois voyageurs
se disent envoyés par William Randolph Hearst, le magnat de la
presse, pour enquêter sur Flynn promu l'un des gangsters les plus
notoires de San Francisco.
Ils
informent Ness que Flynn a sûrement donné des renseignements
cachés à Capone. Ils décident donc de faire cause commune. Mais
cette belle association dure peu car un tueur envoyé par Capone
mitraille à mort Eliot Ness avant d'être abattu par Wyatt. Toute
l'anecdote historique s'en trouve à nouveau bouleversée.
En dernier recours, Lucy amène ses coéquipiers
rendre visite au frère aîné d'Al Capone, Vincenzo, qui a changé
son nom pour Richard James Hart. L'ironie du sort est que Hart est
policier fédéral. Les deux frères ne se sont pas vus depuis 20
ans. Après une supplique émotive, Lucy réussit à obtenir la
participation de Hart à l'arrestation de Capone. Pendant ce temps, Flynn interroge le maire (qui devrait être le
républicain William Hale Thompson, reconnu pour sa corruption) sur
ses accointances avec Rittenhouse. Ce dernier révèle que tous les
25 ans, les Rittenhouse tiennent une rencontre à Washington et que
la prochaine aura lieu en 1954. C'est tout ce que Flynn cherchait à
savoir. Flynn est appelé par Capone à tuer le
maire en dehors de
son bureau; en retour, Flynn lui demande de tuer Rufus.
Peu après son départ, en effet,
Hart, Lucy, Wyatt
et Rufus se présentent chez Capone et sont introduits dans le bureau
du gangster par Frank Gallucio, son garde du corps et exécuteur des
basses œuvres. Hart vient l'arrêter afin d'assainir Chicago du
crime organisé. Capone et Hart dégainent, se tiennent en joue avec
leur arme, tandis que Gallucio menace Wyatt et Hart. Al tire sur
Rufus et est tué par Wyatt tandis que
Rufus est gravement blessé.
Wyatt abat Gallucio. Le trio revient difficilement à la navette.
Rufus, qui a perdu beaucoup de sang, perd connaissance au poste de
pilotage. Au laboratoire, Jiya a réussi à saboter la salle de
contrôle au grand dam de Neville et de Mason. Ce dernier passe une
entente avec Cahill afin de récupérer des octets des bureaux de la NSA en Utah avec lequel il pourrait finir par contrôler non
seulement les deux navettes qui lui ont échappé à travers le
temps, mais aussi des informations sur l'ensemble des individus dans
le monde.
Faire disparaître de manière violente Ness et Capone près de trente ans avant leur mort historique modifie le mythistoire qui relève davantage du fait divers que du cours de l'histoire américaine. Hommage aux films de gangsters - pensons à ce plan moyen où l'on voit le tueur canarder Ness à travers la porte et qui reprend une scène célèbre du Parrain -, on évoque Capone moins par ses meurtres - l'indispensable rappel du Massacre de la Saint-Valentin - que par des vignettes connues de tous, ainsi la
batte de baseball avec laquelle il fendit le crâne de trois de ses adversaires dans un souper où se rencontraient les membres de la mafia de Chicago. Le prétexte de toute cette mise en scène est d'annoncer l'épisode final de la première saison.
THE RED SCARE
La
navette revient au hangar, en 2017. Lucy et Wyatt réussissent à
sortir Rufus, blessé. Jiya et l'agent Christopher les attendent.
Pour soigner Rufus sans le mener à l'hôpital, d'où les agents de
Rittenhouse les retrouveraient, Lucy fait venir Noah, son petit-ami
hérité des lendemains de ses premiers voyages dans le temps. Comme
les hommes de Rittenhouse arrivent au hangar où se cache la navette,
Jiya embarque avec Rufus, Lucy et Wyatt. L'agent Christopher est
arrêtée et détenue au laboratoire de Mason Industries. Flynn, lui, se rend
en 1954 où il rencontre le sénateur
Joseph McCarthy qui mène sa
croisade contre le
communisme. Il parvient à lui soutirer l'adresse
où se tiendra le prochain rendez-vous Rittenhouse, assemblée qui se
tient une fois à toute les générations. En échange il leur donne
les photos de Wyatt et de Lucy en les désignant comme espions communistes. Ont-ils à peine mis les pieds sur la première marche
qu'ils sont arrêtés. On ira pas vraiment plus loin dans le contexte de cette crise politique de la
peur rouge qui hanta l'Amérique durant la décennie des années 50.
Flynn
rencontre Lucy détenue dans une pièce et lui dit qu'il va faire
sauter le lieu de rendez-vous Rittenhouse, quitte à tuer le
grand-père de Lucy, Ethan Cahill, un fonctionnaire du gouvernement à Washington, celle-ci lui avoue comprendre le
désarroi et la solitude qui le font agir. Mais Flynn ne reculera pas
devant son plan. Dans l'autre pièce, Wyatt affrontent sans
ménagement le sénateur McCarthy : «
... You're a coward,
you're arrogant and a loudmouth, and terrified people will find out
you're a fraud. Just like every bully». Au moment où McCarthy
commande à ses hommes de passer Wyatt à tabac, ce dernier parvient
à les désarmer, récupère Lucy et fuir. Lucy et Wyatt décident de
suivre Ethan Cahill espérant qu'il les conduira
au manoir Rittenhouse. Mais ils se retrouvent dans un bar clandestin
où se rencontrent les gays de la capitale.
Ethan Cahill mène une
double vie. Il pense que Lucy et Wyatt veulent le faire chanter, mais
ne demande que son aide pour se rendre chez Rittenhouse. En cours de
route, il se confesse de sa tendance alors que Lucy et Wyatt tentent
de le réconforter en ramenant sa déviance à une normalité dont il
ne doit pas se sentir coupable ni honteux.
Lucy
et Wyatt surprennent Flynn alors qu'il bourre de dynamite la cave de
la résidence Rittenhouse. Wyatt et Flynn sont prêts à
s'affronter
mais Lucy s'interpose et les convainc de déposer les armes. Leur
lutte ne conduit nulle part et plutôt que de s'acharner à modifier
le passé, mieux vaudrait résoudre le problème au présent. Le duo
ramène Flynn et Ethan Cahill au hangar où s'est logée la
Timemachine. Lucy veut montrer à Ethan, son grand-père, la
technologie du futur et lui demande de dresser un fichier sur les
activités Rittenhouse durant toute sa vie. Elle décide donc de
partir avec Flynn tandis que Rufus, Jiya et Wyatt repartent avec la
navette expérimentale.
Après
l'ellipse, nous voyons Lucy et Wyatt rendant visite à Ethan, en
2017. Le vieillard a dissimulé une adresse dans une horloge.
Celle-ci les envoie dans un bureau où sont classées toutes les
archives de Rittenhouse depuis 30 ans. L'agent Christopher, qui a
renoué avec Connor Mason qui se met au service du gouvernement, fait
arrêter plus d'une centaine d'agents de Rittenhouse. Lucy donne
rendez-vous à Flynn et lui remet sur une clef USB le nom des
assassins de sa famille et de celui qui a ordonné le massacre. Elle
convient qu'il retourne dans le temps prévenir le meurtre de sa
famille et de détruire la navette une fois qu'il aura fait ce qu'il
doit faire, mais les agents du gouvernement interviennent et arrêtent
Flynn qui se sent trahi par Lucy qui ignorait qu'elle était suivie.
De
retour au laboratoire Mason, l'agent Christopher autorise un dernier
voyage pour permettre à Lucy de mettre en présence sa mère et le
père de sa jeune sœur appelée à revenir. Elle et Wyatt
pressentent le moment où ils se quitteront. Wyatt, contrairement à
Flynn, est parvenu à faire le deuil de sa femme. Ensemble, ils
conviennent qu'«au lieu de s'obstiner à vouloir réparer le passé,
il serait mieux de penser au présent». Mais auparavant, Lucy se
rend chez sa mère, Carol, pour l'informer qu'elle doit repartir pour ramener
sa sœur et qu'elle veut lui dire qu'elle l'aime car dans l'avenir,
elle sera trop malade pour le comprendre.
C'est
alors que Carol avoue à sa fille que Rittenhouse ne laissera
jamais faire en sorte qu'elle retourne dans le passé pour la faire
mourir, même pour ramener sa sœur. Les hommes envoyés par l'agent
Christopher afin de récupérer le vaisseau principal ont été tué
par un agent de Rittenhouse qui n'est nul autre qu'Emma. Ensemble,
promet-elle, elles vont changer l'Histoire : «
Are you
now or have you ever been Rittenhouse?» Il est étrange, en effet, que Lucy ait
été la seule à ne pas s'apercevoir que si son père était Cahill
et qu'elle portait l'héritage des Rittenhouse, que ça ne pouvait
provenir que de sa mère? Celle-ci savait très bien, depuis le
début, que la modification apportée depuis l'expédition de
l'Hindenburg visait à la ramener à la vie active, d'où la raison
pour laquelle Cahill surveillait l'ensemble des missions,
l'intervention de Flynn venant déranger les plans du couple
Rittenhouse-Cahill.
Évidemment, cette
finale ouvre sur deux possibilités. Ou bien, le réseau NBC annonce
en mai que la série ne sera pas renouvelée, ce qui ferait
The Red
Scare l'ultime épisode... tragique en soi. Ou bien, si la série est
renouvelée, il faudra bien penser à voyager ailleurs... dans le
futur peut-être? Un indice est donné lorsque Jiya, qui s'est mal
remise de son voyage dans le temps, est hospitalisée à San
Francisco. De sa fenêtre, on voit le Golden Gate. Prise d'une crise
qui la secoue dans son lit alors que ses yeux se révulsent, on
devine qu'une catastrophe est imminente.. Nous ne le saurons qu'au
cours de l'année 2018.
Après une première saison de
Timeless, on peut se demander ce qu'il reste du beau projet de Kripke et Ryan, celui de donner une plus grande visibilité aux femmes, aux Noirs, aux homosexuels et aux Amérindiens? Peu de choses. Il est vrai que les femmes dominent la série : Lucy, Carol et Amy; l'agent Christopher, Jiya enfin Emma mènent la donne aux laboratoires Mason; Connor Mason et Rufus occupent des postes importants de techniciens; Wyatt, le soldat stéréotypé est mené d'abord par le fantôme de Jessica, sa femme puis l'instruction de Lucy. Même si l'équipe de la
Timemachine représente le souhait des producteurs - une femme blanche qui détient le secret de l'Histoire, un homme noir qui pilote et un homme blanc qui protège et défend ...en tuant -, l'ensemble de la production ne parvient pas à livrer la marchandise.
Ces groupes dits à tort
minoritaires - et qui vont le rester - se faufilent dans le fond de l'écran. Elles apparaissent, incontestablement, mais très peu d'entre elles parviennent à prendre une signification interactive avec l'Histoire. Judith Campbell dans
Atomic City; Katherine Johnson dans
Space race; Bonnie Parker dans
The Last ride of Bonnie & Clyde et, en étant généreux, Joséphine Baker dans
The Lost Generation dépassent les rôles de figurantes. Il en va de même pour les Noirs qui n'apparaissent dans leur état de discrimination que par les protestations et les inquiétudes manifestées par Rufus. Du moins sont-ils un peu présent dans
The Watergate Tape. Biensûr, il y a Katherine Johnson dans
Space Race et Joséphine Baker
dans
The Lost Generation. Enfin, il y a Bass Reeves,
The Lone Ranger, qui a un rôle principal de modèle de Noir sorti de l'esclavage pour devenir un héros solitaire (ou à demi-solitaire puisqu'il a
Johnson et une famille) qui met les principes et la loi au-dessus de la vengeance et de l'arbitraire. Pour les Amérindiens, retenons
Nonhelema dans Stranded qui n'occupe pas cinq minutes dans l'ensemble de l'épisode et dont le rôle historique paraît insignifiant - statuaire - et Grant Johnson, le Tonto de The Lone Ranger. Le seul gay de la série est le grand-père de Lucy, Ethan Cahill, qui n'est pas un personnage historique. Comme Timeless n'est pas un retour sur le passé social de l'Amérique mais sur l'essentiel de son mythistoire, il est difficile de ne pas reconnaître que les décideurs de l'histoire américaine ont toujours été des hommes blancs. Et le reste encore.
Nous ne répéterons pas ce que nous avons dit sur l'image inconsciente du temps comme vagina dentata. Le dernier épisode est assez évocateur en ce genre. L'agent Christopher dévore Flynn qui se croit trahi par Lucy après lui avoir remis copie de son journal; les forces de l'ordre sont dévorées par Emma en donnant l'assaut au hangar où est stationnée la Timemachine; Lucy elle-même, la Clio qui rédige le journal de bord des expéditions dans le temps, est dévorée par sa mère qui représente Rittenhouse en chair et en os et conserve vivant l'esprit du fondateur de la dynastie, David. Alors que la civilisation hellénique concevait le temps qui dévore ses enfants sous la forme du père archaïque tenu par le dieu Chronos (Saturne), dans la culture américaine (en accord avec la civilisation occidentale, c'est moins sûr), c'est la mère archaïque qui semble prendre la place d'une déesse temps qui dévore le produit de ses entrailles. L'idée que l'histoire faite par les femmes serait différente de celle qui a été faite par les hommes devient alors dérisoire. Qu'elle ait été telle que les livres des historiens la raconte ou telle qu'elle aurait pu être si nous parvenions à modifier le passé, la hantise que l'Histoire fait peser sur nous comme étant le cours irrépressible du temps nous ramène à la leçon de Time tunnel. Au bout du compte, le savoir (historique ou autre) n'est utile que s'il est doublé de la force et de la technique. Telle est, me semble-t-il, la principale leçon qu'il est possible de tirer de Timeless⌛
Montréal
18 décembre 2017
THE
WAR TO ENDS ALL WARS
Un
an et demie après sa première diffusion, la série Timeless
revient
avec toute son équipe. Le premier épisode, The
War to Ends all Wars, nous
situe à la fin de la Première Guerre mondiale, à la bataille de
Saint-Mihel, le 14 septembre 1918, bataille livrée surtout par les
Sammies,
les
soldats américains, contre les armées allemandes épuisées.
Évidemment,
chez Connor's Industries, les choses sont au plus mal. Une bombe
détruit le complexe en faisant une douzaine de victimes. Déplacé
dans un hangar de l'armée américaine, le prototype de la Time
machine est
réparé par Rufus, avec l'aide de Jiya, encore frappée
d'évanouissements qui lui font entrevoir la destruction du Golden
Bridge de San Francisco. Wyatt y travaille également, mais il ne
peut supporter l'emprisonnement que lui impose l'agent Christopher.
Son obsession est passée de sa femme, morte assassinée, à
retrouver Lucy qui reste, depuis 6 semaines, sans répondre à ses
appels. Celle-ci est tombée sous l'influence de sa mère, Carol,
dont on sait qu'elle est liée physiquement au groupe Rittenhouse.
Avec Emma, l'agent
de
Rittenhouse, Carol tient à lier sa fille à sa volonté de changer
l'Histoire. Vêtue en bourgeoises des années 1910, elles sont
accompagnées d'Emma, la pilote de la Mothership
perfectionnée et d'un homme de main. Elles débarquent à l'arrière
du front, là où sont transportés les blessés de guerre. Jusqu'à
présent, Lucy répond aux attentes de sa mère, mais Emma la tient
en suspicion. Au sortir de la navette, elle soupire Let's
go change the history!,
répondant ainsi aux vœux de sa mère alors que durant la première
saison, elle n'avait juré que par la mission qu'elle s'était
confiée de sauver
l'histoire.
Sur
le champ de bataille, un officier américain portant dans son
porte-feuilles un téléphone cellulaire se remet du choc du
bombardement. Plus loin, un jeune soldat amène avec lui un compagnon
d'armes blessé sérieusement. C'est lui que les Preston attendent
avec impatience dans la chaumière où elles ont trouvé refuge. Ce
blessé, si important pour la suite des choses, s'appelle Nicholas Keynes. L'officier de Rittenhouse avait photographié les pages d'un
de ses manuscrits de 1910 développant une première théorie du
voyage dans le temps.
Au
départ, Emma essaie de soigner du mieux qu'elle peut l'homme
sérieusement blessé. Pour ce faire, elle utilise un réanimateur
cardiaque qui effraie le jeune soldat qui a sauvé Keynes. Pour le
faire taire, Emma lui tire une balle dans la jambe et demande à Lucy
de l'achever comme preuve de sa loyauté. Malgré les suppliques du
jeune homme, elle le tue, machinalement, comme elle avait tué Jesse
James. Afin de mieux connaître l'état du blessé, il faudrait
prendre des radiographies du torse. Où trouver un appareil à rayons
X en 1918? C'est alors que Lucy pense aux
petite Curie, ces
ambulances qui transportaient à l'arrière du front un appareil
radiographique pour aider à sauver les blessés de guerre.
Or,
la petite
Curie est
manipulée par la physicienne Marie Curie (1867-1934) elle-même et
sa fille Irène (la future épouse de Frédéric Joliot, autre
physicien avec lequel elle recevra le prix Nobel pour la découverte
de la radio-activité artificielle) (1897-1956). Sur le chemin qui
les mène aux ambulances, Lucy rappelle à sa mère la découverte du
radium et du polonium, deux éléments chimiques qui ont fait la
célébrité de Marie et de son époux Pierre, depuis longtemps
décédé. Marie aurait entretenu une liaison adultère avec un autre
chimiste, Paul Langevin, ce à quoi fait référence un médecin qui
se permet de disputer Marie lorsqu'elle décide d'accompagner les
Preston auprès du blessé. La seule erreur anachronique est
d'attribuer la découverte des rayons X à Marie Curie plutôt qu'au
chercheur allemand, Roentgen. S'écartant du groupe, Lucy se faufile
jusqu'à la réserve des munitions où elle vole une grenade à
goupille. C'est alors que Wyatt et Rufus font irruption. Se croyant
perdus ou morts, le trio se retrouve. Lucy explique que les grenades
doivent servir à détruire la navette principale, et qu'elle est
prête à la faire sauter de l'intérieur, au moment du départ dans
le temps. Se croyant discrète, Lucy ignore que l'homme de main qui
les a accompagnées s'est aperçu de la présence des deux hommes
avec elle dans la réserve.
Le
couple Marie et Irène Curie forme un doppelgänger
avec
l'autre couple mère-fille, Carol et Lucy. Travaillant main dans la
main sur le champ de bataille à soigner des blessés, Marie et Irène
réalisent le rêve impossible de Carol. Après que Wyatt et Rufus se
sont fait arrêter par l'officier américain et ramenés comme
déserteurs sous une tente, Rufus reconnaît l'homme de Rittenhouse.
Un combat sans merci s'engage. C'est en tuant l'officier que Wyatt
réalise, en trouvant le cellulaire où sont photographiées les
pages manuscrites de Keynes, qu'il travaillait, comme un agent
de
Rittenhouse, expédié là - depuis combien de temps? - pour préparer
l'opération en cours. À la chaumière, les radiographies prises par
l'appareil à rayon X sont floues. Pour se débarrasser des femmes
Curie, Emma dit se contenter des clichés développés. En attendant
de ramener Keynes à la Time
machine, Carol
surprend Lucy s'apprêtant à étouffer le blessé avec un oreiller.
Devant Emma, toujours plus suspicieuse, elle l'avertit qu'elle ne
pourra pas toujours la protéger.
Sur
le chemin qui conduit à la Time
machine, les
trois femmes rencontrent Marie et Irène Curie qui ont trouvé la
source des radiations qui brouillaient l'appareil de rayons X. Emma
les tient en joue. Lucy se précipite devant elles pour les protéger.
Emma se montre prête à tuer la «Princesse», mais Wyatt la prend à
revers en pointant son arme vers la tête de Keynes. Emma, qui a pris
Lucy en otage, livre un duel au soldat de la Delta Force. Finalement,
elle se voit obligée de céder. Lucy invite alors sa mère à la
rejoindre et à se placer on
the right side of history. Carol
décide toutefois de rejoindre Emma et Keynes. Au moment où le trio
fuit, la Time
machine disparaît
dans le temps.
De
retour au camp militaire en 2018, Lucy s'effondre dans les bras de
Wyatt, lui avouant avoir tout perdu, et le soldat de lui rappeler
qu'elle l'a, lui. Dans la jeep qui les conduisait vers la Time
machine, Rufus
forçait Wyatt à avouer qu'il était amoureux de Lucy. Au moment où
la chose se concrétise, Jiya intervient pour leur montrer ce que les
notes du carnet de Keynes ont permis d'apprendre. À la suite du
bavardage d'Emma, aussi, Jiya a pu retracer 10 endroits dans le temps
où la Time
machine s'est
posée au cours des six semaines précédentes, laissant ça et là,
des agents
dormants prêts
à modifier le cours de l'Histoire.
C'est
là la trame essentielle des épisodes à venir. À la vengeance de
Flynn succède la menace que Rittenhouse aurait dispersé des agents
comploteurs ici et là dans l'histoire américaine afin de la
saboter. Cette idée apporte un souffle nouveau à une série qui
s'essouffle assez facilement. La deuxième saison a failli ne pas
voir le jour. D'un côté, la finale nous apprend que Keynes est le
grand-père de Carol (et par le fait même, l'arrière grand-père de
Lucy), tandis que, devant l'ampleur du défi qui se pose à l'équipe,
l'agent Christopher décide de sortir Flynn de cellule afin de le
recruter pour l'équipe.
THE
DARLINGTON 500
Dans le premier épisode de
la seconde saison, alors qu'ils étaient sous la tente où
étaient entreposées les munitions, Wyatt avait lancé : We
need our historian, phrase aussitôt
répétée par Rufus. Il s'agissait de Lucy, bien sûr. Et lorsqu'à
la fin, le même Wyatt lui demande si elle était sûre que sa mère
aurait empêché Emma de la tuer, Lucy avait été forcée d'agiter
sa tête en signe de doute. L'intérêt de Darlington
500 ne réside ni dans la course de
NASCAR, ni dans l'intrigue basée sur le sabotage d'une course indi,
mais dans le fait que, désormais,
c'est l'Histoire connue qui est totalement changée par l'intervention de l'équipage de la Time machine. La Mothership est repérée le 4 septembre 1955 à
Darlington, un bled de la Caroline du Sud. C'est là que doit se
tenir une des premières courses d'automobiles NASCAR. Ici, la
connaissance historique s'avère inutile pour informer l'équipage. C'est auprès
de Flynn qu'ils apprennent l'adresse exacte qui se trouve être celle
de Ryan Millerson. Tout de suite, son nom évoque la passion dans les
yeux de Wyatt. Millerson est une vedette de la course NASCAR adulée durant son enfance. Sans
trop savoir pourquoi, il est identifié comme la cible de
Rittenhouse.
Millerson,
en effet, étudie les plans de la prochaine course. On le voit
accompagné de son épouse, profondément amoureuse et qui attend un
enfant de lui. Il est la vedette que les journalistes s'arrachent.
Lorsque Lucy, Wyatt et Rufus arrivent à Darlington, vêtus comme des
jeunes des années 50 sortis tout droit des films de Kazan ou de
Nicholas Ray, ils se précipitent sous la tente de Millerson. Déjà
ils ont interrogé son épouse et appris qu'Emma était venue avec un
homme quelques minutes plus tôt. Millerson leur répond qu'il n'a
pas connaissance de ces individus et ignore ce qu'ils voudraient. En
examinant sa Chevrolet, Rufus découvre qu'on y a installé un engin
explosif puissant. Se détournant, Millerson les tient en joue avec
une arme de poing. C'est lui l'un des agents
dormants distribués dans le temps par
Rittenhouse. Il aurait été amené là en 1946 pour se former à
devenir pilote de course. Il a épousé une femme dont il dit à
Emma qu'elle n'est rien pour lui et que l'enfant est un accident de
parcours, et que seule la mission-suicide compte à
ses yeux.
Cette
mission-suicide consisterait à faire exploser la voiture durant la
course au moment où elle serait la plus près de l'estrade où
seront les grands industriels de l'automobile de Détroit. Les faire
disparaître d'un coup permettrait à Rittenhouse de s'emparer de
l'industrie automobile américaine au moment où, comme le constate
Lucy, «in 55 was still a big deal».
Peu avant de rencontrer Millerson, Wyatt croise une
autre vedette promise à un avenir célèbre, Wendell Scott
(1921-1990). L'occasion est donnée ici de se rappeler de la première
vedette afro-américaine du NASCAR. Originaire de Virginie, chauffeur
de taxi avant d'être enrôlé par l'armée durant la Seconde Guerre
mondiale, Scott s'est établi comme mécanicien, arrondissant ses
fins de mois en faisant de la contrebande d'alcool dissimulé dans
une cache derrière la valise de sa voiture. En évitant de se faire
embarquer par la police, Scott a développé un véritable talent de
pilote de course. À partir de 1947, il commence à participer aux
courses de stock-car. Il se fait surtout remarquer dans les États du
Sud. Comme la ségrégation est toujours aussi vive en 1955, Wyatt
s'introduit en éloignant les racistes du hangar de Scott. Sa
personnalité marquera l'épisode jusqu'à la fin.
Alors
que Wyatt dit peu sur Millerson, il connaît par cœur la carrière
de Scott. Élu sportif
de l'année de Virginie
en 1959, en 1961, il accède au championnat de NASCAR Grand National,
le championnat national de stock car aux États-Unis. Deux ans plus
tard, le 1er décembre 1963, alors qu'il parvient à s'imposer comme
candidat aux places d'honneur, sur l'ovale de Jacksonville, en
Floride, malgré son succès, la victoire sera accordée à Buck
Baker, arrivé seulement deuxième. Les officiels auraient voulu
éviter que le baiser traditionnel offerte par la Miss de beauté
locale soit remis à un pilote noir. Quelques jours plus tard,
cependant, Scott sera déclaré vainqueur. Il ne répéta jamais
l'exploit bien qu'il demeura pilote vedette jusqu'à ce qu'un grave
accident, en 1973, ayant causé plusieurs graves fractures le retire
du stock car. Le portrait qu'en ont retenu les scénaristes de
Timeless
est
celui d'un homme rusé et défiant. «Pensez-vous réellement qu'ils
vont donner le prix à un homme noir?», lui demande Rufus. «Sûrement
pas, lui réplique Scott, Pensez-vous que je suis un imbécile? Ils
n'organiseront jamais une course pour la voir gagner par un Noir,
aussi sûr que l'enfer existe, ils ne voudront me donner le trophée
– Alors, pourquoi la faire? - Je veux participer à la course et
faire de mon mieux... et si ça ne leur plaît pas, screw
'em».
Faire intervenir Scott dans la course a sans doute été la meilleure
trouvaille de l'épisode, bien que Wendell Scott ne participa pas à
la course de 1955.
C'est
après cette rencontre que Lucy, Rufus et Wyatt se font doubler par
Millerson. Emma et son homme de main entre en tenant en joue leurs
adversaires quand une bombe fumigène est lancée par la porte.
Lucy, Rufus et Wyatt en profitent pour fuir dans la voiture conduite
par Scott. Emma revient sur Millerson en lui rappelant sa tâche.
Millerson jure de mener la mission-suicide jusqu'au bout. Emma lui
dit que s'il échoue, elle tuera son épouse enceinte. Millerson, en
effet, n'est plus tout à fait convaincu de la nécessité du
sacrifice.
Au
garage où Scott a amené l'équipage de la Time machine,
le
pilote a du mal à croire la version donnée par Lucy d'être des
agents du FBI et que les gens qu'ils poursuivent sont des
communistes. La politique ne s'impose pas chez des gens qui
investissent leur vie dans des activités qui les absorbent
complètement. C'est le cas de Wendell Scott. Au bunker qui est
devenu désormais le centre des opérations, l'agent Christopher
parvient difficilement à faire comprendre à Connor Mason que son
heure est passée et qu'il doit renoncer à redevenir l'ingénieur
qui avait jadis monté une grande entreprise. Après une sortie osée,
l'agent Christopher ne lui donne pas d'autre alternative que la
cellule d'une prison ou de rester tapis dans le bunker. Jiya, pour sa
part, continue de percevoir des événements futurs. Elle voit sur
l'avant-bras tendu de Rufus des traces de brûlures. En effet,
travaillant sur la voiture de Scott, un faux mouvement brûle
sévèrement l'avant-bras de Rufus. Malgré une légère altercation,
Scott accepte de ramener Lucy, Wyatt et Rufus sur le champ de course.
Il dissimule les deux premiers dans l'étroite cache où il dissimule ordinairement sa gnole.
L'équipe
revient au moment où Millerson fait sa conférence de presse. Il
commence à se troubler lorsqu'il aperçoit Wyatt. Le combat surgit
lorsque l'homme de main d'Emma s'en prend à lui. Un coup de feu fait
fuir la foule de journalistes. Millerson s'engouffre dans l'auto et lorsque Wyatt,
qui a mis KO son adversaire, lui somme de ne pas partir, Millerson
refuse et Wyatt l'abat. Lucy et Rufus entrent le rejoindre et tous
trois embarquent dans la voiture qui s'enfuit devant les coups de feu
tirés par Emma.
Une
course à la Duke
of Hazzard s'en
suit dans la pure tradition des films du genre. Wyatt vit son rêve
d'enfance en s'efforçant d'échapper à deux voitures de police qui
le pourchassent. À la fin, il entre à reculons dans le garage de
Scott qui ferme la porte juste au moment où la voiture du police
était sur le point de les rattraper.
C'est
maintenant que nous devons revenir à ce qui fait la particularité
de Darlington
500. Tout
au long de l'épisode, Wyatt nous rappelle qu'il a grandi avec un
poster de Millerson sur le mur de sa chambre parce qu'il avait gagné
une course épique au cours des années 1960. Étant né bien après
les événements, il n'avait souvenir que des succès de Millerson
mais non de l'individu lui-même, et surtout pas comme un terroriste
ou un poseur de bombes. Ce n'est pas, comme certains le supposent,
que si Wyatt n'avait pas souvenir du Millerson terroriste, c'est
qu'il avait déjà réussi à empêcher le coup de Darlington.
Cela ne signifie pas que la mémoire d'enfance de Wyatt était
influencée par quelque chose qu'il avait fait en tant qu'adulte en
1955, Si, en pensant à ce paradoxe, Lucy peut soupirer que cela lui
donne mal à la tête tout en suscitant une attaque de panique, c'est
qu'ils ont eux-mêmes, contrairement à la promesse de la première
saison de protéger l'Histoire, c'est bien qu'ils ont changé eux-mêmes le cours de l'Histoire. Là
où Flynn, jadis, parvenait à modifier un tant soit peu l'Histoire,
c'est au tour de Lucy, Wyatt et Rufus de la changer en
intervenant pour éteindre les différents feux allumés par les
agents
dormants de
Rittenhouse. C'est la seconde innovation de la série – et elle est
de taille – pour la seconde saison.
À
la fin de l'épisode, on assiste à une étrange scène de charismatisme.
Keynes,
le miraculé de la Première Guerre mondiale, l'arrière-grand-père
de Lucy ramené en 2018, vit sa convalescence à peindre et à
s'ennuyer des disques de son phonographe et des œufs saumurés. À
la fin, il révèle à la société une peinture qui, en effet,
ressemble à une pochette de disques folk-pop des années 90. Cette fresque écrite, où l'on peut reconnaître la silhouette d'Abraham Lincoln,
possède des tons boueux, une cursive de calligraphie et un faux ère
renaissance; enfin, Keynes retrouve les accents mégalomanes du vieux
Rittenhouse, l'horlogerie en moins, pour se présenter comme le
sauveur de l'humanité, et non plus seulement de l'américanité.
Alors que Emma se laisse entraîner aux délires du sauveur, Carol
commence à avoir des doutes sur la sanité de son
arrière-grand-père qu'elle a contribué à sauver d'un destin
implacable sur le champ de bataille.
Ce
dernier aspect est sans doute le plus conventionnel de l'épisode. La
possibilité que désormais ce soit le trio formé par Lucy, Wyatt et
Rufus qui modifie l'Histoire, en inversant le processus de la
première saison, établit une équation avec l'action menée par
Flynn que l'on juge toujours comme terroriste. Enfin, la stratégie
des agents
dormants permet
de voir comment les scénaristes peuvent faire rebondir, d'un épisode
l'autre, l'intrigue principale de la lutte contre le groupe
Rittenhouse.
HOLLYWOODLAND
En
1926, la
mothership débarque
deux hommes de Rittenhouse derrière les lettres lumineuses d'Hollywoodland. Un père et son fils. Ce dernier restera 15 ans à
se faire une carrière dans le cinéma comme producteur. Le 2 janvier 1941, ce père vient retrouver son fils pour
lui désigner sa mission. Mis au service de William
Randolph Hearst, le mania de la presse, il doit voler les bobines du célèbre film de Orson Welles, Citizen Kane. Ce prétexte, une fois de
plus futile pour l'essentiel de l'intrigue, vise à faire de
Hollywoodland une
adaptation du film de 1940 de Cukor, The Philadelphia story
(Indiscrétions).
Amenés
à fouiner dans les studios de Paramount, le trio ne
sait pas trop ce qu'il doit trouver ni qui est l'agent
dormant de
Rittenhouse sur les lieux. Poussés par les événements, ils se
retrouvent dans les bureaux de Barney Balaban, le directeur de la
Paramount Pictures. Interrogés sur leur identité, Rufus se présente
comme Langston Hughes, poète et dramaturge noir (1902-1967) qui
présente Lucy and Wyatt comme les prochains danseurs étoiles émules
de Ginger Rogers et de Fred Astaire. Balaban se laisse séduire par
les allures histrioniques de Rufus jusqu'à ce que se présente
l'actrice d'origine autrichienne Hedy Lamarr (1914-2000). Après
avoir joué pour le cinéma allemand, Hedy Lamarr se fit connaître
surtout par un film, en 1933, Extase,
de Gustav
Machaty, pastiche de L'Amant
de lady Chatterley, où
sa nudité et une séquence d'orgasme firent sensation. Émigrée aux
États-Unis, elle devient la vedette des grands cinéastes de l'heure
en travaillant pour la M.G.M. C'est alors que Balaban est informé
par téléphone que des bobines R.K.O. 281 ont été volées. Lucy se
souvient que c'est là le numéro de code du film d'Orson Welles,
Citizen Kane.
On
sait que Welles s'était inspiré librement de la vie de Hearst, ce
multimillionnaire des plus influents de la première moitié du XXe
siècle pour son personnage de Kane. Mais le trio ignore toujours
quel est cet agent dormant qui travaillerait pour lui. Sachant que Hearst doit donner une
réception mondaine où le tout-Hollywood du temps est invité. Le
trio se faufile dans le hangar de costumes et Lucy trouve la robe que
porte Katherine Hepburn dans Philadelphia
story. Se présentant
sans laisser-passer à la réception, c'est Hedy Lamarr qui
les fera pénétrer dans le domaine richissime du tycoon de la
presse. Fleurtant parmi les invités, ils aperçoivent Hearst en
grande discussion avec un producteur dont Hedy Lamarr révèle qu'il
s'appelle Lucas Calhoun, dont le projet est de développer un film
fou avec des dinosaures et qui porterait le titre de Jurassic
Park. Cette indiscrétion
permet au trio de comprendre qu'il s'agit bien là de l'agent
dormant de Rittenhouse.
Prêts à les suivre alors que Calhoun et Hearst s'isolent, Balaban
intercepte Lucy et Wyatt et leur demande de faire un numéro pour la
gallerie. Wyatt refuse et Lucy se trouve à donner une
interprétation, d'abord hésitante, puis pleine d'entrain de You
Made Me Love You, avec
d'émouvants regards portés vers Ryan.
Pendant
ce temps, Rufus et Hedy se pénètrent à l'intérieur de l'appartement de Hearst, mais
celui-ci et Calhoun sont cachés dans une pièce secrète. Profitant
de ce moment afin de montrer les talents de scientifique d'Hedy
Lamarr, ils apprennent que Calhoun est prêt à
offrir à Hearst la seule copie de Citizan
Kane
en échange d'une chronique hebdomadaire dans chacun des journaux
nationaux de Hearst afin de diffuser la propagande fascisante de
Rittenhouse dans tous les coins du pays. En revenant de la soirée
chez Hearst, le trio est invité à prendre place dans la limousine
de Hedy Lamarr où elle leur présente son partenaire en études
scientifiques, le compositeur George Antheil. C'est dans la résidence
de Lamarr que le trio passera la nuit. Pour la première fois depuis
le début de la série, Wyatt et Lucy reconnaîtront leurs sentiments
communs qui se terminera par une nuit d'amour.
Le
lendemain, dans les studios de Hollywood, le trio suit Calhoun à la
trace jusque dans un hangar où il est prêt à céder les bobines de
Citizen
Kane à
un homme de Hearst. Le trio a été suivi par un gardien de sécurité
qui les somme de s'arrêter. Calhoun sort son arme et abat le
gardien. Un échange de coups de feu s'ensuit. Calhoun vient pour
abattre Rufus qui s'est emparé des bobines lorsque Wyatt le tue.
Rufus finit par livrer les bobines à Hedy Lamarr tout en
l'encourageant dans ses travaux de physique qu'elle développe avec
Anthheil. Hedy, en effet, sera à l'origine de la technique
Lamarr,
un système de codage des transmissions appelé aussi étalement
de spectre,
toujours utilisé aujourd'hui pour, entre autres, les liaisons
chiffrées militaires, la téléphonie mobile ou le Wi-Fi. Mais cela
n'était pas la seule mission du trio.
Pendant
ce temps, en 2018, l'agent Christopher donne discrètement un message à Flynn,
placé dans une cellule en isolement après qu'on eut tenté de le
poignarder. En 1941, une prison nouvelle, encore inoccupée, est
visitée par le trio qui cache quelques menus objets derrière les
briques du mur d'une cellule. Celle qu'occupera 75 ans plus tard
Flynn. Celui-ci y trouve une clé, un masque à gaz et le plan
d'évasion déposés là par le trio avant leur retour à notre
époque. Lorsque le trio revient au garage dans la Timemachine,
Flynn
s'est rajouté à l'équipe, ce qui frustre Wyatt que Lucy vient
réconforter en lui rappelant qu'ils sont maintenant l'un pour l'autre. Mais Wyatt a reçu un message sur son cellulaire. Il
s'échappe du laboratoire et se rend dans un bar où il découvre que
son épouse, Jessica, est toujours vivante. Hollywoodland
boucle
ainsi le rappelle de Philadelpha
story.
Hollywoodland
répond
sans doute à ce que les spectateurs attendent d'un film
hollywodien de
la grande époque du cinéma. Il mêle fantaisie, drame, suspens,
retournements. Il permet aux adeptes de spéculer sur le rapport
qu'il y aurait entre la mort du gardien de sécurité et la
réapparition de Jessica (comme un mouvement inverse à celui de la
disparition de la sœur de Lucy), ou encore des effets de la
technique
Lamarr, mais
l'important n'est pas là. Il est dans la romance particulièrement bien réussie. Autrement, ne voyons-nous pas Jiya
avoir d'autres hallucinations prémonitoires, dont l'une qui annonce
l'épisode lié au procès des sorcières de Salem, qui sera l'épisode suivant.
THE SALEM WITCH HUNT
Le «ressuscité» de la
Grande Guerre, Nicholas Keynes apprivoise très rapidement la
post-modernité. Entre l'
exerciser du
début et le fast food de
la fin de l'épisode, il oblige Carol à accepter le fait que sa
fille, Lucy, est une menace pour l'entreprise Rittenhouse. Wyatt, qui
a retrouvé Jessica, contacte Lucy pour s'excuser. Personne toutefois
ne remarque que Jessica semble bien connaître Connor Mason! Jiya
fait part à Rufus de sa prémonition, le voyant tuer un Pèlerin
puritain marqué par une large cicatrice à la joue. Peut-être
est-il l'agent de Rittenhouse? Mais le temps n'est plus aux palabres
domestiques. La Timemachine
est repérée à Salem, le 22 septembre 1692. La chasse aux sorcières
tire à sa fin. Le gouverneur Phipps, dont certains accusent la femme
d'être parmi les sorcières, entend mettre un terme à la paranoïa.
L'agent Christopher pense envoyer Lucy et Rufus seuls en mission.
Flynn intervient et s'offre de prendre la place de Wyatt. L'agent
refuse, mais Lucy l'apostrophe : «Pourquoi le gardons-nous si
nous ne pouvons le mettre à profit?», et Christopher de rappeler
que c'est un tueur qui a voyagé dans le temps, ce à quoi elle
réplique : «C'est un tueur qui voyage dans le temps et avec
qui nous partageons le même ennemi». Les scrupules moraux de la
première saison sont devenus choses du passé. L'intervention de
Jessica permet de ramener Flynn au devant de la scène.
Flynn,
évidemment, reste toujours Flynn : cynique, violent, rusé, parfois
flamboyant (contrairement à Wyatt). Rufus refuse de lui faire
confiance, mais Lucy l'accepte. On le sent retrouver sa fébrilité :
«Cheer up, kids, this will be fun!» et ce, même si on refuse de
l'armer. Les recherchistes de la série ont utilisé ici des récentes
découvertes archéologiques des lieux. Ce n'est pas sur un échafaud
qu'on pendit les malheureuses sorcières de Salem, mais à la branche d'un grand arbre. En janvier 2016, une équipe de chercheurs,
reprenant les documents d'époque utilisés par l'historien Sidney
Perley auxquels se sont ajoutés des photographies aériennes et le
radar à pénétration du sol réussissent à identifier l'endroit
exact des pendaisons. Un petit terrain appartenant à la ville, situé
entre deux rues résidentielles et connu sous le nom de Proctor's
Ledge. N'y ayant trouvé aucun reste de potence, les chercheurs en
viennent à la conclusion que c'est un grand arbre qui a servi de
support aux exécutions. Le sol étant rocailleux, les victimes ne
pouvaient être enterrés sur place. Aussi, c'est donc avec certitude
que Lucy reconnaît l'arbre au moment où arrive une jeune femme,
apparemment enceinte – ce n'est pas dit, mais elle porte ses mains
repliées sur son ventre durant tout l'épisode, et pour cause! -,
vient poignerder un placard sur le tronc de l'arbre. Il s'agit
d'Abiah Franklin, or, malgré tout le respect pour les découvertes
archéologiques, les concepteurs n'ont pas été aussi prudents côté
généalogique, Abiah n'épousa Josiah Franklin qu'un mois plus tard,
en novembre 1692 bien avant de donner naissance à Benjamin Franklin, qui semble être la nouvelle cible de Rittenhouse.
Pendant
que le juge Hathorne prononce les sentences de mort, le trio des
voyageurs du temps cherchent l'agent
dormant de
Rittenhouse. On pense d'abord à Joseph Pope. C'est chez lui que le
trio se rend en premier. Lorsque paraît son épouse Bathsheba
Folger qui reprend les accusations qu'elle a porté contre sa propre
sœur (Abiah), Lucy la dénonce pour faux témoignage afin
de toucher l'héritage de la famille. Bathsheba n'est pas non plus
l'agent en question. Puis, rendu à l'Ingersoll’s Tavern («La
bière est la preuve que Dieu veut que nous soyons heureux!»), Rufus
reconnaît dans le juge Samuel Sewall l'homme décrit par Jiya. Flynn
et ses deux accolytes le pousse dans une grange et l'intimide jusqu'à
ce que son fils apparaisse, puis le laissent partir. C'est alors
qu'Abiah confronte Hathorne qui réplique en l'ajoutant aux huit
condamnées qu'on s'apprête à exécuter. Une lutte s'engage où
Flynn prend le dessus jusqu'à ce qu'il soit forcé de fuir. Surgit alors Carol qui pointe du doigt sa fille, accusant Lucy
d'être une sorcière. Il n'y avait donc pas d'agent
dormant dans la région de
Salem.
Emprisonnée avec
les huit autres femmes, et Abiah, Lucy écoute leurs versions
(qu'elle connaît) des raisons pour lesquelles elles ont été
accusées de sorcellerie. Bercer une poupée ou parler aux oiseaux
sont des actes futiles qui n'ont rien à voir avec les démons. Lucy
les comprend et reconnaît leur innocence pour ajouter, ultime
consolation : «Je suis fière d'être en votre
compagnie». Une fois de plus,
le monologue de Lucy se transforme en plaidoyer pour la différence.
Carol se présente à nouveau pour implorer sa fille de
l'accompagner. Celle-ci refuse une fois de plus, disant qu'elle
préfère être pendue avec les autres. N'empêche, avant de partir,
Carol lui glisse une dague entre les mains. Pendant ce temps, Flynn
se présente chez Pope et enlève le mousquet des mains de Bathsheba. La marche vers l'arbre fatal est commencée, conduite par les Puritains. Abiah est appelée à être la première et au moment où
elle a déjà la corde autour du cou, Flynn ouvre la pétarade. Lucy
et Rufus parviennent à couper leurs liens. La première se précipite
afin de libérer Abiah. Les huit autres femmes seront aussi libérées
et prendront la fuite. Un pèlerin blesse légèrement Lucy mais
Flynn l'abat aussitôt. Dans la mêlée, Rufus, qui a pris un
mousquet, est intercepté par le juge Sewall qui le tient en joue
avec un pistolet. Voulant écarter la prophétie de Jiya, il implore
Sewall de baisser son arme; Sewall ne bouge pas. Finalement, c'est Rufus qui
baisse son mousquet et invite Sewall à aller rejoindre ses enfants. Le
juge acquiesce. La malédiction de la prémonition semble
écartée. Malheureusement, en reculant sur la route, un wagon
conduit par des chevaux en panique lui passe sur le corps et le tue. Rufus
se penche vers lui. Ses mains se couvrent du sang du juge. La
prémonition était exacte; seule l'interprétation était erronée.
Tout cet épisode visait d'ailleurs à confirmer une autre
prémonition de Jiya qu'elle avait eue dans l'épisode précédent.
Lorsqu'enfin la
Timemachine revient
dans le hangar et que Lucy sort la première où l'attend un Wyatt
déconfit, celle-ci croise le regard étonné de Jessica. Au moment
où Wyatt se porte pour l'accueillir, Flynn se presse. Wyatt
redescend, se sentant écarté. Pendant ce temps courent les
spéculations sur la façon dont Jessica a pu revenir d'entre les
morts. Jessica n'apparaît pas particulièrement sympathique, surtout
lorsqu'elle tend la demande de divorce, raison pour laquelle elle
avait contacté Wyatt. Elle lui rappelle l'enfer qu'il lui faisait
vivre, sa tendance au secret, aux demi-vérités, à disparaître Dieu sait où, puis à revenir pour rentrer ivre pratiquement tous les soirs à
la maison, la laissant seule. D'un autre côté, suite à l'échec
visant à faire mourir la mère de Benjamin Franklin avant sa
naissance, Keynes, visiblement sous l'emprise d'Emma, retire toute
mission à Carol. Il est prêt à faire tuer son arrière-petite-fille
pour sa mission mégalomane.
THE KENNEDY
CURSE
Le
17 septembre 1934, au collège de Wallingford au Connecticut, le
professeur d'anglais du jeune John F. Kennedy le convoque à son
bureau. Une fois entré, il lui demande de refermer la porte derrière
lui et s'apprête à sortir une arme de son tiroir. Au moment où il met en joue le
jeune homme de 17 ans, la porte s'ouvre brusquement et Flynn abat
l'agent dormant de
Rittenhouse. Lucy, qui soigne une fièvre due à sa blessure au bras
reçue au cours de l'épisode précédent, ne fait pas partie de la mission.
Seuls Rufus, Flynn et Wyatt sont partis dans le temps. Pour éviter
que le jeune Kennedy soit victime d'un autre agent de Rittenhouse, le
trio décide d'un commun accord de le ramener au hangar tout en
laissant Flynn sur place. Pour la première fois, le schéma est
inversé. Ce ne sont plus les voyageurs qui seront dépaysés par le
passé, mais un personnage du passé qui se retrouvera dans le futur,
c'est-à-dire notre présent.
Dans
Time tunnel, il
arrivait parfois que des personnages du passé soient happés par le
tunnel et ramenés dans le complexe. Cela avait été le cas de
l'adolescent qui tenait la bombe qui devait faire exploser le train
d'Abraham Lincoln en 1860, d'un garde national durant le règne de la
Terreur en France, ou d'un pirate lors de l'intervention américaine
dans la Méditerranée occidentale en 1803. Ces personnages
secondaires étaient repoussés dans le passé d'où il venait, sans
conséquence. Maintenant, c'est un personnage principal de l'histoire
améri-
caine qui se retrouve plus de 80 ans, dans un monde dont il ne
connaît ni les outils, ni les codes. Car si Wyatt et Lucy essaient
de convaincre le jeune Kennedy qu'ils ont été envoyés par son père
pour le protéger d'un attentat, ce dernier croit difficilement leur
histoire et se pense kidnappé pour une rançon. Il réussit à faire
ce que Wyatt parvenait difficilement à faire : c'est-à-dire à
s'évader du hangar en passant par les conduits d'aération. Il se
retrouvera bientôt en route vers Palo Alto, en Californie. Bref, le
jeune Kennedy ne parvient ni à se repérer dans l'espace ni dans le
temps (un matin il se réveille au Connecticut et le soir il se
retrouve en Californie; un matin il est en 1934, le soir en 2018).
L'effet
de dépaysement du jeune Kennedy est au cœur de l'intrigue. En fuite
dans la nuit, bombardé par les couleurs des néons, les bruits
hirsutes des pompes à essence, il se précipite dans un gaz
bar. Autant il est effrayé,
autant le commis le regarde, suspicieux, le jugeant fou. Lorsqu'il demande où
trouver un téléphone sur table, le commis lui prête son cellulaire
dont il ne comprend pas le fonctionnement. C'est là qu'il découvre
qu'il a été transporté dans le futur, en l'an 2018. Évidemment,
l'équipage avait refusé de lui dire qu'il n'était plus en 1934, le
choc en eut été que plus brutal. Empêtré dans ce monde où tout
lui est étranger, il est pris en charge par un groupe d'étudiants
en goguette se rendant à une soirée. C'est Kayla, une jolie jeune
fille, qui lui offre de l'emmener tant il a l'air effaré.
Mais,
légende oblige, dès la première scène où il discute avec un
compagnon, le sujet obsessionnel du jeune Kennedy sont les filles.
Constamment, il joue de son charme car sa seule ambition, malgré le
pétrin où il se retrouve, est de coucher avec Kayla. Durant le
trajet, le jeune Kennedy commence à souffrir de coliques et demande
qu'on l'amène à un hôpital. Pendant ce temps, au hangar, Rufus et
Jiya demeurent pour pister les déplacements de Kennedy en se
référant aux images prises par les différentes caméras de
surveillance. C'est ainsi qu'ils guident Wyatt, Lucy et Jessica à la
station service. Puis vers l'hôpital. La relation des deux femmes,
sous des allures de complicité, place Wyatt au centre de leur
intérêt.
Keynes
et Emma ont compris que, après l'échec de l'attentat de 1934,
l'équipage de la Time machine avait
dû ramener le jeune Kennedy. Carol révèle que celui-ci, souffrant
de divers maux surtout en état de stress, devra se rendre à
l'hôpital, ce qui enligne Emma. Ramené à la santé, Kennedy
recommence son entreprise de séduction auprès de Kayla, ils se
sauvent de l'hôpital. Aussi, lorsque Emma entre dans la chambre pour
le tuer, le lit est vide. C'est alors que Wyatt survient, armé. Un
combat épique se livre entre les deux et, une fois de plus, c'est en
prenant Lucy en otage. Durant cette
scène, on sent poindre un certain désespoir chez Lucy qui demande à
Wyatt qui la tient en joue, de les abattre toutes les deux s'il le
faut, puisque Emma est le seul pilote de la navette de Rittenhouse.
C'est là aussi que Jessica comprend qu'il y a un lien plus que banal
entre son mari et Lucy. Finalement, Emma parvient à se dégager,
mais Wyatt est arrêté par un agent de sécurité.
Conduit
par le gardien, Lucy parvient à glisser une punaise entre les mains de Wyatt qui lui permettra de se libérer de ses menottes. L'attendant à l'entrée de
l'hôpital, Lucy et Jessica mettent les choses au point. Le dialogue
avait commencé avant le retour de la navette, Jessica demandait à
Lucy quel était son métier, celle-ci répond, historienne. Jessica
avoue ne pas savoir vraiment ce que fait un historien. Lucy répond
qu'elle donne des cours. Jessica lui parle de son métier de barmade.
Devant l'entrée de l'hôpital, Jessica avoue qu'elle avait contacté
Wyatt pour qu'il signe les papiers de divorce, mais comme il lui a
demandé de lui laisser une seconde chance, celle-ci reconnaît avoir
découvert un homme nouveau en lui, et que c'est le
lien intime qui unissait Lucy à Wyatt qui avait amélioré son caractère
brouillon. Lucy s'efforce de la convaincre de l'amour
indéfectible de Wyatt, lui rappelant les efforts qu'il avait
déployés pour la sauver, d'abord par le fameux télégramme envoyé
quarante plus tôt, de Las Vegas (Atomic City),
puis le vol du prototype de la Time machine qui
l'a conduit en cour martiale (Charma Chameleon) :
«He risked his job, his freedom, everything, because he
never stopped loving you,” Lucy explains. “Not for a second».
C'est ainsi que Lucy contribue aux rapprochement entre les deux
époux, à son cœur défendant. Surgit alors Wyatt au volant d'un S.U.V. qu'il a dérobé. La
course reprend.
Entre-temps,
l'agent Christopher est kidnappée par un voyou au service de Carol.
Celle-ci implore Christopher de retirer Lucy de l'équipage car
Rittenhouse est prêt à la tuer. Carol lui explique qu'elle a été
embrigadée dès l'âge de 13 ans dans le groupe et qu'elle avait
voulu éviter un sort semblable à Lucy. Maintenant qu'elle ne compte
plus dans le groupe Rittenhouse, elle ne peut plus protéger sa
fille, objet de la haine jalouse d'Emma. Finalement, l'agent
Christopher sera retournée chez elle, avec sa famille.
Wyatt, Lucy et Jessica parviennent à retrouver le
jeune Kennedy à Palo Alto où se déroule une fête d'étudiants. Ce
dernier se laisse conduire à la chambre de Kayla où elle trouve une
photo de lui sur Wikipedia en consultant sa tablette informatique, ce qui la convainc qu'il est
bien John F. Kennedy et lui dit qu'il sera un jour président. «
Mais
président de quoi?», et de lui répondre : des États-Unis. Kennedy
se regimbe en disant que c'est le destin tracé par son père, mais
pour son frère aîné, Joe. Celle-ci lui présente l'entrée de Joe Kennedy
Jr. Le jeune Kennedy y apprend qu'il sera tué à bord de son avion
de chasse sur les côtes de la France lors de la Seconde Guerre
mondiale. Évidemment, tout cela est surréaliste dans l'esprit de
Kennedy – en 1934, il n'y avait eu qu'une seule guerre mondiale.
Puis, il lit la suite de la chronique sur la malédiction des
Kennedy, sa sœur internée dans un institut psychiatrique,
l'assassinat de son frère Robert, trois ans après ...son propre
assassinat en tant que Président des États-Unis.
Entre le voyage dans le temps, les jeunes et beaux
adolescents, la séduction des filles, le jeune Kennedy finit par
sombrer dans une
morosité où le ronge le destin tragique de sa
famille. Plus que jamais il veut retourner à la
Time machine et
revenir chez lui. C'est à ce moment que Wyatt entre dans la chambre.
Kennedy accepte de le suivre, mais parvient à lui glisser entre les
mains. Emma est là, qui le vise avec son arme. Sur le coup, la pièce
de monnaie frappée à l'effigie de John F. Kennedy se transforme
pour prendre l'effigie de Richard Nixon (l'adversaire de Kennedy à l'élection de 1960. Kennedy sera-t-il un jour président?
Wyatt dégaine à temps
et vise Emma qui saisit un fêtard pour servir de bouclier et
s'enfuir. Finalement, tout le monde se retrouve au hangar. Le jeune
Kennedy se demande si la malédiction est vraie. Rufus l'implore de
ne pas se rendre à Dallas le 22 novembre 1963. Devenu sérieux, le
jeune Kennedy demande à Lucy s'il sera un bon président. Et Lucy de
lui répondre : «l'un des meilleurs»... Rufus et Wyatt le
ramènent en 1934 et reviennent avec Flynn. Une dernière rencontre
scelle la rupture entre Wyatt et Lucy, rencontre qui n'échappe pas
aux oreilles de Flynn. À la fin, alors que Lucy s'anesthésie devant
un vieux film à la télé, Flynn lui apporte une bière. Ils
regarderont le film ensemble.
L'ensemble de l'épisode tente de faire le syncrétisme des deux mythes Kennedy. Le second d'abord, le plus récent, celui forgé surtout à partir de la fin des années 1980, celui de l'homme à femmes, du noceur, du fils insouciant. Il apparaît dès la première scène, quand il discute femmes avec un condisciple. Le premier mythe ensuite, le plus vieux, qui émergea dès la présidence de Kennedy et fut accentué par l'assassinat de Dallas, celui de l'homme physiquement souffrant, le combattant, le sage - celui du "Ich bin ein Berliner" et de celui qui s'adressant aux Américains, les engageait à ne pas demander ce que l'État pouvait faire pour eux, mais ce qu'ils pouvaient faire pour l'État, bref, l'image de l'homme d'État démocratique (contre la ségrégation raciale) et pacifiste (contre l'usage de la force pour laisser parler la diplomatie). Le jeune Kennedy remontera à bord de la navette, sachant très bien le destin qui l'attend et qu'il affrontera avec stoïcisme et détermination. Le contraste est évident dans la façon dont nous sont présentées la rentrée et la sortie du personnage; entre Wyatt sortant le jeune Kennedy, inconscient, de la Time machine, alors qu'au retour, il se dresse fièrement, déjà un héros prêt à affronter sa mission historique. Sujet délicat dans la mesure où la dynastie Kennedy est toujours présente dans la vie politique américaine, les spéculations sur sa présidence n'ont cessé de ternir l'image que le mythe des années soixante véhiculait après l'assassinat. On oubliait que Kennedy avait commandé des attentats contre Fidel Castro et qu'il ne devait pas ignorer celui qui visait le président du Vietnam du Sud,
Jean-Baptiste Ngô Đình Diệm, assassiné à peine vingt jours avant la tragédie de Dallas, le 2 novembre 1963. Il en va de même pour l'image idéaliste, toujours perpétuée par beaucoup, d'un président pacifiste alors que nous savons que l'engagement dans le four du Vietnam ne cessa de s'accroître durant sa présidence, non seulement à cause des conseillers envoyés au gouvernement sud-vietnamien, mais par l'envoie de contingents armés. Il en va de même pour la lutte à la ségrégation raciale où Kennedy était le jouet du directeur du F.B.I., Edgar J. Hoover, qui le faisait chanter par des dossiers compromettants et dont il ne put jamais se départir. En ce sens, l'intrigue contourne assez bien les écueils.
THE KING OF THE DELTA BLUES
The King of the Delta
Bues est sans doute l'un des
épisodes de Timless dont on retrouve la meilleure reconstitution d'une couleur locale avec cette atmosphère lourde d'un bar réservé aux noirs de la Nouvelle-Orléans
dans les années 30. L'épisode est centré sur Connor Mason, qui
commence par un lamento sur
sa situation financière : Désormais, «Connor Mason is nobody!» et, stéréotype voulant, il boit comme une éponge
assoiffée. Le bilan de son existence est plutôt mitigé. Ingénieur
hors-paire, instrument docile entre les mains de Rittenhouse, ruiné
après le sabotage de son usine, il vit claustré dans le bunker sans
plus jouer de rôle majeur dans l'équipe. Paterson Joseph, l'interprète
de Mason, offre ici une performance exceptionnelle dans le
cours de la série. D'un épisode au scénario faible, d'une intrigue
confuse et impossible, il ajoute une prestance qui accompagne bien la description du milieu.
La
Time machine de
Rittenhouse est repérée à San Antonio, le 23 novembre 1936. C'est
le jour où Robert Leroy Johnson enregistre son premier disque.
Lorsque la date est connue, ce n'est pas Lucy, mais Connor Mason qui
devine la nouvelle cible du complot Rittenhouse. Devant l'ignorance
de l'équipe devant le nom de Robert Johnson, The
king of the delta blues, Connor
les traîte de philistins, ne sachant pas que le blues de Johnson
va ouvrir à la musique de l'avenir : le rock 'n roll, Elvis,
les Beattles et encore plus, comme reprend Lucy, la lutte pour les
droits civiques, la contre-culture, le Watergate et la résistance à
la guerre du Vietnam. C'est beaucoup attribuer pour un seul homme.
Mais disons-le franchement, c'est la musique qui a fait les
États-Unis et non l'inverse. L'enregistrement doit se réaliser au
Gunter Hotel de San Antonio. Johnson est présenté comme un jeune
homme timide encouragé par son producteur, Don Law, lui-même simple
preneur aux livres qui tente de remonter son estime devant son père
en lançant le prodige dont la carrière n'est connue que localement.
À l'origine, l'enregistrement devait durer trois jours, mais un
agent de Rittenhouse se pointe dans la chambre, mettant en joue le
guitariste. Il est tué par Flynn et l'enregistrement qui avait
débuté est interrompu.
Cette
fois-ci, l'équipe est constituée de Lucy, Flynn, Rufus et Mason.
L'agent Christopher l'a imposé comme quatrième partenaire vue sa
connaissance approfondie de la vie du musicien. Lorsqu'ils entrent
dans la chambre une fois l'agent de Rittenhouse abattu, ils se
présentent comme Taylor Swift et l'agent Timberlake alors que Mason
est Lando Calrissian, des services secrets britanniques. L'homme
abattu serait un bottlegger qui se serait trompé de cible.
Évidemment, Law a de la difficulté à croire une telle histoire,
mais Mason l'encourage à reprendre l'enregistrement et faire comme
si rien ne s'était passé. Mais, d'une part, tout son matériel
d'enregistrement est foutu, de l'autre, Johnson, croyant à une
malédiction, s'est enfuit.
Cette
légende d'une malédiction est connue. Johnson aurait rencontré le
diable, une nuit, à la croisée des chemins (épisode raconté dans
son blues Crossroads),
monnayant son âme en échange d'un incommensurable talent musical.
Sa carrière foudroyante, qui s'acheva au moment où il mourut à
l'âge de 27 ans, en 1938, ancra définitivement la malédiction dans
l'esprit de ses admirateurs (jusqu'aux cinéastes, les frères Coen).
Alors que Lucy et Flynn aideront Law à reconstituer son équipement,
Connor et Rufus partiront à la recherche du guitariste qui veut
revoir sa sœur avant de partir et tenter de dissiper la malédiction.
Ils le retrouvent en chemin et décide de le conduire au bar
louisiannais. C'est l'occasion pour Connor, de tomber en extase
devant les autres légendes du blues qu'il y rencontre, Muddy Waters,
Son House et Bessie Smith (qui l'intimide avec un pistolet avant de
le prendre dans ses bras).
Au
Gunther Hotel, les choses ne vont guère mieux. Don Law est abattu
par un agent de Rittenhouse qui était devenue sa copine, mais Lucy
et Flynn parviennent à récupérer l'équipement. Ils rejoignent la
meurtrière au bar au moment où elle s'apprête
à tuer Johnson, mais, cette fois-ci, c'est Connor Mason qui l'abat.
Devant cette nouvelle intervention diabolique qui terrorise Johnson,
Connor Mason parvient à le convaincre : «Maybe you made a deal with
the devil. Maybe you didn’t,” he tells Johnson. “But this bad
luck is gonna keep chasing you until you decide to stop, stand your
ground, and fight. To hell with oblivion». Mais lorsque Rufus
l'informe que Law a été tué et qu'en tant qu'ingénieur il est le
seul à pouvoir enregistrer le disque, il hésite. C'est Rufus, qui,
à son tour, lui donne l'encouragement moral pour le faire. Lui aussi
était intimidé devant son maître au MIT et Connor l'avait
encouragé à l'époque, c'est l'occasion, pour Rufus, de lui rendre
la pareille. Finalement,
l'enregistrement du disque de Johnson a lieu devant ses amis, dans le
bar même. Enthousiasmé, Connor lance même un cri durant
l'enregistrement, mais celui-ci est sauvé. L'entreprise de
Rittenhouse est court-circuitée. L'équipe revient et Connor Mason,
prenant la mesure de ce qu'il est parvenu à créer au cours de sa
vie, retrouve confiance en lui.
Et
Wyatt pendant ce temps? L'agent Christopher lui indique l'endroit où
elle a été séquestrée et l'envoie, en mission solo, pénétrer le
centre de contrôle de Rittenhouse. C'est l'occasion pour Wyatt de
montrer ses talents d'officier de la Delta Force. Toutefois, au
moment où il tient en joue Carol Preston, l'agent Christopher lui
ordonne de tier, mais Wyatt hésite. Keynes saisit alors Carol par le
bras et l'entraîne dans la Time
machine et
fuient. Tandis que Connor Mason écoute l'enregistrement de Johnson
sur un microsillon, il est fier d'y reconnaître son cri, il vérifie
le nom du producteur : le nom de Don Law a été remplacé par
celui de ... Lando Calrissian. Dans leur lit, Jiya avertit Rufus de
sa dernière prémonition où elle le voit se faire noyer à mort.
Lucy, munie de sa bouteille de voka, rejoint Flynn dans sa chambre.
MRS
SHERLOCK HOLMES
Les
concepteurs de Timeless ont
l'art de raconter des histoires entrecroisées. En moins de 45
minutes, comment ficeler un moment important du mouvement suffragiste
américain, une enquête policière et une affaire de jalousie? Par
une succession de rebondissements, comme toujours. La scène se passe
au Manhattan’s York Hotel, le 4 mars 1919, avant que le président
Woodrow Wilson ne parte pour l'Europe assister à la conférence de
paix (ce qui permet à Rufus de faire l'une de ses plaisanteries
faciles à propos du traité de Versailles, qui pourrait “make
Germany great again”). Dans quelques mois, le Congrès votera le
19e amendement, celui autorisant le droit de vote aux Américaines.
Mais en ce jour de mars, Alice Paul (1885-1977) mène une marche des
suffragettes devant l'hôtel où apparaît le président accompagné
du sénateur du New York, James Wadsworth. La marche est interrompue
par un mur de policiers qui, avec une sauvagerie convenue, abattent
leurs matraques sur les femmes, les piétinent et les frappent à
grands coups de pied.
De
son côté, Keynes envoie Emma en mission, lui avouant qu'elle est la
seule envers laquelle il a entièrement confiance. Une idylle
prévisible s'esquisse entre les deux personnages. Pendant qu'un agent dormant s'occupera
de saboter la marche, Emma aura pour but de tuer Lucy. Au hangar,
l'agent Christopher impose définitivement Flynn - qui n'en demeure
pas moins psychopathe -, au trio. Arrivé à l'hôtel où réside le
président, un coup de feu les avertit que quelque chose de grave
vient de se passer. Le sénateur Wadsworth a été tué et l'arme du
crime est retrouvée dans la chambre d'Alice Paul. Celle-ci est
arrêtée et emmenée en détention. Une fois de plus, le quatuor se
présente sous des noms contemporains : Lucy et Wyatt présumés
avocats de Alice, prennent les noms de Ally McBeal, un personnage de
télévision et un avocat célèbre Johnny Cochran, tandis que Rufus
se présentera comme John McClain, un acteur célèbre et affuble
Flynn du nom de Hans Gruber, le psychopathe du film Die
Hard... Le
fait d'être quatre, désormais, permet à l'équipage de se diviser
en deux groupes. Lucy et Wyatt se porteront à la défense d'Alice
Paul pour qu'elle puisse prononcer son discours au président Wilson;
Flynn et Rufus enquêteront sur l'assassinat du sénateur.
Lucy
et Wyatt se rendent donc au commissariat où est détenue Alice Paul
afin de la rencontrer. L'officier leur refuse l'accès à sa cellule
les renvoyant au détective affublé du nom de Mrs Sherlock Holmes;
il s'agit en fait de Mary Grace Quackenbos Humiston (1869-1948) qui
était moins détective qu'avocate. Elle s'attira le surnom de Mrs
Sherlock Holmes lorsqu'elle résolva la disparition, en 1917, de Ruth
Cruger. Reprenant l'enquête où la police de New York l'avait
laissée, elle retrouva, «par déductions» l'endroit où se
trouvait le corps de la jeune fille, dans la cave du principal
suspect qui fut arrêté. Elle dénonça l'incompétence des
policiers et ceux-ci l'associèrent à leur service en vue d'enquêter
sur les cas de disparitions de jeunes filles (on parlait alors
beaucoup de la traite des blanches). Profitant de cette opportunité,
Humiston peut donc permettre l'accès de Lucy et Wyatt à la cellule
de Anne Paul.
Lucy
demande à Anne Paul d'accepter leur aide afin de sortir de prison.
Anne refuse. Elle et Humiston se connaissent et savent qu'elles sont
idéologiquement opposées, Humiston, élevée dans l'esprit des
riches propriétaires fonciers du Pérou, ayant peu d'affinités avec
les revendications féministes. De son côté, Anne voudrait que les
journalistes puissent entrer et la photographier dans sa cellule afin
de mousser la cause des suffragettes.
À
l'hôtel, Rufus et Flynn enquêtent dans la chambre du sénateur.
Rufus s'étonne qu'il soit si facile de pénétrer les lieux d'un
crime, mais sitôt dit, ils sont mis en joue par un policier. Rufus
explique leur présence en se présentant comme des Pinkerton menant
l'enquête, mais le policier ne les croit pas, leur fait tourner le
dos et menace d'abattre Rufus qui ne cesse de le provoquer, puisqu'il
sait, selon une prémonition de Jiya, qu'il ne mourra pas dans ces
circonstances. Au moment où le policier s'apprête à tirer, il est
abattu par Emma. Lorsque Flynn et Rufus lui demande pourquoi elle
agit ainsi, Emma se dit en conflit avec la mission de Rittenhouse.
Elle aime le fait d'avoir le droit de vote et ne veut pas que la
marche soit interrompue sachant qu'elle donnera prise au 19e
amendement. Sceptique, Rufus lui demande comment une meurtrière
pourrait se préoccuper du vote d'une loi constitutionnelle? Elle
racontera, en montrant ses cicatrices, qu'enfant, elle avait été
battue par son père et qu'elle n'avait pu y échapper que grâce à
l'aide que Rittenhouse lui avait apportée. Elle promet de tuer
l'agent
dormant
si on la laisse repartir, sachant qu'elle seule peut l'identifier
dans la foule. Non sans hésistations, Flynn et Rufus acceptent son
offre.
Pendant
ce temps, Lucy et Wyatt, suivant Mrs Huminston, s'efforcent
d'innocenter Alice, mais lorsqu'ils retournent à la cellule, ils
trouvent Alice morte. Les suffragettes sont abattues par la nouvelle
et plutôt qu'une marche de protestation veulent se limiter à une
marche silencieuse en mémoire de leur leader. Lucy essaie
désespérément de les convaincre de tenir le discours devant le
président Wilson. Elles hésitent. Huminston demande le vote et la
majorité porte vers la marche silencieuse. Une seule propose à Lucy
de prononcer le discours à la place d'Alice Paul.
À
travers ces và et vient, la tension ne cesse de monter entre Wyatt
et Lucy. Le premier a surpris la seconde en train de sortir de la
chambre de Flynn. Lucy lui répond brutalement que désormais qu'il a
retrouvé son épouse et qu'elle l'a accepté, il devrait en faire de
même. Et, paradoxal venant de la bouche de l'historienne : «We
can't keep living in the past»,
puis elle s'excuse brutalement, ayant un discours à préparer (Se
répète ici la situation déjà entrevue dans l'épisode de l'Alamo
où elle devait réécrire la lettre interrompue par le meurtre de
Travis).
La
marche reprend. Lucy y participe, suivie de près par Wyatt rejoint
par Flynn et Rufus qui lui avouent le pacte passer avec Emma. Wyatt
devient alors aussi psychopathe que Flynn lorssqu'il lui demande s'il
l'a tuée. C'est alors que Lucy est enlevée par celle-là même qui
lui avait demandé de prononcer le discours à la place d'Alice Paul.
Humiston les rattrappe mais l'agent est finalement abattue par Emma.
Lucy et Humiston regagnent la marche au moment de l'affrontement avec la police. Humiston est alors coincée entre les policiers qui
frappent à bras raccourcis et les manifestantes. Finalement, elle,
qui n'avait aucune sympathie pour les suffragettes, se hisse sur le
podium et apostrophe le président Wilson. C'est elle, finalement,
qui prononcera le discours qui prendra place désormais dans
l'histoire. Au moment de se quitter, Humiston joue une dernière fois
la carte de la mystification en avouant à Lucy qu'elle avait deviné
qui était l'assassin lorsqu'en demandant le vote, la seule femme qui
avait levé la main gauche ne pouvait être que la criminelle qui
avait laissé une note sur les lieux du crime, une note écrite de la
main gauche. Avouons que c'est plutôt mince comme résolution d'une
énigme, étant peu plausible que parmi une ample foule de femmes,
une seule soit gauchère est tout aussi peu plausible que de
s'imaginer un orang outang se promenant la nuit dans les rues de
Paris, tuant deux femmes d'atroces manières, puis s'éclipsant sans
être revu par la suite!
Le
retour en 2018 ne se fait pas sans de nouvelles complications. En
descendant de la Time
machine, Lucy
demande à l'agent Christopher pour qui elle a voté en 2016?
Celle-ci lui répond pour Hillary Clinton. Elle lui demande alors,
qui est président? «Donald Trump». N'était-ce pas cela qui était
sensé arriver? «I don’t know, réplique Lucy. It wasn’t us.”
Vérifiant les informations, Lucy apprend que le nom d'Alice Paul est
complètement oublié – un peu comme l'est devenue sa sœur après
le retour de la première mission historique). Si elle applaudit au
discours de Humiston, elle ne peut que pleurer la disparition
d'Alice, qui a tant fait pour la cause des femmes aux États-Unis.
Maintenant, elle est complètement oubliée. Une fois de plus, le
cours de l'histoire a été changée par l'intervention de
Rittenhouse. De
son côté, Connor Mason, qui travaillait tout au long de l'épisode
à reconstituer les ordinateurs récupérés à l'endroit où Emma et
Keynes dissimulaient leur engin,
parvient
à reconstituer un disque dur sur lequel apparaît l'image de
Jessica. D'autre part, Keynes et Emma entrprennent une romance.
THE DAY REAGAN WAS SHOT
Sans doute l'un des épisodes les plus ennuyeux de
la série
Timeless. Une
fois de plus, l'événement historique n'est qu'un prétexte
rapidement détourné. L'équipage
apprend que la navette de Rittenhouse est présente le 30 mars
1981. Le présumé projet consisterait dans le fait que Rittenhouse entend tuer le président Reagan, aussi
Rufus, Wyatt, Lucie et Jiya (Flynn ne peut s'y risquer considérant
qu'il était, à l'époque, déjà au service du gouvernement, ce qui
lui donnerait d'ailleurs un âge qu'il ne fait pas!), qui accompagne
le trio. L'épisode commence en nous faisant entendre la lettre
rédigée par l'assassin, John Hinckle, un compositeur raté, affalé
par l'assassinat de John Lennon et amoureux transit de l'actrice Jody
Foster. Le quatuor est certain qu'un agent
dormant de
Rittenhouse serait là pour réussir là où Hinckle a échoué. Or Wyatt
s'aperçoit qu'un agent de sécurité vise une jeune policière et
tire au moment où Hinckle tente d'abattre le président. Tout le
monde se rue par terre et Wyatt porte secours à la jeune policière
qui s'avère être la future agent Christopher.
Trente
ans plus tard, l'agent Christopher arrive au hangar après avoir
quitté sa famille. Elle y apprend que l'équipage est retourné sur
les lieux de l'attentat contre Reagan alors qu'elle s'y trouvait. Elle s'efface alors et va
s'atteler à remplir de la paperasse. Sur les lieux de l'attentat,
Wyatt révèle à Lucy, Jiya et Rufus que la cible désignée par
Rittenhouse est la jeune policière Christopher. Jiya et Lucy se
chargeront de surveiller Christopher tandis que Wyatt et Rufus
partent à la chasse à l'agent. Ils coincent ce dernier dans un
ascenseur et le conduisent dans un sous-terrain où Wyatt le menace à
coups de poings. Ce dernier leur avoue qu'avant le matin, il ne
savait pas pourquoi Rittenhouse l'avait déposé une douzaine
d'années plus tôt. Il n'avait pas le choix car sa famille, ruinée,
était entre les mains du groupe maudit. Son frère et lui avaient donc
été envoyés dans le but de liquider l'agent Christopher.
À
l'hôpital, Lucy et Jiya se présentent comme des enquêteurs –
Cagney & Lacey, comme dans la vieille série policière que la jeune Christopher, devait pourtant connaître -, et sont bientôt
débordées par l'arrivée de la mère et du fiancé de la policière.Afin d'assurer l'avenir de la policière, Lucy lui indique l'endroit où Hinckley réside. Elles se rendent à son appartement et s'apperçoivent qu'il n'est pas revenu et en conclut que l'assassin a peut-être été blessé et qu'il se trouverait à l'urgence de l'hôpital. Aussitôt Christopher contacte un garde de sécurité qui vient arrêter Hinckley dans une cabine en train de se faire soigner au bras.
Mais la promesse de mariage que Christopher doit accomplir, en vertu du rituel hindoux, apporte un nouveau problème à Cagney & Lacey. La trame diverge complètement. Il ne s'agira plus seulement de protéger
la future agent du F.B.I. contre un éventuel tueur commandé par Rittenhouse, mais en même temps d'empêcher ce mariage qui, se
faisant dans la pure tradition indienne, retirerait Christopher des
forces publiques. Connaissant l'orientation homosexuelle de l'agent
Christopher, Lucy et Jiya se font alors passer pour des lesbiennes et
tentent de convaincre Christopher de refuser son mariage car une
grande carrière l'attend au sein du F.B.I..
Pendant
ce temps, l'agent séquestré par Wyatt et Rufus finit par avouer que
son frère va compléter la mission et tuer Christopher le soir même.
Ce même soir, en effet, on doit célébrer les noces prochaines de
la jeune policière. Pour la décider définitivement, Lucy lui
présente des photos contenues dans un portable (dont on ne sait la
provenance) et qui montrent l'agent Christopher, son épouse et ses
enfants. Finalement convaincue, la policière Christopher annonce à
sa mère qu'elle ne se mariera pas, ce qui cause un drame familial. Dehors, le
frère de l'agent dormant la vise de son arme de poing quand une
voiture lui fonce dessus et le tue. Wyatt et Rufus étaient au volant
de l'auto meurtrière. Lorsqu'ils retournent à l'endroit où ils avaient menotté l'agent dormant, ils découvrent que celui-ci s'est pendu de peur d'avoir à faire face à la vindicte de Rittenhouse.
La
mission s'achève ainsi. L'agent Christopher, qui restait dans
l'ignorance à savoir si le quatuor allait la sauver, câline ses
enfants et son amante. Puis, la Time
Machine revient
au hangar. Celle qui est maintenant sensée contenir quatre places
laisse toujours n'en sortir que trois (erreur reprise depuis plusieurs épisodes). Christopher se dirige vers Wyatt et lui dit
qu'elle attendait depuis trente ans l'occasion de les remercier pour
tout (de lui avoir sauvé la vie comme de l'avoir affirmer dans son
orientation sexuelle). Pour la première fois, Lucy pense à demander
à Flynn quand il a reçu le journal qu'il lui brandit sous le nez
depuis le premier épisode. (Ce qui n'est pas trop tôt.) Flynn lui répond qu'après la mort de sa
femme et de sa fillette, il était à se consoler dans un bar lorsque
Lucy (peut-être plus âgée qu'aujourd'hui de deux ou trois ans)
était venue le lui offrir puis s'en était retournée. Pendant ce
temps, Wyatt apprend de Jessica que son
beau-frère, qu'il croyait mort, vit toujours ayant guéri de sa leucémie grâce à des
soins financés par de généreux donateurs. (On devine lesquels). Elle détourne la conversation en lui apprenant qu'elle est enceinte.
THE GENERAL
Avec
The General, la
série reprend son véritable air d'aller. Nous sommes le 1er juin
1863 à Beaufort, au camp confédéré, durant la Guerre de
Sécession. Une femme demande à parler au colonel Ryerson. Emma
entre et lui tend un cheeseburger dont le général hume le parfum,
malgré l'enrobage de papier. Le colonel Ryerson est un agent
dormant de Rittenhouse. Puis,
elle lui donne un livre actuel sur l'histoire militaire de la guerre
civile afin qu'il puisse gagner les batailles et permettre à la
Confédération de vaincre. Emma, si enthousiaste pour le droit des
femmes ne l'est plus face à l'esclavage.
Le
quatuor ne tarde pas à surgir. La tension est lourde car l'agent
Christopher et les membres de l'équipage ont présenté à Wyatt
l'image de Jessica retrouvée parmi les documents saisis dans le
laboratoire de Rittenhouse. Wyatt défend l'inté-
grité de Jessica,
même si le récit de son frère «ressuscité» le laisse perplexe.
Les voyageurs remontent un champ de bataille où gisent des soldats
noirs et blancs tués à l'issu d'une embuscade. L'un d'eux implore
Lucy de l'abattre tant il souffre d'une blessure à l'abdomen.
Incapable d'abattre le malheureux, c'est un coup de fusil tiré par
Harriet Tubman qui l'achève. C'est le lieu de la bataille de la
rivière Combahee. Se faisant passer pour des espions nordistes,
Tubman ramène avec elle et ses hommes, Lucy, Wyatt, Flynn et Rufus.
Harriet avoue à ce dernier qu'elle a eu une vision – attribuée à Dieu
– qu'il viendrait pour défendre ses frères de race. La maison où
loge Harriet est rempli de soldats blessés et de survivants de l'ambuscade
de Combahee. Elle attend désespérément du renfort du général Montgomery qui ne
vient pas, alors que l'armée sudiste s'apprête à donner le coup de grâce. Cet aveu forcera Rufus à considérer, avec plus de
conviction, les visions de Jiya.
Celle-ci,
d'ailleurs, est amenée par Connor Mason pour rencontrer Stanley Fisher, un des premiers pilotes de la Time Machine, lui
aussi hanté par des visions. Jiya voudrait, afin de sauver Rufus
dont l'une de ses visions le montre en train de se faire tuer par un
marin, rendre son don plus actif que passif. Au refuge d'Harriet Tubman, le quatuor se divise en deux, Flynn et Lucy se rendront
auprès de Montgomery afin qu'il donne l'ordre à se troupes de se
précipiter vers la résistance noire alors que Wyatt et Rufus se
rendront à une réception donnée dans une superbe plantation de la Caroline du Sud où se retrouvent les officiers sudistes.
Vêtu
en galant aristocrate en provenance du Texas, Wyatt se présente sous
le nom de Red Butler (le héros du roman Autant en emporte
le vent. Rufus, lui, a revêtu
la livrée d'un domestique qui passe les verres lors de la réception.
En se promenant parmi les officiers sudistes, Wyatt apprend que le
colonel Ryerson révèle des vérités inédites sur la guerre
civile. Il comprend alors que le colonel est l'agent
dormant de Rittenhouse. Au
moment où des coups de feu sont entendus et que tout le monde se précipite à l'extérieur – Harriet Tubman et ses hommes ont dû affronter un Sudiste ivre qui les
menaçait -, le combat s'engage entre Ryerson, Wyatt et Rufus.
Ryerson prend une femme en otage tandis que Rufus jette le livre
donné par Emma dans le feu du foyer. Le colonel parvient à
prendre la fuite, poursuivi par Wyatt. Il est abattu par Harriet
Tubman, encadrée par les troupes du général Montgomery.
De
retour au hangar, Jiya raconte qu'elle veut maîtriser ses capacités
de voyance en suivant les conseils de Fisher. De son côté, Wyatt
apprend que l'agent Christopher a pris les démarches pour faire
interner Jessica dans une résidence où elle pourrait mener sa
grossesse à terme. Évidemment, celle-ci refuse, voulant rester près
de son mari. Durant la nuit, Wyatt se réveille et surprend Jiya
entrer dans la navette. Jessica la tient en joue et est prête à
tirer sur Wyatt. La porte se referme et la Time Machine
disparaît, projetant au loin un Wyatt
déconfit au sol.
Le
duo de Rufus et d'Harriet Tubman est, en effet, le moteur de
l'épisode. Harriet Tubman reste le modèle de la femme noire qui a
lutté pour la libération des noirs de l'emprise de l'esclavage.
Comme le dit le personnage, ce qu'elle veut, ce qu'elle rêve, c'est
la liberté. La liberté pour tous les noirs du Sud. Une fois la
liberté obtenue, tout ira de soi pour l'avenir. Cette vision de la
guerre civile américaine axée sur l'abolition de l'esclavage est
bien sûr limitée. Mais dans le mythistoire américain, c'est ce
qu'on demande de retenir. Et à une époque où les tensions raciales
sont redevenues fortes aux États-Unis, Timeless voudrait reproduire
l'effet du fameux roman d'Harriet Beecher Stowe, La case de
l'oncle Tom. Mais la finale, qui
laisse l'équipe du hangar totalement démunie de sa machine à
voyager dans le temps est un précédent qui appelle à l'intérêt
pour le dernier épisode de la seconde saison.
CHINATOWN
Après le départ de la
Time Machine, le reste du groupe surgit en trombe pour retrouver, assis par terre, Wyatt et
évanoui leur seul engin pour se déplacer dans le temps. Atterrés,
Rufus et Connor se précipitent au panneau de contrôle. Tout signe de
la navette a disparu. En fait, elle se retrouve dans un hangar à
proximité, à San Francisco. Jessica et un homme de main conduisent
Jiya devant Carol Preston. Celle-ci oblige Jiya à prendre un soporifère. Ensuite, Jessica et Carol retrouvent
Keynes pour célébrer le fait de posséder les deux Time
Machines et pouvoir réécrire
l'histoire sans contrariété. Surgit Emma. Celle-ci demande si on a
abattu Jiya. Carol lui annonce qu'elle a convaincu son grand-père, Keynes,
que l'entreprise Rittenhouse leur appartenait en propre, qu'ils
étaient du même sang et qu'Emma n'était finalement qu'à leur
service. Aussi remercie-t-elle Emma, non sans une pointe d'ironie.
Emma comprend qu'elle n'a plus aucune influence sur Keynes.
L'homme
de main posté à la porte de Jiya entend un bruit sourd dans la
pièce. Il entre et trouve Jiya étendu sur le sol dans ses
couvertures. Il la soulève au moment où celle-ci enroule le drap
autour du cou et étrangle son gardien. Toujours sous l'effet du somnifère,
elle sort de sa chambre et parvient à courir jusque dans la Time
Machine alors qu'Emma court
après en déchargeant son arme. Elle réussit à atteindre des
points de contrôle de l'appareil, mais Jiya ferme la porte à temps et commence les
manœuvres pour faire démarrer la navette. Alors que l'équipage est
furax contre Wyatt qui avoue avoir eu des soupçons sur l'honnêteté
de Jessica, Rufus lui dit au visage qu'il était tellement heureux
d'avoir retrouvé sa femme qu'il en oubliait les autres autour de
lui, surtout le lien que l'unissait avec Jiya. L'égoïsme de Wyatt a
compromis la situation et sa promesse d'arranger les choses ne convainc
plus personne. C'est alors que Connor repère le mouvement de la Time
Machine. Au grand bonheur de
tous, ils sentent que celle-ci fait des efforts pour se poser dans le
hangar, mais au moment d'y parvenir, l'appareil échoue. Désormais,
Jiya est perdu quelque part dans le temps.
Le
seul moyen qui s'offre à eux consiste à chercher des photographies
sur lesquelles on pourrait y reconnaître Jiya. Après de vains
efforts menés par les membres de l'équipage, Lucy, en feuilletant
un livre coécrit avec sa mère, elle trouve une photo
de Jiya prise en 1888 dans le quartier chinois de San Francisco. Connor et Rufus, pour
leur part, iront fouiller dans les environs afin de retrouver la
trace de la Time Machine. Ils
la retrouvent finalement, recouvertes d'herbes et de branchages,
rouillée, mais toujours fonctionnelle. La machine était là depuis 1888 et personne
ne l'avait vu, ce qui apparaît comme une incongruité dont Timneless qui en est remplie.
Après
avoir amené un régénérateur et effectué les réparations, la
Time Machine, malgré
sa vétusté, est toujours en voie de fonctionnement. Maintenant,
c'est Connor Mason, qui a repris confiance en lui, qui rassure le
malheureux Rufus, prêt à tout pour retrouver Jiya. En peu de temps,
Lucy, Wyatt, Flynn et Rufus se baladent dans le Chinatown de San
Francisco, le 26 août 1888. Ceux-ci s'arrêtent devant la boutique
de photographe où le cliché a été pris. À l'intérieur, on ne
voit personne jusqu'à ce que surgisse une fillette qui dit
reconnaître la photo mais dit que le cliché a été pris il y a déjà
trois ans et qu'elle ne sait pas où est passée Jiya.
Derrière
un rideau qui ferme la porte vers l'arrière-boutique, Emma tient en
joue Lucy. Keynes et Carol sont également présents ainsi que Jessica tient en otage le père de
la fillette. Pendant les explications peu convaincantes de celle-ci, Wyatt devine
qu'il y a quelqu'un derrière le rideau. Au moment où Emma s'apprête
à tirer, Carol se précipite et détourne l'arme. Exaspérée, Emma
blesse Carol à mort et abat froidement Keynes. Un combat s'engage
entre Emma et Jessica et Wyatt et Flynn. Emma et
Jessica finissent par prendre la fuite poursuivi par Wyatt. Rejoint
dans une ruelle, Jessica braque son arme contre Wyatt et lui avoue
que Rittenhouse à sauver son frère et que malgré l'attachement
qu'elle lui porte, elle fait confiance davantage à Rittenhouse
pour prendre soin d'elle et de son enfant qu'elle persiste à dire
qu'il est de Wyatt. Incapable de tirer, Wyatt la laisse s'échapper.
À la boutique du photographe, Lucy assiste aux derniers moments de
Carol qui meurt en lui avouant qu'elle est la personne la plus
importante de sa vie. Peu après, Flynn s'approche pour la consoler
et lui avouer son amour, mais Wyatt, revenu, intervient juste à
temps pour interrompre l'aveu. Aucun épisode de Timeless ne
roule sur un rythme aussi effarant.
Finalement,
on retrouve Jiya qui s'est recyclée en croupière dans un tripot. C'est là qu'elle travaille depuis 3 ans. Lorsque
Rufus paraît, son amour se ravive mais elle avait bien signifier sur
la photo qu'il ne devait pas chercher à la retrouver. En effet, en développant
ses facultés de voyance, Jiya a vu que c'est dans cet endroit que
Rufus devait se faire tuer. Elle l'implore de quitter l'endroit et
s'obstine à ne pas revenir avec le quatuor. C'est alors qu'Emma et
Jessica pénètrent dans le tripot en tirant du pistolet pour faire évacuer la salle. Elle se met alors à appeler Lucy. C'est devenue une affaire personnelle entre elle et la princesse. Wyatt et
Flynn ouvrent le feu afin de permettre à Lucy, Jiya et Rufus de
fuir. Pris au moment où allait se produire la scène fatale de la prémonition, Jiya
parvient à saisir une arme et à tuer l'assassin avant qu'il n'ait
touché Rufus. La prémonition ne s'est donc pas accomplie. Les deux
hommes de main sont abattus. Mais Emma et Jessica ont pris à nouveau la fuite.
Sortant
du tripot, le quatuor reçoit une rafale de balles tirées par Emma.
Rufus est blessé à mort et meure entre les mains de Jiya. Flynn est
blessé et Lucy, prise de rage, ramasse une arme et tire en direction
d'Emma. S'engage une poursuite dans des ruelles tordues. Finalement,
Emma est touchée et s'effondre. Rattrapée par Lucy, celle-ci ne
parvient pas à tuer sa némésis. Mais au moment où elle se décide, son
chargeur est vide. Emma attaque alors Lucy et est en voie de lui écraser la figure lorsque Wyatt
commence à tirer dans sa direction. Emma parvient à s'évader et
Wyatt doit ramener une Lucy au visage tuméfié.
Lorsque
les vo-
yageurs reviennent au hangar, la joie de Christopher et de
Mason se transforme en détresse en apprenant la mort de Rufus. Le
chagrin remplit l'ensemble de l'équipage qui se laisse décourager.
Wyatt revient auprès de Lucy à qui il avoue ne jamais avoir cessé
de l'aimer, scène observer de loin par Flynn. Connor Mason pleure la
perte d'un fils et partage sa douleur avec Jiya. On peut peut-être
modifier les prémonitions, mais on n'échappe pas à son destin.
C'est ce qui ressortait déjà à la fin de l'épisode The
Salem witch trial, lorsque
le puritain qui ajustait Rufus de son arme se laissait convaincre de
le laisser aller, mais au lieu d'être tué par Rufus comme l'avait entrevue Jiya, il se faisait écraser par une voiture tirée
par des chevaux lancés au galop. Arrive alors le rebondissement le plus
inattendu. Une seconde Time
Machine, en
fait celle de Rittenhouse, apparaît dans le hangar, bousculant la
vieille navette. Tous angoissent à savoir qui sera derrière la
porte qui s'ouvre. Apparaissent alors un Wyatt portant la barbe et
une Lucy aux cheveux courts provenant du futur et lancent à l'équipe
le défi de ramener Rufus vivant. Étonnant rebondissement puisque
l'une des lois du voyage dans le temps consiste, précisément, à ne
pouvoir se rendre à une époque où vivent déjà les voyageurs du
temps...
Alors
que la première saison présentait un triple affrontement entre le
trio des voyageurs, Flynn et Rittenhouse, la seconde saison a fondu
en un même corps d'équipage le trio et Flynn. Le laboratoire
expérimental s'est mué en hangar, Rittenhouse est devenu davantage
l'affaire de Emma qui finit par liquider les authentiques porteurs du
sang de la dynastie. La première saison, une fois le personnage de
Flynn éliminé, restait à savoir comment se poursuivrait la lutte
entre Rittenhouse et le trio. La réponse ouvrant sur la deuxième
série était que la Time
Machine de
Rittenhouse diffuserait des agents
dormants dans
le passé américain afin de servir à une tâche bien précise, à
un moment précis. On retrouvait alors une dose de Mission
impossible (la
série) dans l'équipage des voyages dans le temps. Le nécessaire rajout de
Flynn, toutefois, ne le confond pas avec le trio original. Lorsque
Lucy dit à ses collègues, au moment de récupérer Jiya :
“None of us have anything anymore except each other,”
Jiya, folle de joie de retrouver ses amis, saute au cou de chacun,
sauf, évidemment d'oncle Flynn qu'elle ne peut se résoudre à
embrasser, malgré que celui-ci se présente sur un ton plus ironique
que psychopathe.
Une autre caractéristique a changé. Dans la
première série, le fait de
défendre l'Histoire
était le but principal du trio. Empêcher que Flynn modifie les
grands événements de l'histoire américaine pour faire échec à
Rittenhouse. La fin inattendue où Emma s'emparait du principal
vaisseau pour continuer la cause de Rittenhouse ouvrait sur le projet
de la dispersion d'agents dormants partout
dans le passé. Or, c'est en voulant empêcher ces agents d'agir que
c'est le trio lui-même qui finit par modifier le passé! La
chose s'est vue à maintes reprises : le meurtre de Millerson
dans Darlington 500,
l'enlèvement du jeune Kennedy (The Kennedy Curse), le fait que le discours prononcé par
Alice Paul le soit par Mary Humiston
(Mrs
Sherlock Holmes)
ou que John
Hinckle soit capturé à l'hôpital (The
day were Reagan was shot)
démontrent que la mission première a été oubliée qui, de toutes
façons, n'est plus jamais évoquée. Si Wyatt retrouve sa femme
saine et sauve, Lucy finit par oublier sa sœur; le climat de
paranoïa s'insinue qui se révèle comme danger réel lorsque
Jessica kidnappe Jiya; c'est la répétition du rapport qu'Emma avait
établi avec Flynn au cours de la première saison (The murder of Jesse James).
Certes,
le but de promouvoir le rôle des femmes, des Noirs et des minorités
sexuelles dans l'histoire américaine se maintient, il s'accentue
même. Mais il traîne avec lui un revers insidieux. Si le mérite
des Noirs se traduit par les personnages de Wendell Scott (Darlington
500),
de Robert Johnson (The
King of the Delta Blues),
de Harriet Tubman (The
General), celui des femmes se retrouvant à travers les figures de Marie et Ève Curie (The
War to Ends all Wars),
de Hedy Lamar (Hollywoodland),
de Abiah Franklin (The
Salem witch trial),
d'Alice Paul et de Mary Huniston (Mrs
Sherlock Holmes)
enfin d'Harriet Tubman (The
General), le thème des différences sexuelles n'est pas utilisé dans un contexte historique autrement qu'il ne concerne que
l'agent Christopher (The
day were Reagan was shot). Tout cela est sans doute très beau et très honorable, mais il ne brise
pas la structure raciale américaine. Lucy et Rufus ne sont pas faits pour former
un couple; Lucy et Wyatt ou, par dépit, Lucy et Flynn, oui; alors
que Rufus et Jiya sont irrésistiblement attirés l'un vers l'autre, sans se l'avouer, par leurs différences ethniques.
Aucun des personnages, sauf l'agent Christopher, ne mène une
sexualité hors norme. L'homosexua-
lité est affaire de femmes. Les règles raciales et sexuel-
les sont maintenues. Des sujets aussi délicats
que la religion ne sont pas abordés (sauf dans The
Salem witch trial).
Les injustices sociales ne sont pas non plus au rendez-vous. Timeless
est
loin de l'Histoire
populaire des États-Unis d'Howard
Zinn. Le mythistoire l'emporte toujours sur la volonté réelle de
se confronter à cette «autre histoire» des États-Unis.
La
finale de la seconde saison ne peut que se ramener à une situation
tragique qui en appelle à la pensée magique derrière le voyage dans le
temps : peut-on (doit-on) empêcher quelqu'un de condamné
d'échapper à son destin? La question avait été soulevée par
Rufus lui-même lors de l'épisode de l'assassinat de Lincoln,
maintenant elle se pose à son sujet. (Il faut ajouter aussi que la seconde saison est moins philosophique que la première. Les questions poser par le voyage dans le temps et son effet sur l'histoire sont supposées connues et on ne poussera pas jusqu'aux ruminements.) Je ne suis pas sûr que cela
soit suffisant pour ramener Timeless
une
troisième saison, de même que voir dans les personnages féminins
des héroïnes se paie du prix lourd de voir qu'elles peuvent être aussi
traîtresses et sournoises (comme Emma et Jessica) que les hommes. La mégalomanie de
Keynes tourne à vide mais une fois Rittenhouse disparue, le fascisme
laisse toute la place à la psychopathie meurtrière, ce sur quoi
presque toutes les séries américaines spéculent leurs intrigues par les temps qui courent⌛
Jean-Paul Coupal
Sherbrooke, 15 mai 2018
|
Abigail Spencer (Lucy); Malcolm Barrett (Rufus); Matt Lanter (Wyatt) |
TIMELESS
(pour faire suite à The Time Tunnel revisited)
CONCLUSION
THE MIRACLE OF CHRISTMASS
Comme
la saison 3 de Timeless ne
verra pas le jour, la série n'ayant pas été renouvelée, le réseau
NBC a préféré donner à ses fans une
conclusion en deux épisodes portant comme titre The
Miracle of Christmass. L'objectif
de ce double épisode est de mettre ensemble tous les bouts de ficelles
qui, depuis le début de la série, défient la logique du rapport
espace-temps et qui n'a cessé de s'entre-mêler au cours des
différents épisodes sans jamais aboutir à une unité cohérente. Ce double
épisode est sensé offrir satisfaction aux téléspectateurs
en donnant une conclusion finale. Réussit-il cet exploit?
La
fin de la deuxième saison ramenait un Wyatt et une Lucy de 2023 dans
la bunker où s'était réfugié le laboratoire Connor Mason. On se souvient
que Rufus avait été tué dans le dernier épisode – Chinatown
– et que les Wyatt et Lucy de
2023 encourageaient l'équipe de 2018 d'aller récupérer Rufus,
c'est-à-dire changer l'histoire de manière à faire en sorte que
sa mort ne se soit jamais produite. La Lucy de 2023 remet à celle de
2018 le fameux journal qui parcourt les épisodes depuis le début de
la série. Puis les deux ersats de 2023 montent dans le prototype de
la Timemachine afin de
laisser le modèle perfectionné entre les mains du
l'équipage composé de Wyatt, Lucy, Flynn et Jiya qui remplace
Rufus. L'agent Christopher et Connor
Mason les suivent de la base.
Lucy
se met à explorer son journal et à le compléter. Elle y retrouve
des traces de voyages antérieurs, dont un qu'elle aurait fait
probablement sur le Titanic. Cet aspect de leur avenir, on ne le connaîtra jamais. Wyatt est confus d'apprendre par
le Wyatt de 2023 que Jessica, sa femme, contrairement à ce qu'elle
lui avait annoncé, n'était pas enceinte. Abattu par cette
révélation, il essaie de se rapprocher de Lucy qui est également
courtisée par Flynn. Déchirer entre le désir de ramener Rufus et
celui de se porter à la défense de l'histoire, l'agent
Christopher leur impose de partir à la recherche d'Emma et du
vaisseau dont la trace a été repérée en Californie, à Coloma, le
28 janvier 1848, au moment de la fameuse gold rush.
Dès qu'ils arrivent sur les lieux, c'est pour
découvrir des affiches les représentant avec une prime pour leur
capture. Les quatre membres de l'équipage achètent des chevaux mais
sont bientôt rattrapés par un groupe de Mexicains (en 1848, la
Californie venait d'être cédée aux Américains à l'issue de la
guerre). Ces pistoleros les accusent d'avoir voler leurs chevaux.
Lucy reconnaît Joaquin Murrieta, un fameux bandit dont les aventures
ont inspiré le personnage de Zorro. Pendant ce temps, Emma et
Jessica font le trafic des pépites d'or qu'elles dérobent avec des
complices aux mineurs. Faisant route un temps ensemble Murrieta, qui
partage avec Flynn la douloureuse expérience d'avoir vu sa famille
massacrée, les emmène au village où sont les agents de Rittenhouse. Flynn quitte le
groupe pour rejoindre la Timemachine. Arrivé au lieu prévu, l'équipage s'aperçoit que Murrieta les trahit et sont saisis et désarmés par les pistoleros.
Pendant
que le reste de l'équipage est ficelé sous une tente. Flynn revient
pour accomplir le plan prévu par Wyatt. Selon lui, si Rufus est
mort, c'est parce que Jessica, en réapparaissant comme agent de
Rittenhouse, a entraîné un dérèglement des rapports de force (?).
Flynn, qui ne recule pas lorsqu'il s'agit de commettre un assassinat,
revient donc sur les lieux où Wyatt avait abandonné Jessica sur le
bord de la route, à San Diego, le 11 février 2012. Après avoir
assassiné le contact de Rittenhouse, il se prépare à tuer Jessica
lorsqu'il est atteint des effets secondaires qui torturent le
cerveau des voyageurs du temps lorsqu'ils co-existent dans un même
segment temporel. Après une lutte à mort, Flynn réussit à tuer
Jessica.
Au
même moment, alors que l'équipage s'attend à être liquidé par
les pistoleros sous la conduite de Emma, des échanges de coups de
feu se font entendre et la porte de la tente s'ouvre, laissant entrer
Rufus, ressuscité. Wyatt comprend que Flynn a tué Jessica. Du même
coup les pistoleros récupèrent l'or volé et lorsque Emma revient
d'un déplacement, son second lui demande qui est Jessica. Comprenant
que quelques choses s'est passé. Elle ouvre le coffre-fort. Il est
vide.
Flynn,
blessé et harcelé par les effets secondaires du voyage dans le temps, parvient à la
navette, la met en marche et s'en éjecte avant qu'elle ne disparaisse.
Abandonné en 2012, Flynn parvient à retrouver sa famille (à San
Francisco?) où il se voit en train de fêter avec sa femme et sa
petite fille. On le retrouvera plus tard, mort avec l'étiquette de
John Doe. En disparaissant, il a laissé dans le journal de Lucy une
lettre où il lui écrit les raisons de son sacrifice.
Dramatiquement, le suicide héroïque de Flynn efface le concurrent
de Wyatt auprès de Lucy. Un problème de résolu. Lorsqu'ils
reviennent à l'entrepôt, l'équipage lèvera son verre au courage
de Flynn. Le terroriste du début, celui qui avait assassiné Abraham
Lincoln et William Barret Travis, a ainsi effacé ses fautes. Après
tout, c'est Noël. Le retour de Rufus est considéré aussi comme un
premier miracle.
Mais
Emma Whitmore
n'a pas dit son dernier mot. Elle se jure d'en finir définitivement
avec l'équipage de Lucy dont la haine jalouse est à son comble. On
la retrouve donc, en Corée du Nord,
lors de l'évacuation, le 24
décembre 1950.. Elle paie de lingots d'or un officier pour
accomplir un plan en vue de conduire l'équipage dans un guet-apens. Il s'agit de les faire liquider par l'armée communiste
coréenne soutenue par la Chine. Lorsque l'agent Christopher consulte
des documents sur Internet, après le départ de l'équipage, elle
découvre une photographie représentant ceux-ci morts dans la neige.
De nouveau, l'angoisse s'installe.
Ayant échappés au guet-apens ourdi par Emma, l'équipage rejoint
la colonne de réfugiés qui se dirige vers le port où elle va être
évacuée sur des navires américains. En cours de route, Jiya et
Lucy se réfugient dans une petite
chapelle où une Coréenne
enceinte vient les rejoindre. Un espion quitte la
nef.
Elle leur raconte que son mari est journaliste, qu'ils ont déjà un
petit garçon et qu'elle enseigne l'histoire, ce qui crée un
rapprochement avec Lucy. Voyant venir un détachement communiste,
Wyatt et Rufus viennent chercher Jiya et Lucy. Cette dernière veut
que la Coréenne les accompagne. Wyatt lui demande si elle est
importante pour l'histoire? Ce à quoi Lucy réplique que chacun est
important. Alors que tout au long de la série il apparaissait qu'il
ne fallait pas diverger d'une ligne de l'histoire, maintenant, la vie
de chaque individu compte autant que celle des personnages
historiques. On peut certes y voir une élévation de maturité chez
les membres de l'équipe, mais cela peut aussi être compris comme un
aveu de l'échec, après toutes les transformations de détails que
l'histoire des États-Unis a subi depuis le début, la vanité de prétendre à
sauver l'histoire..
Évidemment, la suite est prévisible. La
Coréenne se met à
accoucher en pleine fuite. Lucy et Rufus se rendent auprès des
forces américaines pour requérir le secours d'un médecin. Après
hésitation, l'officier autorise un médecin coréen à les
accompagner. Au moment où ils approchent de l'endroit où Jiya et
Wyatt secouraient la Coréenne, un obus explose près du refuge où ils s'étaient terrer. Dans
cet ultime moment de tension, Wyatt sortira finalement avec un enfant
dans ses bras et Jiya qui soutient la Coréenne relevant de ses couches.
Celle-ci retrouvera sa famille et sera évacuée par les Américains
alors que l'équipage retourne à la chapelle, encerclé par les tirs
des militaires communistes.
Après avoir constaté avec étonnement que les communistes
avaient tué une religieuse, Rufus avoue que le temps qu'il a vécu
loin de Jiya n'ont pas entamé son amour pour elle. Lucy et Wyatt se
promettent de même. L'issue semble aussi désespéré qu'à l'Alamo
lorsque la
Timemachine apparaît,
conduite par l'agent Christopher. Celle-ci a capturé Emma grâce à
l'aide de Cahill, le père de Lucy, qui lui rappelle que la famille a
un sens pour lui si elle en a pas pour elle. L'agent Christopher
débarque donc de la Timemachine avec
Emma. Celle-ci promet à Lucy qu'elle peut l'aider à retrouver sa sœur
Amy. Mais Lucy ne lui fait pas confiance. Elle a fait définitivement le deuil de sa sœur. Emma est abattu par un tir
des communiste tandis que les autres membres de l'équipage
s'empressent de regagner la Timemachine. Tout
est bien qui finit bien.
En 2023, Wyatt et Lucy ont deux
petites filles et Lucy enseigne à l'Université de Palo Alto. Ils
utiliseront la dernière fois la Timemachine pour
rejoindre Flynn, dans un bar à São Paulo au Brésil, le 24 décembre
2014, après l'assassinat de sa femme et de sa petite fille. C'est
alors, conformément au premier épisode, elle lui remet son journal
en lui prédisant ce qui allait lui arriver. Pressée par les effets
secondaires du dédoublement dans un même secteur temps (qui, étrangement,
n'affecte nullement Wyatt et Rufus), elle dépêche de partir. Et
l'histoire reprend là où elle avait commencé au tout début.
La
fin précipitée de la série
a sûrement obligé les concepteurs à résoudre les énigmes
laissées en blanc, quitte à les refermer advienne que pourra. C'est
une fin convenue, sans effort d'imagination, utilisant des rappels et
des ellipses pour refermer le plus rapidement possible un récit tordu et
paranoïaque. Plus que Time
Tunnel encore, Timeless
démontre les difficultés logique et psychologique, pour des scénaristes ou des romanciers,
d'organiser un récit de science-fiction ayant le voyage dans le
temps comme dynamique. Pour y réussir, ou bien il faut accepter la
convention que le voyage dans le passé n'a rien véritablement à
voir avec l'histoire, ou bien se contenter des voyages dans l'avenir (Wells, La machine à explorer le temps; Barjavel, Le voyageur imprudent), voyages qui, aujourd'hui, finissent généralement par se confondre avec un voyage dans l'espace.
Si on ne courre pas l'aventure dans la quatrième dimension, alors on fait comme
Irwin Allen, amener dans le passé des extra-terrestres aux uniforme smétalliques comme s'ils sortaient d'un four à micro-ondes.
La difficulté repose
essentiellement dans l'articulation logique des événements par
rapport à la fiction qui s'y insère et qui, inévitablement, va
modifier le cours de l'histoire, en gros ou en détail. On arrive
alors dans une forme d'uchronie qui se révèle comme une anamorphose du
récit historique connu. Time tunnel réussissait
mieux que Timeless cette
opération d'agencements de la fiction et de l'historique sans que
l'anamorphose soit trop déformante au point de ne plus reconnaître
l'événement. Le fait
que chaque épisode se complétait en lui-même était également un
avantage.
En créant une continuité avec le complot Rittenhouse qui
s'essouffle comme un bout de chandelle, l'historique a été
sacrifiée à la fiction. C'était le choix des concepteurs. Leur
seule réussite restera le fait d'avoir présenter des personnages "hors normes" –
femmes, autochtones, noirs, gays – persécutés jadis par la
société américaine et qui méritaient d'être reconnus pour leur
apport à la culture nationale. Une fois cette pensée généreuse et
très morale étalée, il reste vraiment peu de choses à se
mettre sous la dent⌛
Jean-Paul Coupal
28 décembre 2018
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